«Un vrai bleu»: au Canada, Justin Trudeau a un nouvel adversaire conservateur

© AFP 2023 DAVE CHANErin O’Toole
Erin O’Toole - Sputnik Afrique
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Les Conservateurs canadiens ont maintenant un nouveau chef qui s’apprête à affronter Justin Trudeau à la prochaine élection fédérale. Ancien pilote de l’armée, le député Erin O’Toole entend «reconstruire le Canada» avec un programme bien ancré à droite. Une menace imminente pour les Libéraux de Trudeau, ébranlés par le scandale UNIS? Analyse.

Après de nombreuses heures d’attente, les militants conservateurs ont enfin appris qui serait leur nouveau chef aux petites heures du matin, ce 24 août. Député à Ottawa d’une circonscription de l’Ontario, province la plus peuplée du pays, c’est Erin O’Toole qui succède à Andrew Scheer, lequel n’avait pas réussi à battre Justin Trudeau à la dernière élection.

«Vous m’avez donné une mission claire, celle d’unir ce parti, de faire triompher nos valeurs conservatrices et de montrer aux Canadiens ce que nous savons très bien: que Justin Trudeau et son équipe affaiblissent notre grand pays», a laissé tomber le nouveau chef durant son discours de victoire.

Ancien pilote de l’armée et brièvement ministre des Anciens combattants en 2015, l’homme de 47 ans a tablé sur un plan de relance économique dans le contexte de la pandémie de Covid-19 pour rallier le plus grand nombre de militants de son parti. S’il parvient à prendre le pouvoir à Ottawa, Erin O’Toole a également promis d’accroître l’autonomie du Canada en matière énergétique, notamment en promulguant une loi visant à «assurer et accélérer l’approbation des pipelines». Ce dernier projet est déjà vivement critiqué par des partis d’opposition et des groupes écologistes, alors que l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta est plus que jamais remise en question.

Relancer l’économie, accroître l’indépendance énergétique du Canada

Durant toute la course à la chefferie conservatrice, les deux favoris ont été Erin O’Toole lui-même et Peter MacKay, l’une des figures de proue du parti depuis plusieurs années. Déjà rallié à son rival comme le veut la tradition, M. MacKay a été ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense et ministre de la Justice sous les gouvernements successifs du Premier ministre Stephen Harper (2006-2015). C’est donc un adversaire de taille qu’aura réussi à vaincre M. O’Toole dans cette course presque totalement éclipsée dans les médias par la crise du Covid-19. Au dernier tour du scrutin, M. O’Toole a récolté 57 % des voix tandis que son adversaire a terminé avec 43%.

​Le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui s’était rangé derrière Peter MacKay, estime tout de même qu’Erin O’Toole fera «un bon adversaire face à Justin Trudeau»:

«Erin O’Toole a fait une bonne campagne. On se rallie à lui pour le prochain combat. Mon choix était Peter MacKay à cause de ma mission de défense des droits des victimes d’actes criminels, mais je me rallie et je vais travailler avec M. O’Toole», confie Pierre-Hugues Boisvenu à Sputnik.

Au-delà des programmes des deux ex-candidats favoris, le militant conservateur et aspirant à la maîtrise en droit l’Université d’Ottawa Nicolas Rioux estime que le bon niveau de français de M. O’Toole lui a fait gagner des points auprès des activistes québécois. Le français étant l’une des deux langues officielles du Canada avec l’anglais, sa maîtrise est toujours considérée comme primordiale pour un potentiel futur Premier ministre. Sur le plan stratégique, la province de Québec –presque entièrement francophone– est aussi très importante en raison de son grand poids électoral.

«Objectivement, O’Toole a vraiment un très bon français. Il avait le meilleur niveau des quatre candidats. Les Québécois se sont sentis mieux représentés par lui. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est rentré aussi fort au Québec», observe Nicolas Rioux dans un entretien à Sputnik.

Selon le même militant conservateur, les deux anciens rivaux se situent «environ à la même place sur l’échiquier politique». Erin O’Toole devrait donc en grande partie son élection à l’image qu’il est parvenu à projeter. En français, le slogan du candidat était «un vrai bleu» et en anglais «true blue leadership», une manière de se présenter comme «un vrai conservateur», le rouge étant étroitement associé aux Libéraux.

«Même si les deux candidats ont dit qu’ils participeraient à des parades de la fierté gay et qu’ils ne s’opposaient pas à l’avortement, Erin O’Toole a réussi à avoir l’air un peu plus à droite que Peter MacKay. […] Les Conservateurs voulaient voter pour un vrai Conservateur», souligne Nicolas Rioux.

Selon certaines analyses, Erin O’Toole doit en partie sa victoire au lobby pro-armes et à des associations pro-vie.

Le candidat des armes à feu et de la droite religieuse?

Dans une entrevue accordée à La Presse canadienne, l’ex-député conservateur Alupa Clarke a affirmé que les Conservateurs étaient parvenus à recruter des «milliers» de partisans opposés à la récente interdiction promulguée par Trudeau de plusieurs types de fusils d’assaut. La majorité d’entre eux se serait rangée derrière O’Toole.

«Un gouvernement O’Toole actualisera la législation canadienne sur les armes à feu pour veiller à ce qu’elle soit fondée sur des preuves et à ce qu’elle s’attarde à la sécurité des Canadiens, et non à la diabolisation des Canadiens que les Libéraux n’aiment pas», peut-on lire dans le programme du nouveau chef.

​Plus tôt dans la course, Radio Canada avait révélé qu’un groupe opposé à l’avortement soutenait entre autres le député ontarien à la chefferie du parti. Erin O’Toole avait alors laissé savoir qu'il défendait «tous les droits des femmes et leur droit de choisir». Lors de la dernière campagne fédérale, l’ex-chef conservateur Andrew Scheer avait perdu de nombreux points dans les sondages en entretenant le flou sur la question de l’avortement, avant d’admettre qu’il était «personnellement pro-vie». Une erreur que ne semble pas vouloir répéter Erin O’Toole.

Le nouveau chef dit ne pas souhaiter rouvrir le débat sur l’avortement, mais promet en revanche de s’attaquer à la «gauche radicale», à la censure sur les campus universitaires et à la «cancel culture», vue comme une atteinte à la liberté d’expression.

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