Patrimoine en péril: 18 mois après le terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019, la Cour des comptes (CdC) dresse un constat sévère sur la gestion des dons perçus pour la restauration de la célèbre cathédrale.
Dans un rapport de plus de 170 pages, les Sages de la rue Cambon pointent ainsi l’opacité de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, ainsi que certains errements dans l’utilisation de ses fonds issus de la générosité publique.
5 millions d’euros de dons dans les salaires et les loyers
À cette masse salariale s’ajoute à un loyer de 263.000 euros annuels pour des locaux Cité Martignac, dans le très huppé VIIe arrondissement de la capitale. Un loyer de près de 22.000 euros mensuels, soit 93 euros au m2, environ 2,5 fois le prix moyen constaté dans le quartier.
Au total, ce sont donc pas moins de cinq millions d’euros (issus de dons) qui partent chaque année dans les frais de fonctionnement de cette structure étatique. Or, la Loi du 29 juillet, qui a créé cet organisme public chargé de mener à bien la rénovation de la cathédrale précisait que:
«Les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont exclusivement destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier dont l’État est propriétaire, ainsi qu’à la formation initiale et continue de professionnels disposant des compétences particulières qui seront requises pour ces travaux.»
Ainsi, l’utilisation des dons pour financer les frais de fonctionnement est-elle une entorse à la loi. De surcroît, certaines missions attribuées à l’établissement public, comme celle de la «valorisation» de l’environnement de la cathédrale «ne relèvent pas en tant que telles de la conservation et de la restauration de la cathédrale».
Quant au loyer, celui-ci est versé… à l’État français, propriétaire des locaux. Ainsi, les magistrats jugent-ils «très discutable» qu’aucune subvention ne soit justement versée à une structure pourtant publique, et «alors même que l’État est propriétaire du bâtiment». Une aide permettrait de couvrir de tels frais de fonctionnement pour éviter que l’État n’empoche des dons privés.
Une «très discutable» absence de subventions
«Ils ont simplement le droit de savoir à quoi leur argent –ou leurs promesses– servent ou vont servir», assurait le 30 septembre Pierre Moscovici. Le premier président de la Cour des comptes martelait au micro de France info qu’il s’agissait-là d’«assurer la transparence» de l’usage des dons.
«Le risque existe que la confiance du public ne s’érode, avec pour conséquence une incidence sur la concrétisation des promesses de dons et la mobilisation de ressources de mécénat à l’étranger», écrivent les Sages de la rue Cambon dans leur rapport.
Ces derniers n’épargnent pas le ministère de la Culture, rappelant le peu d’intérêt qu’il a porté à l’édifice durant les deux décennies qui ont précédé le terrible incendie du 15 avril 2019. Le rapport pointe notamment du doigt le programme de travaux «très limité» de 16 millions d’euros dont avait bénéficié Notre-Dame entre 2000 et 2016. Une enveloppe d’un million d’euros par an en moyenne, jugée «très insuffisante au regard de son état préoccupant».
Le coût des derniers travaux en date, interrompus par l’incendie, s’élevait à 58 millions d’Euros sur dix ans. Bien qu’encadrés par le ministère de la Culture, ceux-ci étaient pourtant conditionnés «à la capacité pour la fondation de mobiliser deux millions d’euros de dons par an». En d’autres termes, même avant le sinistre, près d’un tiers des fonds allant à la restauration de cet édifice clé du patrimoine national –l’un des monuments les plus visités du pays– provenait de dons.
La «très anormale» absence d’enquête administrative
Du côté du ministère, on joue sur l’interprétation de la loi. Échaudée par le rapport de la Cour des comptes, la rue de Valois assure néanmoins qu’elle réglera la note du loyer.