«Expansionniste qui mêle nationalisme et islamisme.» Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots en commentant les démarches de Recep Tayyip Erdogan, notamment en Méditerranée orientale. Le locataire de l’Élysée est en effet monté au créneau pour dénoncer «la politique de déstabilisation inacceptable et dangereuse pour l’Union européenne (UE)» que mène la Turquie.
Bien qu’il ait rejeté une éventuelle escalade diplomatique, le Président français s’est dit opposé à la «politique de l’impuissance». Inquiète face au rouleau compresseur turc, notamment dans le dossier libyen, la France semble ainsi déterminée à mettre un frein à l’extension de la sphère d’influence d’Erdogan en Méditerranée. Mais à quel prix?
Erdogan, un expansionniste?
Interrogé par Sputnik, Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS et spécialiste de la Turquie, considère que la stratégie du bras de fer avec Erdogan du Président français «est totalement contre-productive».
«Il me paraît inutile de vouloir absolument ferrailler avec la Turquie. On peut avoir des divergences ponctuelles, mais quoi que l’on puisse penser, M. Erdogan est un acteur central des enjeux politiques au Moyen-Orient, en Méditerranée orientale et même en Europe.»
«La France a mal digéré ses erreurs stratégiques dans le dossier libyen et elle a choisi de se défausser sur la Turquie qu’elle accuse de tous les maux.»
Quant à l’accusation d’expansionnisme, voire de «néo-ottomanisme», Didier Billion les balaie d’un revers de main: «Je ne suis pas un partisan de M. Erdogan, mais je ne le qualifierai pas d’expansionniste. Par définition, cela consisterait en la mise en place d’une politique de conquête territoriale et ce n’est pas le cas.»
«En revanche, il [Erdogan, ndlr] a une réelle volonté d’étendre sa sphère d’influence, mais la France, tout comme la Russie et les États-Unis, fait de même. On ne peut donc pas reprocher à un pays d’asseoir ses réseaux d’influence», estime l’expert.
«Pas de risque de conflagration générale dans la région»
Des échanges musclés entre Paris et Ankara se poursuivent consécutivement aux démarches turques en Libye et dans la zone territoriale grecque. Erdogan a qualifié mercredi de «piraterie» les activités des pays opposés à la Turquie en Méditerranée. Des spécialistes avertissent contre un embrasement dans la région.
«Il peut y avoir des dérapages ponctuels, voire des incidents graves, mais il n’y pas de risque de conflagration générale dans la région. Erdogan a parfaitement compris qu’il y a des divergences –malgré l’entente cordiale affichée– entre la France et l’Allemagne sur ce dossier, et il en profite naturellement pour avancer ses pions», affirme Didier Billon.
Paris avait en effet annoncé la semaine dernière avoir déployé en Méditerranée orientale deux navires de guerre et deux Rafale en signe de soutien à Athènes, ce que le gouvernement allemand n’a pas aprouvé.
Cette démonstration de force de l’Hexagone n’a, semble-t-il, pas perturbé les plans d’Erdogan dans la zone. En annonçant la découverte d’un grand gisement de gaz en mer Noire, celui-ci a fait également part de l'intention de la Turquie d'accélérer les travaux de recherche en Méditerranée.
«Nos navires Fatih et Yavuz ont jusqu'ici effectué neuf forages en haute mer, en Méditerranée et en mer Noire», a précisé Erdogan.
Les forages turcs au large de Chypre sont vus d’un mauvais œil par la plupart des pays de la région et par l'Union européenne. Ils jugent ces activités «illégales». Macron est allé plus loin en dénonçant une «violation» des souverainetés territoriales grecque et chypriote par la Turquie.