Anne Hidalgo envisage-t-elle sérieusement la possibilité d’une candidature en 2022? L’hypothèse, jusqu’à présent exclue par la maire de Paris, commence à prendre de l’épaisseur. Dans un entretien donné au Point jeudi 17 septembre, celle-ci n’élude pas totalement la question. Lorsqu’on lui demande si elle se voit en rassembleuse de la gauche pour la présidentielle, la voici qui répond:
«Je vois bien que le regard sur moi a changé. J’entends les commentateurs, je vois les réactions chaleureuses des Parisiens, celles des Français que j’ai croisés cet été. Ils aiment les responsables politiques combatifs, qui ont des cicatrices et ont relevé de beaux défis, surtout lorsqu’on est une femme.»
Si à ce stade, elle n’annonce aucune candidature officielle, Anne Hidalgo ne semble plus exclure cette possibilité. En embuscade, elle semble surtout attendre de voir l’état de la gauche d’ici 2022. Si les divisions annoncées se confirment entre écologistes, socialistes, communistes et Insoumis, son espace politique risque d’être mince. La maire de Paris le reconnaît d’ailleurs volontiers: «Il ne faut pas brûler les étapes. Définissons d’abord le projet que les sociaux-démocrates et les écologistes doivent bâtir.»
Mais pour Le Point, cela ne fait aucun doute: Anne Hidalgo prépare «en secret» une future candidature présidentielle. L’hebdomadaire assure d’ailleurs que plusieurs de ses proches collaborateurs y sont favorables et commencent à déblayer le terrain. À condition seulement que «la voie soit dégagée». Signe de cette nouvelle donne parmi ses intimes, Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris, a vendu la mèche dans un tweet le 31 août dernier. Réagissant à la une de Libération, où ne figuraient pour 2022 que des hommes comme candidats potentiels, il s’est dit «convaincu qu’une femme arrivera à rassembler.»
Je suis convaincu qu’une femme arrivera à rassembler 😋 https://t.co/f2US2h2GLQ
— Emmanuel GREGOIRE (@egregoire) August 31, 2020
Parmi un certain nombre d’élus socialistes, on se dit en effet favorable à une candidature d’Anne Hidalgo, encore impensable il y a quelques mois, quand la maire de Paris subissait ce qu’elle appelle elle-même un «Hidalgo bashing». Une impopularité due en grande partie à plusieurs mesures contestées, parmi lesquelles la piétonnisation des voies sur berge de la capitale, ou plus récemment la décision de réserver la rue de Rivoli, très fréquentée par les voitures en temps normal, aux piétons et aux cyclistes. Mais depuis, l’édile a été réélue haut la main à Paris, devançant assez largement ses adversaires, à 48,7% des voix devant Rachida Dati (33,8%) et Agnès Buzyn (13,3%).
Pour François-Michel Lambert, député écologiste des Bouches-du-Rhône et coprésident du parti Liberté Ecologie Fraternité, Anne Hidalgo est à n’en pas douter la candidate qu’il faut à la gauche pour 2022, car elle est capable de «rassembler bien au-delà de son camp»:
«L’apaisement dont a besoin notre société pour 2022 s’incarne à travers Anne Hidalgo, qui a démontré qu’elle était capable de transformer un territoire avec la ville de Paris dans cette urgence de la transition écologique. Anne Hidalgo dépasse le simple cadre de la gauche, elle incarne une nouvelle approche de la politique, bien plus proche des attentes des Français sur la question du progressisme ou de l’écologie.»
L’autre atout mis en avant par les soutiens d’Anne Hidalgo est qu’elle est la seule femme crédible face à une gauche 100% masculine: Yannick Jadot, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Éric Piolle, François Hollande ou encore Bernard Cazeneuve. L’argument est d’ailleurs rappelé par François-Michel Lambert: «Hidalgo est une femme qui incarne excellemment ce monde que nous avons à construire en tournant la page d’un machisme incarné notamment par le pouvoir en place.»
«Hidalgo bashing»
Bien évidemment, la perspective d’une candidature d’Anne Hidalgo prête le flanc aux critiques des détracteurs les plus coriaces de la maire de Paris. Ces derniers ne manquent pas de rappeler le bilan «catastrophique» de l’élue socialiste, en dépit de sa réélection. Le journaliste et écrivain André Bercoff, «Parisien de toujours» comme il se définit lui-même, porte ainsi un regard sévère sur le mandat d’Anne Hidalgo:
«Anne Hidalgo pratique à Paris ce que l’on peut appeler du “marketing segmenté”: elle cherche à plaire à toutes les minorités, mais ne se soucie guère du reste. Si l’on veut faire de Paris une ville totalement muséifiée, on ne s’y prendrait pas autrement. Paris, contrairement à Venise, n’est pas une ville morte. Du moins pas encore, car Anne Hidalgo fait tout pour que la ville se transforme en Ehpad.»
«Une majorité de son électorat habite en logement social et vit des largesses et des subventions d’une mairie qui dilapide. Car dans tous les domaines (pollution, circulation, finances, transports, propreté, sécurité), son bilan est en réalité catastrophique», affirme-t-il au micro de Sputnik.
Sur le plan idéologique, l’ancien conseiller de la ville de Paris estime que sa rivale n’est pas structurée et se contente de répondre à la demande des «bobos» parisiens qui forment d’après lui le socle de son électorat: «Elle a su avec habileté braconner sur les thèmes écolos en faisant de la surenchère anti-bagnole». Et si on imagine maintenant Anne Hidalgo au plus haut sommet de l’État?
«Dans le contexte de surendettement de la France, les recettes dilapidatrices d’Hidalgo à Paris ne fonctionneraient pas longtemps. On aurait droit à des hausses d’impôt et surtout à des coups de com’ permanents sur un registre pseudo-écolo. Mais la supercherie ne durerait pas longtemps. Elle serait rapidement l’ultime fossoyeuse du système.»
Quoiqu’il en soit, en attendant une entrée en campagne qui n’arrivera peut-être jamais, le moins que l’on puisse dire est qu’une éventuelle candidature d’Anne Hidalgo divise déjà.