Le gouvernement a décidé de reconduire une des décisions les plus impopulaires initiées sous l’ère Bouteflika: la coupure d’Internet durant la semaine du baccalauréat. L’objectif est d’empêcher les 637.000 candidats de tricher durant cet examen qui se tient exceptionnellement au mois de septembre à cause de la pandémie de coronavirus.
Update: Internet disruptions continue in #Algeria for a second day, with another hour-long blackout and social media / online platform restrictions on state-run operator Algeria Telecom in apparent bid to prevent exam cheating #Bac2020 #Algérie 📉
— NetBlocks.org (@netblocks) September 14, 2020
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L’idée de bloquer Internet est apparue consécutivement à la fraude massive qui avait caractérisé la session de 2014. Des élèves avaient utilisé leurs smartphones pour obtenir les solutions de sujets qui étaient diffusées sur les réseaux sociaux, d’autres s’étaient servis d’oreillettes miniatures pour recevoir les réponses d’un complice.
«Les sujets peuvent être uploadés sur des serveurs 100% sécurisés. Pour cela, il est possible de recourir à la blockchain, un concept moderne sécurisant totalement toute plateforme de données. Ils peuvent ensuite être imprimés directement à distance sur des imprimantes sous IP 5 à 10 minutes avant le début des épreuves. De plus, il est possible d’utiliser des brouilleurs de réseau au sein des centres d’examens tout en interdisant l’entrée de tout téléphone. Une telle procédure protégerait totalement les examens», propose Souhil Guessoum.
Déstabilisation
Souheil Guessoum relève que les répercussions de cette coupure sur les entreprises, déjà fortement déstabilisées par le Covid-19, peuvent les mettre en grandes difficultés.
Les répercussions sur le télétravail, concept qui s’est imposé durant la pandémie, sont également très importantes puisque les plateformes de vidéoconférence ont cessé de fonctionner.
«Imaginez la baisse de productivité, voire l’arrêt total, de certaines entreprises pendant tous les jours d’examens (BEM et baccalauréat), soit huit jours pleins. Imaginez le coût d’opportunité relatif à cette baisse de productivité. Il y a un impact certain sur la création de richesses au niveau national», explique Souhil Guessoum.
En 2019, l’ONG Internet sans frontières avait estimé que les coupures de connexion durant les cinq jours du baccalauréat avaient causé à l’Algérie une perte financière estimée à 250 millions de dollars, soit plus de 30 milliards de dinars.
Incohérence
Souhil Guessoum fait remarquer que le gouvernement «transmet un message d’irrationalité et d’incohérence» en coupant Internet alors «qu’il ne cesse de marteler l’importance des nouvelles technologies, de la numérisation et des start-up».
«Une start-up en démarrage, fragile financièrement, pourrait subir des conséquences dramatiques dues à l’absence de connexion même pendant quelques jours seulement. Une start-up basée sur des technologies nouvelles a un besoin accru de travail continu sans aucune interruption et surtout sans incertitudes. Le blocage Internet ne peut qu’avoir des répercussions négatives», regrette l’économiste.
Ces coupures d’Internet ont également eu des conséquences fâcheuses pour les projets de nombreux Algériens, à l’instar de la jeune lycéenne Ibtihal Bezzah, championne internationale de calcul mental, qui n’a pu participer à un championnat en ligne de Soroban (boulier japonais).
Certains ne veulent pas rester inactifs face à cette nouvelle période de jeûne numérique imposée par le gouvernement. Me Abdallah Heboul, un avocat engagé dans la défense des détenus d’opinion, a lancé l’idée d’une plainte contre l’État, principal fournisseur d’Internet. Selon l’avocat, cette coupure est une «infraction aux articles 4 et 7 de la loi fixant les règles générales relatives à la poste et aux communications électroniques». En effet, l’article 4 de cette loi dispose: «Dans le cadre des prérogatives attachées à ses missions, l'État veille notamment à la continuité et à la régularité des services offerts au public.»