Au Mali, le célèbre musicien Sidiki Diabaté, petit-fils du «roi de la Kora» (instrument à corde), a été placé sous mandat de dépôt le 24 septembre. Un rebondissement dans l’affaire qui l’oppose à une ancienne petite amie, Mariam Sow, une influenceuse de 23 ans. Les charges retenues contre la star africaine font cas de «coups et blessures volontaires, séquestration, attentat à la pudeur et la violence corporelle». Ébruité par les réseaux sociaux à travers des images montrant le corps tuméfié de la victime présumée, les publications sont en quelques jours devenus virales.
À 28 ans, Sidiki Diabaté, spécialisé dans le genre musical Afropop, est depuis 2010 l’un des artistes les plus populaires de sa génération en Afrique de l’Ouest. Dans cette partie du continent, il appartient à la 72e génération des musiciens et conteurs gardiens de cette tradition qui se transmet de père en fils.
Mais cette affaire commence à avoir des répercussions sur sa notoriété. «L’enfant béni», comme il l’a lui-même chanté, est désormais «boycotté sur la Toile» par des fans. L’internationalisation de cette affaire contribue davantage à «isoler» l’artiste désormais entre les mains de la justice.
IL N'Y A PAS DE PARDON SANS JUSTICE. #JESUISMAMASITA pic.twitter.com/vEsenRFxIn
— Collectif femmes pour femmes (@pour_collectif) September 23, 2020
Lorsque les images choquantes des parties corporelles de la supposée victime de «violences» perpétrées par l’artiste arrivent sur le Net, des hashtags naissent, comme #ShameonSidiki, #JeSuisMamasita ou #BoycottSidikiDiabaté, sans oublier des groupes créés en soutien à la jeune femme.
Des organisations de défense des violences basées sur le genre et des associations caritatives à l’instar de Solidaris 223 et One Stop Center se sont saisies de la situation de la jeune femme. La victime présumée a bénéficié de conseils, d’une orientation procédurale, d’un suivi psychologique et sanitaire desdites structures.
«Nous avons accompagné la victime à son audition pour le dépôt de la plainte. Nous l’avons orienté au One Stop Center, un centre spécialisé pour les cas de violences basées sur le genre pour la prise en charge psychologique», précise Balla Mariko de Solidaris 223 à Sputnik.
Selon Diawara Bintou Coulibaly, présidente national de l’Association pour le progrès de la défense des droits des femmes (APDF), la réglementation sur les violences physiques existe au Mali, mais le retard réside dans «l’application» de cette dernière. L’association accompagne et oriente les victimes dans les procédures administratives. Pour l’activiste Coumba Bah, des avancées considérables sont faites depuis quelques années «sur les violences basées sur le genre» car la débat est désormais posé sur la place publique.
Une affaire qui menace la carrière de l’artiste
Mais les conséquences de cette affaire sont loin de s’en tenir à cette vague de protestation. Après le dépôt de la plainte le 18 septembre, les événements culturels de récompenses des artistes sur le continent où Sidiki Diabaté était nominé ont commencé à se désolidariser de l’artiste en dissociant son image auxdits rendez-vous. Le 21 septembre, l’organisation des African Muzik Magazine Awards (Afrimma), cérémonie qui récompense les meilleurs artistes africains, a annoncé depuis Dallas, aux États-Unis, le «retrait de la nomination de l’artiste malien Sidiki Diabaté».
We are announcing the official withdrawal of the Nominations of Malian Artist Sidiki Diabate for Afrimma 2020 . This is a consequence of the overwhelming allegations of assault and battery against him. Afrimma stands as a body against women battery or assault.
— AFRIMMA (@afrimma) September 20, 2020
La maison de production internationale Universal Music Africa qui accompagne l’artiste a porté le coup de grâce le 23 septembre en suspendant «toute forme de collaboration» jusqu’à ce que la justice rende son verdict.
«Dans l’attente du jugement rendu par la justice malienne et compte tenu de l’extrême gravité des faits reprochés à l’artiste, Universal Music Africa suspend avec prise d’effet immédiat toute forme de collaboration avec celui-ci» énonce le communiqué rendu public.
Au Mali, depuis 2015, Internet contribue à libérer la parole sur les sujets relatifs aux violences basées sur le genre, notamment les violences conjugales. Cette année-là, l’assassinat à coups de couteau de Mariam Diallo par son mari à son domicile a grandement ébranlé l’opinion. Mouvements, manifestations et plaidoyers se sont succédés sur fond d’une vaste campagne de dénonciation sur les réseaux sociaux.