Présidentielle en Côte d’Ivoire: la France, priée de jouer les arbitres, doit éviter le faux pas

© AFP 2023 LUDOVIC MARINEmmanuel Macron et Alassane Ouattara
Emmanuel Macron et Alassane Ouattara - Sputnik Afrique
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Sollicité par l’opposition ivoirienne pour faire barrage à la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat, Emmanuel Macron a jusqu’à présent louvoyé. En recevant vendredi 4 septembre son homologue ivoirien à l’Élysée, le chef de l’État devra tout faire pour «éviter le faux pas», a confié un ancien diplomate au micro de Sputnik. Analyse.
«Je vois mal comment en Côte d’Ivoire, la France pourrait se poser en arbitre comme au Liban. La Côte d’Ivoire est un pays souverain, qui n’a rien à voir avec la situation qui prévaut aujourd’hui au Liban, où l’État est en décomposition», a commenté au micro de Sputnik France l’ancien ambassadeur Stéphane Gompertz, qui a dirigé la direction Afrique du Quai d’Orsay de 2010 à 2012.

Initialement prévu le jeudi 3 septembre, le déjeuner à l’Élysée au cours duquel Emmanuel Macron devait s’entretenir avec son homologue ivoirien a été décalé «en raison d’un agenda présidentiel français bousculé par le Liban et l’Irak», selon une source de l’équipe présidentielle citée par le média ivoirien Koaci.

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Au menu de ce tête-à-tête entre les deux chefs d’État, s’est finalement tenu ce 4 septembre, la candidature d’Alassane Ouattara à la présidentielle ivoirienne du 31 octobre et la crise qui ébranle le Mali depuis le coup d’État du 18 août qui a renversé Ibrahim Boubacar Keita.

Emmanuel Macron avait officiellement salué, le 5 mars dernier, l’annonce du Président ivoirien de ne pas briguer de nouveau mandat, saluant l’«homme de parole» et l’«homme d’État».

Candidature d’Ouattara, le silence assourdissant de Macron

Or, depuis le revirement de ce dernier, le 6 août dernier, à la suite du décès du Premier ministre –qui était le candidat officiel du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti au pouvoir)–, son silence est devenu de plus en plus assourdissant.

«Emmanuel Macron peut écouter et conseiller d’éviter tout ce qui serait susceptible d’accroître les tensions [préélectorales, ndlr]. Sans cela, ce serait un faux pas que l’on ne pardonnerait pas à la France, qui s’emploie à avoir de bonnes relations avec l’ensemble de la classe politique ivoirienne», a ajouté Stéphane Gompertz

Interrogé par des journalistes accrédités à l’Élysée lors de la conférence de presse qu’il a convoquée vendredi 28 août, Emmanuel Macron s’est «catégoriquement refusé» à tout commentaire sur la présidentielle ivoirienne comme sur les autres dossiers africains en cours, selon les confidences de l’un d’entre eux à Sputnik, sous couvert d’anonymat.

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Toutefois, selon des médias africains citant une lettre de Brice Blondel, chef de cabinet du Président de la République française, le message de l’opposition ivoirienne aurait «bel et bien été reçu et compris par Paris». Pour autant, la France affirme pour l’heure refuser toute ingérence dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire. Les demandes de l’opposition risquent donc de rester lettre morte.

Exclu de la liste pour le scrutin présidentiel du 31 octobre en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro en a appelé à Emmanuel Macron, le 26 août dernier, dans le JDD, afin qu’il prenne position contre un troisième mandat d’Alassane Ouattara. Dans sa lettre ouverte au «représentant de la patrie des droits de l’homme et des citoyens», l’ancien Premier ministre ivoirien avait précisé que la France ne pouvait «pas aller dans le sens de ceux qui piétinent les libertés fondamentales d’un pays».

Revenant à la charge sur son compte Twitter pour dénoncer l’arrestation de femmes militantes de son mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS), il a exhorté son ancien mentor à renoncer à briguer un nouveau mandat, l’avertissant: «il y a des combats qu’on ne mène pas à 78 ans!» Mieux vaudrait se retirer «quand on a atteint l’apogée de sa gloire», a-t-il encore précisé.

Pour l’opposition, le silence de l’Élysée «autorise toutes les supputations»

Dans une interview au Monde, le candidat du PDCI, l’ancien Président Henri Konan Bédié indique avoir, lui aussi, écrit à Emmanuel Macron pour lui décrire «un état des lieux des plus inquiétants» en Côte d’Ivoire. Un message largement relayé par l’ensemble des opposants à un troisième mandat d’Alassane Ouattara, mais contesté par ses partisans. Ce qui fait craindre une nouvelle montée des tensions politiques et ethniques en Côte d’Ivoire, lesquelles ont déjà fait plusieurs morts dans différentes localités à la mi-août.

De son côté, Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre et candidat du Front populaire ivoirien (FPI), a exhorté le locataire de l’Élysée à se prononcer. Dans une lettre ouverte en date du 2 septembre, il a précisé que le silence de la France «autorise toutes les supputations» en Côte d’Ivoire et qu’une prise de position claire de Paris sur cette candidature «est, a contrario, très attendue», a-t-il affirmé.

Le parti au pouvoir veut «préparer la relève»

Réunis dans un grand café parisien mardi 1er septembre avec un petit groupe de journalistes spécialistes de l’Afrique, dont Sputnik France, pas moins de cinq ministres ivoiriens appartenant à la mouvance présidentielle se sont prêtés au jeu des questions-réponses sur la situation qui prévaut actuellement en Côte d’Ivoire.

D’emblée, le porte-parole du gouvernement Mamadou Touré a affirmé que «le soutien à la candidature du Président Alassane Ouattara a rencontré un large soutien dans le pays», contrairement aux informations que l’opposition fait circuler en France.

© Sputnik . cholzbauermadisDe gauche à droite: Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la jeunesse, Eugène Aka Aouélé, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, Alain Richard Donwahi, ministre des Eaux et Forêts et ex-ministre de la Défense.
Présidentielle en Côte d’Ivoire: la France, priée de jouer les arbitres, doit éviter le faux pas - Sputnik Afrique
De gauche à droite: Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la jeunesse, Eugène Aka Aouélé, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, Alain Richard Donwahi, ministre des Eaux et Forêts et ex-ministre de la Défense.

Pour le directeur exécutif du RHDP, Adama Bictogo, ce soutien à la candidature du Président sortant peut non seulement se mesurer «par le nombre de partisans mobilisés au grand stade d’Abidjan le 6 août dernier, qui a atteint les 200.000», mais également par «le parrainage et le ralliement de personnalités dans les autres partis».

Quant à savoir pourquoi le RHDP n’a pas été en mesure de trouver un candidat «plus jeune» après le décès de son prétendant désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, le 8 juillet dernier, le haut cadre du RHDP a été catégorique:

«Une candidature présidentielle, ça ne s’improvise pas. On doit se coucher le soir en pensant que l’on va être Président et on doit se lever le matin en pensant que l’on va être Président. L’ensemble des cadres du RHDP ont estimé qu’il n’y avait personne dans ses rangs avec une stature suffisante pour endosser ce costume. Notre Président a accepté de rempiler avec, justement, l’idée de préparer la relève», a expliqué Adama Bictogo.
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