Du séparatisme islamiste à l’islam français: Macron est-il à la hauteur?

© AFP 2024 LUDOVIC MARINEmmanuel Macron aux Mureaux
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Dans un discours très attendu, prononcé aux Mureaux ce vendredi 2 octobre, Emmanuel Macron a dévoilé une partie des mesures du projet de loi «contre les séparatismes». Un texte qui sera présenté le 9 décembre en Conseil des ministres. Convaincant ou insuffisant? Éléments de réponse avec l’essayiste Barbara Lefebvre.
«Nous devons nous attaquer au séparatisme islamiste, qui est un projet conscient, politique, qui suppose l’élaboration d’une contre-société».

Aux Mureaux (Yvelines), devant plusieurs ministres réunis pour l’occasion, Emmanuel Macron s’est montré offensif dans son discours très attendu –et plusieurs fois reporté– sur le séparatisme.

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Lutte contre le «communautarisme», contre le «séparatisme» puis, au pluriel, contre «les séparatismes»… Si le Président de la République a plusieurs fois changé son fusil d’épaule, édulcorant peu à peu son message politique, il a cette fois-ci nommé l’ennemi sans ambages, diagnostiquant la «crise profonde» que connaît l’islam dans le monde et appelant à «opposer un patriotisme assumé à l’islamisme radical»:

«Il y a dans cet islamisme radical un objectif de contrevenir aux lois de la République pour développer un ordre parallèle. Il s’agit [pour ces islamistes, ndlr] de prendre le contrôle complet du pays», a affirmé Emmanuel Macron dans son discours aux Mureaux.

Interrogée par Sputnik, l’essayiste Barbara Lefebvre, qui avait publié dès 2002 l’ouvrage Les territoires perdus de la République (Éd. Mille et une nuits), reconnaît d’ailleurs qu’Emmanuel Macron a fait «un pas de géant» par rapport au discours qu’il tenait il y a encore «trois ou quatre ans».

© SputnikDiscours d'Emmanuel Macron aux Mureaux
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Discours d'Emmanuel Macron aux Mureaux

Selon notre interlocutrice, le Président se dirigeait vers «une approche concordataire» de l’islam en France, à l’image du régime encore en vigueur en Alsace-Moselle, non soumis à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État.

«Le choix de confier au CFCM [Conseil français du culte musulman, ndlr] la responsabilité d’organiser le culte musulman et la formation des imams est une très bonne idée. Le message d’Emmanuel Macron est plutôt bon: il sous-entend que c’est aux musulmans eux-mêmes d’organiser leur culte, avec un État qui surveille et qui accompagne», soutient Barbara Lefebvre au micro de Sputnik.

Le Président, qui a annoncé que le projet de loi sur les séparatismes serait présenté le 9 décembre en conseil des ministres avant relecture, «viserait à renforcer la laïcité» et à «consolider les principes républicains». Concrètement, le locataire de l’Élysée a annoncé une batterie de mesures, dont certaines avaient d’ailleurs déjà été révélées dans la presse ces dernières semaines, notamment par Gérald Darmanin et Marlène Schiappa.

«Instruction à domicile strictement limitée»

En premier lieu, le chef d’État a déclaré que les préfets qui autorisaient la mise en place de créneaux d’accès à la piscine pour les femmes ou qui accepteraient des menus confessionnels à la cantine pourraient être suspendus de leurs fonctions. Dans le service public, mais aussi dans le privé, il a rappelé l’obligation de neutralité applicable aussi bien aux agents publics qu’aux salariés.

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La mesure phare de cette allocution est sans doute l’obligation de l’instruction à l’école pour tous les élèves dès l’âge de trois ans, ce qui implique que l’instruction à domicile serait désormais «limitée aux impératifs de santé uniquement», a précisé M. Macron.

Une mesure qui viserait à éviter que l’école à la maison ne devienne l’occasion d’un endoctrinement pour les plus jeunes. Une offensive qui interpelle toutefois: la loi Blanquer «pour une École de la confiance» de 2019 avait déjà institué l’école obligatoire pour tous les enfants à partir de trois ans, sans préciser que celle-ci se ferait obligatoirement en présentiel.

«Un aveu d’échec de la loi Blanquer, qui visiblement n’a pas réussi à faire revenir les 26.000 élèves non scolarisés à l’école», selon Barbara Lefebvre.

