Des ingénieurs français supplantés par leurs homologues indiens à bas coût: nous ne sommes pas dans une banque d’affaires de la City, mais chez Peugeot. Le groupe français aurait, selon les informations de Marianne, délocalisé en Inde la conception de sa prochaine gamme de véhicules (et plus si affinités), au grand dam de ses partenaires habituels, tels qu’Altran et Cap Gemini.
Une situation, qui comme le résume Marianne va à l’encontre du «nouveau catéchisme patriotique post-Covid» de Bruno Le Maire, à savoir la relocalisation sur le territoire français d’actifs industriels. Une situation qui, si elle n’a rien d’illégal, tient «de la tartufferie», conclut le magazine, qui souligne que dans l’Hexagone, l’entreprise a massivement recouru au chômage partiel durant la crise du Covid-19.
La «Tartufferie» de Peugeot
La délocalisation de la matière grise, nouvelle étape de la mondialisation? Plutôt une réalité économique qui va, elle aussi, à l’encontre du discours sur le phénomène de désindustrialisation en vigueur depuis des décennies. Il est en effet d’usage d’expliquer que si l’outil de production est délocalisé, les emplois à «haute valeur ajoutée» sont quant à eux conservés en France.
Les faits sont cependant têtus: si les emplois de services ont depuis plusieurs années rejoint la cohorte des actifs délocalisables pour des raisons de coûts, la montée en puissance des pays émergents a drastiquement réduit l’écart qui existait avec l’Occident en matière de compétences et de savoir-faire, ouvrant de nouveaux horizons pour le «dégraissage» des entreprises du vieux continent.
Ainsi, si certains ont été tentés de jeter la pierre à Peugeot, qui réalise toujours 87% de ses ventes mondiales en Europe au premier trimestre 2020, une chose est sûre: l’ancien groupe familial tricolore, sur le point de passer sous pavillon néerlandais à la suite de son «mariage entre égaux» avec Fiat-Chrysler, n’est pas la première entreprise hexagonale à recourir à de tels procédés de réduction de coûts.
Aides de l’État sans contrepartie
S’il ne parle pas de «tartufferie», il pointe du doigt certaines dérives des aides mises en place par l’État en vue d’alléger la charge fiscale pesant sur les acteurs économiques tricolores, telles que le Crédit d’Impôt recherche (CIR) ou encore le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Ces derniers ne seraient, selon notre intervenant, pas particulièrement bien réinvestis dans l’économie nationale:
«Les cabinets d’ingénierie, qui sont parmi les premiers bénéficiaires des crédits impôts recherche, n’hésitent pas à délocaliser une partie de leurs travaux à l’étranger tout simplement pour garantir leur marge bénéficiaire», regrette Marc German.
Car c’est là qu’à ses yeux le bât blesse. S’il est compréhensible que de tels acteurs économiques cherchent à augmenter leur profitabilité (c’est la nature même d’une entreprise), tout comme il est compréhensible que l’État cherche à inciter ces mêmes entreprises à rester sur son territoire, Marc German ne comprend pas que les autorités françaises n’exigent pas de contrepartie aux sociétés dès lors qu’elles profitent de mécanismes d’aides.
Dettes et délocalisations: la «double peine» pour les Français
Qu’il s’agisse aujourd’hui du fameux plan de relance présenté le 3 septembre par Jean Castex ou du sauvetage des banques opéré entre 2008 et 2009 lors de la crise des Subprimes, c’est pour Marc German à l’État qu’incombe la responsabilité de mettre en place des garde-fous afin d’éviter toute dérive.
Le spécialiste en intelligence compétitive fustige ainsi les «décisions tactiques» des dirigeants politiques français, prises afin de «satisfaire les exigences du moment». En somme, l’absence de vision à long terme.
«Ce qui va se passer dans vingt ans, ils s’en contrefichent! Il y a une absence totale de dimension stratégique», s’indigne Marc German.
Et, en matière de stratégie, ce n’est pas la réhabilitation du Haut-commissariat au plan qui change sa critique de l’action du gouvernement. Si l’idée lui semble bonne, elle aurait été largement dévoyée, là encore pour des raisons politiciennes. «C’est une vaste fumisterie. François Bayrou avait besoin d’un poste, d’échouer quelque part», tempête-t-il, dressant un parallèle avec le poste d’ambassadeur des pôles, poste créé pour Michel Rocard, auquel avait été parachutée en 2017 Ségolène Royal.