Soupçonné de corruption et sous le coup d'une enquête du Tribunal suprême, l'ex-roi d'Espagne Juan Carlos a annoncé sa décision de quitter le pays dans une lettre adressée à son fils, le souverain Felipe VI, citée par la Maison royale.
«Guidé à présent par la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à leurs institutions, et à toi en tant que roi, je t'informe de ma décision réfléchie de m'exiler, en cette période, en dehors de l'Espagne», a déclaré l'ancien souverain cité par l’AFP dans le communiqué de la Maison royale, où le roi Felipe VI accepte et le remercie pour sa décision.
Début juin, le Tribunal suprême d’Espagne avait annoncé l'ouverture d'une enquête pour établir si Juan Carlos avait une responsabilité pénale dans une affaire de corruption présumée, quand l'Arabie saoudite avait confié à un consortium espagnol la construction du TGV de La Mecque, rappelle l’AFP.
«C'est une décision que je prends avec une profonde peine, mais une grande sérénité», poursuit l'ancien souverain dans sa lettre.
«Il y a un an, je t'avais exprimé ma volonté et mon désir d'abandonner les activités institutionnelles», rappelle-t-il, affirmant avoir «toujours voulu le meilleur pour l'Espagne et la couronne».
«Avec la même ardeur que pour servir l'Espagne lors de mon règne, et devant les conséquences publiques de certains événements passés de ma vie privée, je souhaite t'exprimer ma disponibilité la plus absolue afin de contribuer à faciliter l'exercice de tes fonctions, avec la tranquillité et la sérénité que requièrent ta haute responsabilité. Mon héritage et ma dignité en tant que personne me le commandent», écrit Juan Carlos.
Sur son site où a été publiée la lettre officielle, la Maison royale précise que le roi a souligné «l'importance historique» du règne de son père «au service de l'Espagne et de la démocratie», tout en réaffirmant les principes et valeurs sur lesquels celles-ci sont basées, la Constitution et «notre ordonnancement juridique».
Juan Carlos Ier avait abdiqué en juin 2014 à la faveur de son fils Felipe, alors que la fin de son règne avait été ternie par différents scandales, et en particulier des soupçons sur sa fortune opaque et ses relations étroites avec la famille royale saoudienne.
L'enquête avait échu au parquet du haut tribunal puisque «une des personnes impliquées dans les faits visés par l'enquête était alors le roi, l'actuel souverain émérite Juan Carlos de Bourbon», avait indiqué en juin le Tribunal suprême.
Le dossier avait été ouvert en septembre 2018 à la suite de la publication d'enregistrements de l'ancienne maîtresse de Juan Carlos, Corinna Zu Sayn-Wittgenstein, qui affirmait que le souverain avait encaissé une commission pour la concession d'un contrat de 6,7 milliards d'euros pour la construction d'un train à grande vitesse entre La Mecque et Médine à un consortium d'entreprises espagnoles.
«Il s'agirait d'un éventuel délit de corruption dans les transactions commerciales internationales», avait alors signalé le parquet.
Le quotidien suisse Tribune de Genève a affirmé début mars que Juan Carlos avait reçu, en 2008, 100 millions de dollars du roi Abdallah d'Arabie saoudite, sur un compte en Suisse d'une fondation panaméenne. Le même mois, le quotidien Daily Telegraph rapportait que Felipe VI était également bénéficiaire de cette fondation.
Après la publication de ces articles, Felipe VI a retiré à son père une dotation annuelle du Palais royal évaluée à plus de 194.000 euros par an. Puis, il a annoncé qu'il renonçait à l'héritage de son père «afin de préserver l'exemplarité de la couronne», rappelle encore l’AFP.