Dernière ligne droite pour le processus de révision de la Constitution de 1996 engagé par le Président Abdelmadjid Tebboune dès son accession à la magistrature suprême. Le texte, portant projet d’amendement, a été adopté par l’Assemblée populaire nationale jeudi 10 septembre puis samedi 12 septembre par le Conseil de la Nation, la chambre haute du Parlement. Une adoption en mode accéléré sans débat en plénière.
«Légitimité des urnes»
Le Président Abdelmadjid Tebboune s’était engagé à permettre «aux composantes nationales» (comprendre les partis et les politiques, les associations, les institutions de l’État et les experts) de présenter leurs propositions. Cette phase, qui s’est achevée le 5 septembre, a donné lieu à 5.018 avis répertoriés dans un document de 1.231 pages. Parmi elles figurent cinq propositions du ministère de la Défense nationale (MDN). Le fait que quelque conclusion émanant de ce département soit rendue publique est plutôt inédit dans l’histoire du pays.
«Ces dispositions méritent d’être reconsidérées du fait que le vice-Président, qui serait amené à assurer la destinée du pays pendant un certain temps, ne dispose pas de la légitimité des urnes.» Exit, donc, le poste vice-Président, cette proposition ne figure pas dans le projet final. Mohamed Sidoumou, journaliste politique au quotidien algérien El Khabar, estime lui aussi que cette disposition était «inappropriée et incohérente avec la nature du régime que propose le projet de révision constitutionnelle».
«L’idée d’introduire un vice-Président dans le système constitutionnel algérien n’a pas été mûrement réfléchie et ne jouit pas de l’unanimité au sein du système politique, compte tenu de la réaction de l’institution militaire qui a exprimé des réserves sur ce point. D’autant que le vice-Président aurait été désigné et n’aurait donc pas bénéficié d’une légitimité électorale, [en comparaison avec les systèmes où le vice-Président et le Président sont élus sur un même ticket présidentiel, ndlr]. La création de ce poste semble être une réaction vis-à-vis de la situation intenable créée par la vacance du pouvoir durant les dernières années de l’ère Bouteflika», explique le journaliste à Sputnik.
Pas de restauration de la paix
Un autre sujet sur lequel le ministère de la Défense nationale a obtenu gain de cause concerne l’engagement des troupes algériennes à l’étranger. Cette disposition, inscrite dans le texte préliminaire, est venue transformer la doctrine de défense de l’État algérien. La première version de l’article 31 alinéa 3 prévoyait de permettre à l’Armée nationale populaire de «participer à des opérations de maintien et de restauration de la paix». Mais le ministère de la Défense a préféré s’en tenir exclusivement aux missions de «maintien de la paix».
«Il est proposé d’exclure la mention ’’restauration de la paix’’. Argument: cette question pourrait induire des conséquences en termes de temps et de moyens dont la maîtrise échapperait à notre pays», précise ce département dans son avis.
En clair : les militaires algériens ne seront pas engagés pendant mais après un conflit pour des missions de maintien de la paix. L’alinéa 3 de l’article 31 a donc été modifié ainsi: «L’Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations unies, de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes, participer au maintien de la paix.»
Autre point soulevé par le MDN: la référence faite dans le préambule de l’avant-projet de révision constitutionnelle à la «cohésion du peuple avec l'armée dans le mouvement du 22 février 2019», le Hirak, qui a eu raison du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika. Le ministère a demandé la suppression de ce paragraphe arguant du fait que «l’Armée nationale populaire est une et indivisible, assumant ses missions institutionnelles et républicaines et entretenant un lien étroit avec le peuple algérien dans un esprit de solidarité et de cohésion nationale». Au final, le préambule du texte tel qu’il sera adopté lors du référendum du 1er novembre ne comporte aucune relation de principe entre l’armée et le Hirak. Deux autres propositions du MDN, de moindre envergure -concernant respectivement la conception de la sécurité nationale et les modalités selon lesquelles l’armée défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays- n’ont pas été retenues par les parlementaires algériens.
Tebboune himself?
Ces propositions ont été soumises au comité d'experts par le ministère de la Défense en qualité d’institution politique et non pas par l’état-major de l’Armée nationale populaire dont le rôle est essentiellement d’ordre opérationnel.
En Algérie, le ministre de la Défense nationale n’est autre que le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune. D’ailleurs, depuis son accession à la magistrature suprême, les médias publics sont tenus de le présenter en qualité de «Président de la République, chef suprême des forces armées, ministre de la Défense nationale».