La pandémie provoquée par le coronavirus et la crise économique due à la chute brutale du baril de pétrole devraient permettre de projeter l’économie algérienne dans le XXIe siècle. Le pays se doit de trouver très rapidement les moyens de s’affranchir de la dépendance aux hydrocarbures. Le gouvernement mise sur le déploiement des start-up, ces jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de développement.
Sur le plan juridique, une «révolution» apparaît clairement dans le projet de loi de Finances complémentaire 2020 élaboré par les autorités, qui doit être adopté prochainement par le Parlement. Le législateur consacre une série de dispositions à ces jeunes pousses, notamment l’article 46 qui institue le statut des plateformes de crowdfunding et l’article 47 qui recadre le rôle du capital-investissement.
«La start-up, de par son statut d’entreprise innovante et son business model particulier, se trouve exclue du circuit du financement bancaire, étant considérée comme une société très risquée et ne disposant pas des garanties suffisantes. […] Le financement classique, à travers les institutions financières, les banques et les institutions de l’État, bien qu’il contribue grandement au financement de l’économie, ne répond pas forcément aux besoins exprimés par les toutes petites entreprises et les start-up», peut-on lire dans l’exposé des motifs de ces deux articles.
À travers ces deux dispositions, le législateur reconnaît de fait le vide juridique en la matière ainsi que la nécessité de mettre en place un environnement adapté pour le développement des start-up.
Flexibilité
Conseiller en communication digitale, Habib Benramdane indique à Sputnik que cette «prise de conscience» reste insuffisante.
«Lancer une start-up revient à faire un pari sur l'avenir. Pour réussir, cette action doit reposer sur trois piliers: la solution d'une problématique, la simplification de la solution via l'usage des technologies et le financement de l’idée. La prise de risque est totale. Si la start-up échoue, l’entité est dissoute. Aussi, il est rare que les startuppers aient à rembourser les montants levés», note Habib Benramadane.
Selon lui, il est nécessaire que les pouvoirs publics acceptent ces principes qui ne ressemblent en rien au mode de fonctionnement de l’entrepreneuriat classique.
Signes d’ouverture
L’expert relève également la nécessité de permettre à des jeunes pousses d’être très réactives en matière d’investissement technologique. Il cite exemple d’une start-up qui lance une solution innovante et qui doit faire face à une très forte demande.
De son côté Nazim Sini, entrepreneur, se montre très optimiste. À la tête de Ninvesti, la première véritable plateforme de crowdfunding algérienne, il estime que les nouvelles dispositions de la loi de Finances complémentaire 2020 «sont des signes d’ouverture» de la part du gouvernement.
«Je pense que les autorités ont pris conscience du potentiel économique que représentent les start-up. Les choses commencent à bouger dans le bon sens. L’institution du statut de conseiller en financement participatif est un acte important. Dans notre cas, l’agrément qui nous sera accordé par la Banque d’Algérie permettra à notre plateforme de capter des fonds à travers le monde et de les injecter dans l’économie algérienne», explique Nazim Sini à Sputnik.
Trois formules
Créée et hébergée à Marseille, Ninvesti (j’investis, en dialecte algérien) vise à permettre à la diaspora de soutenir des start-up fondées en Algérie. Issu du monde de l’événementiel, Nazim a eu l’idée de lancer une plateforme de crowdfunding lors d’une rencontre avec des startuppers. «Ils se plaignaient tous de ne pas avoir accès à des sources de financement», se rappelle-t-il. Ninvesti, qui est elle-même une start-up, offre trois possibilités de financement: le don, qui donne lieu à la reconnaissance; le prêt participatif, qui permet un remboursement après un certain délai, et l’investissement participatif qui est une participation directe dans le capital de la société. L’investissement participatif est réservé aux financements importants.
Une fois la somme réunie, l’argent en euros est transmis via le réseau bancaire en Algérie pour être versé en dinars. Un notaire se charge d’établir les statuts et des contrats en incluant les nouveaux actionnaires. Il organise également une assemblée générale extraordinaire des associés.
«Ninvesti prélève une commission sur chaque levée de fonds, soit entre 5 et 7% selon le projet, les montants et la durée de l’opération. Nous commercialisons aussi des services annexes comme l’expertise comptable, la rédaction de contrats et le conseil financier. Nous appliquons le principe du "tout ou rien", c’est-à-dire que si l’objectif n’est pas atteint dans les temps impartis, les investisseurs récupèrent la totalité de leur argent», note Nazim.
Avec une nuance tout de même dans ce dernier cas, «le porteur de projet peut néanmoins lancer une nouvelle opération».
Retour sur investissement
Nazim reconnaît que des questions restent encore en suspens. Pour l’heure, il lui est impossible de dire comment les investisseurs, qui sont tous en dehors d’Algérie, pourront obtenir un retour sur investissement dans la devise d’origine, que ce soit à travers les bénéfices de la jeune entreprise ou par la vente de leurs actions. La législation algérienne permet l’entrée de monnaies étrangères dans le réseau bancaire national, mais le processus contraire est plus complexe.
Nazim croit cependant en son projet. Il est persuadé que les autorités adapteront la législation et la réglementation au contexte de développement des start-up.