Dans la Belle Province, le mouvement opposé aux mesures sanitaires a le vent en poupe dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
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— Thomas J-C (@ThomasJC20) August 8, 2020
Ce nouveau courant est fortement critiqué et même ridiculisé dans les grands médias et sur les réseaux sociaux. Régulièrement accusés de faire le jeu des «complotistes» et parfois appelés «covidiots», les opposants aux mesures sanitaires ont toutefois un discours politiquement plus cohérent qu’on ne le dit, estime Frédérick Têtu, professeur de philosophie au collège Garneau, à Québec.
Un mouvement de «covidiots»?
Également analyste politique, l’enseignant a assisté à plusieurs manifestations contre les mesures sanitaires ces dernières semaines de manière à mieux connaître le profil des adhérents au mouvement. Selon lui, ce courant s’appuie d’abord sur une critique de la mondialisation similaire à celle que l’on retrouve aussi chez les Gilets jaunes, en France.
«Ils ressemblent beaucoup aux Gilets jaunes en France. […] Ils ne contestent pas seulement le port obligatoire du masque, mais l’ensemble des mesures sanitaires et le projet de loi 61 du gouvernement Legault. C’est un procédé rhétorique réducteur que d’évoquer constamment leur simple opposition au masque», explique l’enseignant au micro de Sputnik.
Ce projet de loi 61 vise à accroître la marge de manœuvre du gouvernement Legault en vue d’accélérer la relance économique et de mettre fin à la récession provoquée par les mesures de confinement. Parfois décrit comme «autoritaire», voire «dangereux», le texte a été vivement dénoncé par des députés de partis d’opposition.
«Le dénominateur commun est exactement ça: l’accession à des pouvoirs exagérés de façon permanente», avait déclaré le 10 juin le député libéral et ex-ministre Gaétan Barrette, pour critiquer le projet de loi 61.
Qui sont les anti-masques québecois?
S’appuyant sur les travaux du géographe Christophe Guilluy, Frédérick Têtu remarque que les opposants aux mesures sanitaires sont généralement des «péri-urbains» manifestant contre ce qu’ils voient comme une «érosion de la démocratie». L’enseignant estime aussi que le gouvernement de centre droit de François Legault –souvent qualifié de populiste dans la presse– tend à s’aliéner une partie de son propre électorat en se montrant aussi peu réceptif aux revendications du mouvement.
«C’est une mouvance qui se réclame du nationalisme et de ce que l’on appellerait en France et en Angleterre le souverainisme. Ils s’érigent contre le mondialisme, une notion qui reste floue mais qui décrit quelque chose. […] La plupart des gens opposés au port du masque sont des gens enracinés et on voit aussi qu’ils sont issus des classes populaires, tout comme le sont également les Gilets jaunes», poursuit Frédérick Têtu.
«À les regarder et à les écouter, on devine qu'ils appartiennent au segment de la classe moyenne qu'on désigne souvent comme les perdants de la mondialisation. Comme l’indique Christophe Guilluy dans son livre ‘’No society’’, ils ne sont pas seulement perdants économiquement, mais aussi sur le plan de la représentation symbolique. Ils sont ceux que Hilary Clinton nommait ‘‘les déplorables’. Ils sont habités par ce que j’appellerais la nostalgie du peuple», précise le professeur de philosophie.
À la date du 13 août, 5.709 personnes étaient décédées de complications liées au Covid-19 dans la Belle Province, pour une population de 8 millions d’individus. «Au Québec, pour le moment, la propagation du coronavirus est sous contrôle, mais les présentes semaines sont critiques. Il y a désormais une transmission communautaire du virus dans toutes les régions du Québec», indique le gouvernement du Québec sur son site officiel.