La Côte d’Ivoire est-elle en train de renouer avec ses vieux démons? - photos

© Sputnik . Roland KlohiDes manifestants au commissariat de police de Bonoua (Côte d'Ivoire).
Des manifestants au commissariat de police de Bonoua (Côte d'Ivoire). - Sputnik Afrique
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Un nouveau cycle de violences sociopolitiques est-il en train de s’enclencher en Côte d'Ivoire? Les manifestations contre la candidature à la présidentielle de novembre du chef de l’État Alassane Ouattara, parfois très brutales, observées depuis quelques jours dans plusieurs villes du pays portent à le croire.

La tension politique plus que palpable née de l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, combinée aux violences de ces derniers jours, laisse présager de nouvelles heures sombres dans l'histoire de la Côte d'Ivoire.

Après 2010, le pays se prépare laborieusement à aborder un nouveau scrutin présidentiel à haut risque. Les enjeux semblent énormes: d’un côté, le clan Ouattara entend conserver un pouvoir acquis de «longue lutte» et de l’autre, l’opposition ne rêve que de s’en accaparer.

Et cela passe, avant les urnes, par des protestations dans la rue.

La fièvre des manifestations s’intensifie

Ce 13 août, à l'appel de l’opposition et d’organisations de la société civile, de nombreux Ivoiriens sont descendus dans les rues de plusieurs villes de Côte d’Ivoire –dont Abidjan la capitale économique– pour dire «non» à un troisième mandat d’Alassane Ouattara.

© Sputnik . Roland KlohiDes manifestants à Bonoua.
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Des manifestants à Bonoua.

Le 6 août dernier, l’annonce du chef de l’État de rempiler avait déjà provoqué dans certaines localités des manifestations –a priori– spontanées d’Ivoiriens venus exprimer leur mécontentement. Ces mobilisations n’ont jamais cessé depuis. Pour Alassane Ouattara, qui s’est présenté comme le garant de la stabilité et des acquis socioéconomiques de la Côte d'Ivoire au cours des neuf dernières années, cette candidature relève d’un «cas de force majeure» après le décès de son dauphin, Amadou Gon Coulibaly, le 6 juillet 2020.

© Sputnik . Roland KlohiUn peu partout à Abidjan, la police fait retirer des rues les pneus usagés prisés des manifestants.
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Un peu partout à Abidjan, la police fait retirer des rues les pneus usagés prisés des manifestants.

Abidjan, jusque-là relativement en retrait du mouvement, vient d’entrer dans la danse. Dans les quartiers, les manifestants ont dressé sur les voies des barricades composées le plus souvent de pneus enflammés.

À Anono, un village de la commune de Cocody –où le correspondant de Sputnik a été pris à partie par des CRS qui ont confisqué une partie de son matériel malgré la présentation de sa carte de presse–, protestaires et policiers, tous déterminés, ont joué au chat et à la souris une bonne partie de la journée, échangeant par à-coups pierres contre bombes lacrymogènes.

Interrogé par Sputnik, un manifestant de 23 ans a confié son ras-le-bol:

«J'avais cinq ans quand la rébellion a éclaté en 2002. On a dû longtemps marcher à travers la brousse pour fuir Bouaké (deuxième ville de Côte d'Ivoire et ex-fief de la rébellion dirigée par Guillaume Soro). En 2011, j'ai encore dû marcher pour fuir cette fois Abidjan où convergeaient les rebelles qui soutenaient Ouattara. Toute ma vie a été rythmée par la violence et la peur. Trop c'est trop, on ne meurt qu'une fois. Ouattara doit partir», a-t-il déclaré, le poing enserrant une pierre et le visage badigeonné de kaolin.

Si aucun blessé grave n’a été enregistré au cours des échauffourées dans ce village d’Abidjan, ce ne fut pas le cas ailleurs dans le pays.

© Sputnik . Roland KlohiUn jeune manifestant à Bonoua.
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Un jeune manifestant à Bonoua.

En effet, à Bonoua, une petite ville située à 50 km à l’est d’Abidjan où les manifestations durent depuis le 10 août, le ministre de la Sécurité Vagondo Diomandé évoque, sans plus de précisions, «des pertes en vies humaines». Le commissaire de police a été agressé et le commissariat pillé et incendié.

Ces morts s’ajoutent à ceux de la veille, enregistrés à Daoukro, ville natale et fief de l’ancien Président Henri Konan Bédié, grand rival d’Alassane Ouattara, candidat, lui aussi, à 86 ans à l’élection présidentielle.

© Sputnik . Roland KlohiUne barricade en feu à Bonoua (Côte d'Ivoire).
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Une barricade en feu à Bonoua (Côte d'Ivoire).

Vagondo Diomandé a assuré de «l’engagement du gouvernement à agir avec la plus grande fermeté» et surtout promis que «les instigateurs de ces troubles et leurs auteurs répondront de leurs actes devant la justice».

Une boîte de Pandore qui vient de s’ouvrir

Comme l’a souligné au micro de Sputnik Sylvain Nguessan, directeur de l’Institut de stratégies d’Abidjan, «c’est la première fois, depuis 2011 (année de l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara) qu’il y a des manifestations de cette ampleur sous le régime Ouattara».

«Je crois qu'il s'agissait, à travers ces manifestations, de vaincre le signe indien. L'opposition devrait être chauffée à bloc dans les jours à venir», a-t-il déclaré.

L'analyste politique estime que «la Côte d'Ivoire vient de franchir un cap et est actuellement sur une mauvaise pente».

La Côte d'Ivoire sur une «mauvaise pente»

Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 12 août dernier, l’opposition ivoirienne a réclamé la démission du président de la Commission électorale indépendante (CEI, la structure chargée d’organiser les élections en Côte d’Ivoire), la réinscription sur la liste électorale de l’ancien Président Laurent Gbagbo, de Charles Blé Goudé (ancien ministre de la Jeunesse de Gbagbo) et de Guillaume Soro (ancien président de l’Assemblée nationale) et enfin le «retrait sans délai» de la candidature d’Alassane Ouattara.

Le lendemain, en réponse, la direction exécutive du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti présidentiel) a, également à l’occasion d’une conférence de presse et alors même que les manifestations battaient leur plein à travers le pays, annoncé l’investiture du candidat Alassane Ouattara le 22 août, dans l’emblématique stade Félix Houphouët Boigny.

De leur côté, les Ivoiriens assistent à cette partie de ping-pong préélectoral, la peur au ventre et la tête pleine du douloureux et encore frais souvenirs de la crise postélectorale de 2010-2011.

En 2010, plus de 3.000 personnes avaient péri lors des violences qui avaient éclaté après que le Président sortant, Laurent Gbagbo, reconnu vainqueur par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, reconnu également comme tel par la Commission électorale indépendante, avaient chacun revendiqué la victoire à la présidentielle.

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