Le coup d’État qui a renversé, mardi 18 août, le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été dénoncé par l’ensemble de la communauté internationale.
«L’Algérie suit avec une très grande préoccupation la situation qui prévaut au Mali, pays frère et voisin. L’Algérie réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement, conformément aux instruments pertinents de l’Union africaine, en particulier la Déclaration d’Alger de 1999 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007», a précisé le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué officiel rendu public mercredi 19 août.
L’Algérie invite par ailleurs «toutes les parties au respect de l’ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide. Elle rappelle, à cet égard, que seules les urnes constituent la voie pour l’accession au pouvoir et à la légitimité», poursuit le communiqué.
La voie des urnes
Zine Cherfaoui, journaliste au quotidien algérien El Watan spécialisé dans les questions africaines, indique à Sputnik que la réaction de l’Algérie «est logique et en adéquation avec le principe de l’Union africaine qui s’oppose aux changements anticonstitutionnels de gouvernement».
«Alger adopte une position conforme à la Charte de l’Union africaine mais elle rappelle que seules les urnes constituent la voie pour l’accession au pouvoir et à la légitimité politique. Puisque les putschistes refusent de rétablir le Président Ibrahim Boubacar Keïta dans ses fonctions, Alger semble leur demander d’organiser très rapidement des élections afin de restaurer l’ordre constitutionnel», note Zine Cherfaoui.
En clair: Alger dénonce le putsch militaire mené par des officiers du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) en se basant sur les principes de l’UA, tout en montrant du menton la voie des urnes pour remettre le pouvoir aux civils. Une élection démocratique permettrait également au Mali de retrouver sa place au sein de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) qui ont décidé de le suspendre de leurs instances.
D’ailleurs, dans sa réaction officielle, Alger ne cite à aucun moment le nom d’Ibrahim Boubacar Keïta, le Président déchu. Selon Zine Cherfaoui, ce putsch «est presque logique», les observateurs régionaux s’attendaient à une dégradation de la situation politique du fait de la «mauvaise gestion d’IBK et de la défiance de la rue».
«Il faut retenir une chose essentielle: les putschistes n’ont aucune intention d’engager un virage idéologique, ils ne comptent procéder à aucun grand chamboulement sur le plan politique. Ce ne sont pas des révolutionnaires, ils disent vouloir sauver l’État et rétablir les institutions», souligne Zine Cherfaoui.
Rassurer les partenaires
Le gouvernement algérien a tout intérêt à ce que la situation politique se normalise rapidement au Mali, il en va de sa sécurité à la frontière sud.
Bien qu’elle s’oppose à toute forme d’ingérence dans les affaires internes des autres États, l’Algérie pourrait jouer un rôle «d’accompagnateur discret» pour parvenir à une sortie de crise durant les prochaines semaines. À ce titre, Zine Cherfaoui rappelle que «les militaires putschistes sont certainement connus d’Alger puisque les deux armées entretiennent une coopération sécuritaire soutenue».
«Dès la chute du Président malien, les putschistes se sont engagés à respecter les engagements internationaux pris par leur pays, principalement l’accord d’Alger de 2015 avec la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et ceux signés dans le cadre de la mission de l’ONU, la Minusma, et de la force française Barkane. À mon avis, cette déclaration du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a deux objectifs: rassurer les partenaires étrangers, dont l’Algérie et la France, et démontrer sa bonne volonté aux parties maliennes signataires de cet accord, notamment la CMA, l’alliance des groupes rebelles du Nord-Mali», explique le journaliste algérien.
Pour Zine Cherfaoui, le défi s’annonce risqué pour le colonel Assimi Goita et les officiers du Comité national pour le salut du peuple. «Si l’accord de 2015 n’est pas appliqué dans son intégralité, chaque partie reprendra ses billes et le Mali pourrait sombrer dans la violence.»