Depuis son retrait de la vie politique le soir du 21 avril 2002, Lionel Jospin s’est peu exprimé dans les médias. L’ancien Premier ministre socialiste a publié quelques livres, dont le dernier, «Un temps troublé» (Éd. Seuil), paraît ce 3 septembre. Tenu jusque-là par le devoir de réserve en tant que membre du Conseil constitutionnel –qu’il a quitté en mars 2019–, il peut désormais s’exprimer librement. Ainsi n’a-t-il pas manqué de qualifier Emmanuel Macron de «premier des “dégagistes”», lui reprochant sa «verticalité» dans l’exercice du pouvoir.
Mais Lionel Jospin anticipe surtout l’avenir de la gauche, dans l’optique de la Présidentielle de 2022, affirmant ainsi que «la gauche écologiste rassemblée a le potentiel pour être présente au second tour et peut-être gagner.» À une condition, cependant: «Les mouvements, les partis et les leaders qui [l’] animent devront montrer une grande capacité de désintéressement et le sens de l’intérêt général. Car nul d’entre eux ne pourra gagner en s’isolant.»
La gauche surfe sur la vague des Municipales
En effet, si la gauche a dernièrement «repris des couleurs», comme en attestent les dernières élections municipales et les succès des listes des Verts et des socialistes –qui ont repris à la droite des villes comme Marseille, Bordeaux et Nancy–, l’offre politique n’a jamais paru aussi éclatée, et les désaccords semblent encore nombreux entre le Parti socialiste (PS), Europe Écologie Les Verts (EELV) et la France Insoumise (LFI).
Interrogée par nos soins sous couvert d’anonymat, une ancienne élue du PS, ayant contribué à la création d’EELV, y croit:
«Oui, la gauche peut gagner en 2022. Mais à une condition, c’est qu’elle soit unifiée et qu’elle trouve le bon candidat», espère-t-elle au micro de Sputnik.
Mais qui serait justement le «bon candidat» pour la gauche? «Malheureusement, aucun candidat ne se dégage naturellement», regrette notre source.
Jean-Luc Mélenchon, qui confiait le 30 septembre dans les studios de France Inter se sentir «une vocation de candidat commun» pour la gauche, pourrait-il mettre tout le monde d’accord?
À gauche, «aucun candidat ne se dégage naturellement»
«Non, je n’y crois pas du tout. Jean-Luc Mélenchon, c’est le candidat perpétuel, ça ne marchera pas.» Interrogé par Sputnik, François-Michel Lambert, député écologiste des Bouches-du-Rhône, partage cette analyse:
«Jean-Luc Mélenchon a apporté sa voix au débat depuis des décennies. Mais il ne peut pas être la représentation de cette attente citoyenne. Il en a conscience, il faut qu’il l’accepte. Une nouvelle génération, plus jeune et surtout plus “fraîche” dans le champ politique est attendue et pourra créer la dynamique.»
L’ancien membre d’EELV et de Génération écologie, qui a depuis créé le parti Liberté Écologie Fraternité, milite plutôt pour un programme commun de la gauche autour de l’actuelle maire de Paris Anne Hidalgo:
«Je suis pour un Printemps citoyen, de gauche et écologiste pour 2022. Avec une femme candidate, répondant à l’aspiration des Français pour retrouver une société apaisée et un nouveau progrès partagé et commun, loin de l’individualisme que porte la majorité LREM. Je suis pour qu’Anne Hidalgo devienne la première Présidente de notre République.»
L’eurodéputé s’est ainsi affiché aux côtés d’Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, à l’Université d’été de ce parti, à Blois le dernier week-end d’août, laissant très clairement entendre une entente entre EELV et le PS pour 2022:
«La gauche, c’est ma famille. Historiquement, l’écologie est irriguée par les idées de gauche. Je ne veux pas la fin du PS. Le PS a son histoire, ses combats, ses identités. Nous avons l’obligation de travailler ensemble.»
Pourtant, sa candidature ne semble pas plus faire l’unanimité à gauche que d’autres, comme le souligne notre ancienne élue écolo en off: «Certaines personnes pensent être le bon candidat [pour la gauche, ndlr], comme Yannick Jadot, mais on voit bien que ça ne fonctionne pas très bien avec le PS ni avec l’électorat socialiste…»
Candidature commune, une question de survie
Car au-delà des accords de partis, se pose la question de l’avenir de la gauche française. Pour les socialistes, il n’est pas question de revivre l’échec de 2017, quand Benoît Hamon recueillait 6% des suffrages à l’élection présidentielle. L’union de la gauche apparaît comme une condition indispensable si celle-ci veut avoir une chance en 2022. C’est en tout cas ce que défend François-Michel Lambert, conscient des enjeux:
«Nous ne pouvons pas aller à la Présidentielle et ne pas être unis dès le premier tour. Nous ne pouvons pas jouer avec le feu en 2022 à cette élection majeure, structurante de notre démocratie et donc du sens que nous donnons à la société. Il s’agit de gagner, pas de se compter.»
Une gageure, tant la gauche semble plus que jamais écartelée entre ses différents courants. Dans un entretien donné à Ouest-France le 29 août, François Hollande, ancien Président de la République, ajoutait encore un peu plus d’incertitude quant à la possibilité d’une union des gauches, refusant par principe tout accord avec les Verts et les Insoumis. Il a ainsi rappelé que le Parti socialiste avait «le devoir» d’être «la force centrale» à gauche, et ne devait «se rallier» ni à une candidature écologiste ni à Jean-Luc Mélenchon pour 2022.
La gauche, combien de divisions?