Riyad a-t-il envoyé un «escadron de la mort» au Canada? Réaction timide d’Ottawa

© Sputnik / Accéder à la base multimédiaMohammed ben Salmane (image d'illustration)
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Selon des documents déposés devant la justice américaine, l’Arabie saoudite aurait envoyé une escouade au Canada pour y faire assassiner Saad Aljabri, ancien haut responsable du contre-espionnage saoudien. Une affaire qui évoque la fin tragique de Jamal Khashoggi mais qui suscite peu de réaction du gouvernement canadien. Compte rendu.

L’histoire n’est pas sans rappeler le sort réservé au journaliste Jamal Khashoggi, tué par des agents de Riyad en octobre 2018 à Istanbul, en Turquie. Le 6 août dernier, des documents déposés devant la cour du district de Washington, dans le cadre d’une poursuite civile ont à nouveau éclairé le recours aux méthodes fortes du régime saoudien.

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Dans un texte de 106 pages, le plaignant, Saad Aljabri, soutient que Riyad a envoyé au Canada un escadron de la mort dont la mission était de l’assassiner, peu de temps après la mort de Khashoggi. Le tribunal américain a émis une assignation à comparaître au prince héritier Mohammed ben Salmane.

Ancien haut responsable des renseignements saoudiens, Saad Aljabri estime qu’il en savait trop sur Mohammed ben Salmane et son entourage, ayant œuvré au contre-espionnage sous le prince Mohammed ben Nayef, auquel a succédé celui qu’on surnomme MBS. L’ancien haut responsable prétend aussi détenir des preuves de l’implication de Mohammed ben Salmane dans le meurtre de Jamal Khashoggi.

«Peu de personnes détiennent plus d’informations sensibles, humiliantes et accablantes sur l’accusé ben Salmane que M. Aljabri. C’est pourquoi l’accusé ben Salmane veut sa mort et a cherché à atteindre cet objectif au cours des trois dernières années», peut-on lire dans le document remis au tribunal.

Selon le même document, c’est quelque temps après l’assassinat de Jamal Khashoggi que Riyad aurait envoyé une équipe baptisée «escadron du Tigre» pour tuer Aljabri, seconde équipe composée en partie des mêmes hommes.

C’est aux alentours du 15 octobre 2018 que l’escadron serait arrivé par voie aérienne à l’aéroport d’Ottawa avant d’être refoulé par les agents frontaliers. Selon d’autres sources, c’est toutefois à l’aéroport de Toronto que l’escouade aurait été refoulée, sans être formellement arrêtée. Le plaignant réside depuis 2017 dans la métropole ontarienne.

«L’escadron du Tigre» refoulé à l’aéroport d’Ottawa ou de Toronto

Selon les informations du Globe and Mail, les membres de l’escadron traînaient avec eux des «outils médico-légaux» et deux d’entre eux étaient spécialisés dans le nettoyage de scènes de crime. Les membres de l’escouade auraient tenté «d'éviter la détection de la sécurité à la frontière canadienne en entrant par des kiosques séparés», relate le même document.

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Quatre jours après que l’histoire a été révélée au public, le gouvernement de Justin Trudeau n’avait toujours pas émis de déclaration officielle à son sujet. Le ministre des Affaires étrangère, François-Philippe Champagne, n’avait pas non plus commenté l’affaire sur son compte Twitter, un moyen de communication qu’il utilise régulièrement. Au Canada, le gouvernement Trudeau était déjà accusé par des experts tels que le chercheur Jocelyn Coulon de négliger fortement la politique étrangère.

Par ailleurs, le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a condamné ce type de tentatives d’intrusion, mais en prenant bien soin de ne pas nommer l’Arabie saoudite:

«C’est complètement inacceptable et nous ne tolérerons jamais que des acteurs étrangers menacent la sécurité nationale du Canada ou la sécurité de nos citoyens et résidents. Nous invitons les gens à signaler ces menaces aux autorités chargées de l’application de la loi», a souligné le ministre Blair à Radio Canada.

À plusieurs reprises entre 2017 et 2019, Riyad a sommé Ottawa d’extrader Saad Aljabri et de mettre fin à sa protection, ce qu’aurait refusé le gouvernement canadien.

Silence radio, ou presque, du côté d’Ottawa

Selon le journaliste québécois Normand Lester, spécialisé en politique internationale, Saad Aljabri a dû céder des informations importantes au Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) en échange de sa protection. Un élément qui pourrait expliquer la volonté de Riyad de le faire assassiner.

«Ottawa connaît donc maintenant les secrets des “Royals” saoudiens. Est-ce la raison pour laquelle MBS, après sa colère initiale, est devenu par la suite silencieux au sujet du Canada? Craint-il les secrets que possède Trudeau?», s’interroge le journaliste dans les pages du Journal de Montréal.

Dans tous les cas, Saad Aljabri avoue lui-même avoir déjà étroitement collaboré avec le renseignement américain.

«Saad Aljabri était un partenaire précieux des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme. Le travail de Saad avec les États-Unis a aidé à sauver des vies américaines et saoudiennes», a déclaré au journal Middle East Eye un porte-parole du département d'État américain.

Ce nouveau développement survient quatre mois après le renouvellement du contrat de vente de véhicules blindés par le Canada à l’Arabie saoudite, une entente très controversée au pays de l’érable. Depuis sa signature en 2014, ce contrat est régulièrement critiqué dans la presse canadienne en raison de l’utilisation jugée contraire aux droits humains qu’en fait le régime saoudien.

​Malgré cette entente commerciale, les accusations de Saad Aljabri surviennent à un moment où les relations entre Ottawa et Riyad se dégradent. En 2017, l’arrivée de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a changé la dynamique diplomatique entre le Canada et l’Arabie saoudite. Mme Freeland avait adopté un ton beaucoup plus ferme que son prédécesseur envers le régime saoudien, ce qui n’a guère plu à ce dernier.

Signe de son mécontentement, Riyad expulsait l’ambassadeur canadien de son territoire en août 2018. Mme Freeland n’occupe toutefois plus le poste de ministre des Affaires étrangères mais celui de Vice-première ministre et de ministre responsable des relations intergouvernementales.

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