Dans le même ordre d’idées, Emmanuel Macron a confirmé la fin des «Enseignements de langue et culture d’origine» (les ELCO), déjà annoncée en février dernier à Mulhouse.

«Les ELCO étaient un nid à propagande»

Appliqués en France depuis 1977, ces cours devaient renforcer la maîtrise de la langue et de la culture maternelles des enfants d’immigrés. «Un vecteur important de séparatisme», d’après Emmanuel Macron, car ces cours étaient très souvent assurés par des enseignants eux-mêmes étrangers et ne parlant pas toujours français. Ces derniers seront donc remplacés par des «Enseignements internationaux de langues étrangères» (EILE). Une mesure «catastrophique» contre laquelle Barbara Lefebvre s’insurge, car ces derniers seront «intégrés sur le temps scolaire», contrairement à ceux de langue et culture d’origine, qui ne l’étaient pas. Ce qui signifie que «l’heure et demie d’apprentissage de l’arabe se fera aux dépens d’une autre matière», décrypte l’essayiste.

«Les ELCO étaient un nid à propagande islamiste, mais surtout anti-assimilation. En réalité, la transformation des ELCO en EILE ne fera aucune différence […] L’éducation nationale ne surveillera rien du tout. L’inspection des écoles hors contrat ne se fait qu’une fois par an, et en plus les écoles sont prévenues à l’avance: il faut arrêter la rigolade», déplore Barbara Lefebvre.

L’autre grand axe annoncé par Emmanuel Macron porte sur le contrôle et la structuration de l’islam en France. Le Président a ainsi appelé à la construction d’un «islam des Lumières», suivant en cela la pensée de l’anthropologue Malek Chabel, décédé en 2016, qui prônait une réforme de l’islam en faveur de son assimilation totale à la société française.

«La France a trente ans de retard»

Pour ce faire, Emmanuel Macron a annoncé la fin des imams détachés, c’est-à-dire formés dans des pays étrangers (Turquie, Algérie, Maroc). Désormais, en accord avec le CFCM, la formation d’imams sera «labellisée» en France afin d’éviter l’ingérence de pays étrangers dans la pratique du culte sur le sol français. «Une charte dont le non-respect entraînera la révocation des imams» est également à l’étude, d’après M. Macron. Barbara Lefebvre salue cette décision, mais considère que la mesure ne sera efficace «qu’à long terme»:

«La France a 30 ans de retard sur le sujet. Je rappelle que tous les responsables du CFCM sont nés à l’étranger, aucun n’est né en France. Il était toutefois nécessaire de sortir de l’islam consulaire, qui est en réalité un islam colonial avec lequel il fallait absolument couper», juge Barbara Lefebvre au micro de Sputnik.

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Second volet de cette tentative de reprise en main de l’islam en France, le contrôle accru du financement des mosquées, pour mettre fin au «système d’opacité»: les mosquées et les lieux de culte seront ainsi «incités à sortir de la forme associative pour être davantage contrôlées sur le plan des financements», a soutenu le Président de la République.

En sortant de la forme associative, les mosquées ne seraient plus soumises à la loi de 1901 et obtiendraient une fiscalité plus avantageuse, mais elles seraient aussi davantage surveillées, conformément à la loi de 1905. L’idée étant bien entendu de couper court aux financements étrangers et à l’ingérence que ceux-ci supposent. Une mesure souhaitable, selon Barbara Lefebvre, même si là encore, la France aurait un temps de retard:

«L’islamisme ne se développe plus véritablement dans les mosquées. N’oublions pas que les islamistes ont toujours un temps d’avance. […] Aujourd’hui, la radicalisation se fait de manière sauvage sur les réseaux sociaux, dans les cages d’immeuble, dans les salles de sport, dans les associations de MMA, etc. Comment contrôler une association sportive?», s’interroge Barbara Lefebvre

De là à dire qu’Emmanuel Macron a encore la main trop leste sur le sujet de l’islamisme? Ou tout simplement que l’État est condamné à l’impuissance face à un islamisme mouvant, qui s’adapte très rapidement? Barbara Lefebvre reconnaît que M. Macron «veut bien faire», mais prône de son côté des «mesures bien plus strictes»:

«L’expulsion systématique des étrangers et des binationaux condamnés pour délinquance aggravée, stups, salafisme, apologie du terrorisme et ainsi de suite […], mais cela demande un peu de courage politique», tacle l’essayiste.
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