Un nouvel opus des aventures de Tintin dans les bacs. Chemise immaculée comme à son habitude, Bernard-Henri Lévy a encore fait des siennes ce week-end en Tripolitaine. Ce 25 juillet, à bord d’un jet privé, il a atterri à Misrata afin d’enquêter sur des charniers dans la ville de Tarhouna, «en tant que journaliste», a-t-il déclaré, pour le Wall Street Journal.
Sauf que le sauveur autoproclamé de la Libye n’est visiblement plus en odeur de sainteté dans le pays, son convoi ayant été bloqué, essuyant des tirs et des insultes antisémites, une attaque revendiquée par des groupes pro-GNA (Gouvernement d’union nationale), reconnu par l’Onu.
🇱🇾 EXCLU CONFLITS - Bernard Henri Lévy était en #Libye aujourd'hui. A son entrée à #Tarhuna, son convoi a été la cible de tirs du #GNA. Il serait désormais dans l'avion du retour. Son #visa lui aurait été refusé. #BHL #France pic.twitter.com/Shp0aSXUlM
— Conflits (@Conflits_FR) July 25, 2020
Il ainsi dû écourter son séjour, annulant même son rendez-vous avec Fathi Bashagha, ministre de l’Intérieur du GNA. L’affaire a pris une tournure politique lorsque le chef du gouvernement reconnu par les Nations unies, Fayez el-Sarraj, a démenti «tout lien» avec la visite de BHL et annoncé dans un communiqué avoir ouvert une «enquête» sur les circonstances de la visite.
BHL en mission pour la France?
Ce gouvernement soupçonne la France d’avoir appuyé l’offensive de Haftar contre Tripoli, ce dont Paris se défend. Le reporter BHL était-il alors en mission pour l’Élysée? Difficile de l’affirmer avec précision. Sputnik a interrogé Bob Dulas, «diplomate de l’ombre», ayant notamment conseillé Mouammar Kadhafi. Il est l’auteur de Mort pour la Françafrique (Éd. Stock). En apprenant l’information, celui-ci a immédiatement fait le rapprochement. Bernard-Henri Lévy pourrait s’être rendu sur le territoire libyen «pour aller essayer de remonter la cote du maréchal» Haftar. Dulas ne voit aucun autre prétexte plausible:
«Il n’y a aucune raison pour qu’il retourne là-bas après le bordel qu’il y a mis. C’est insensé. C’est même risqué […] Il faut être givré pour s’appeler BHL et aller sur place aujourd’hui. Il risque de se faire pendre par les pieds, pour ne pas dire autre chose, ils lui en veulent tous.»
Des islamistes invités de BHL à l’Élysée
Le chaos et les déchirements successifs du pays depuis la mort de Kadhafi seraient le résultat de l’intervention occidentale en 2011. Pour les Libyens, les principaux responsables de la situation du pays sont Nicolas Sarkozy et l’essayiste. Robert Dulas narre une anecdote lui provenant d’un commandant libyen:
«Quand il est venu à Benghazi, il a fait un discours où il s’exprimait en français, personne ne comprenait, mais comme les gens avaient été briefés auparavant, ils criaient bravo, mais ils ne savaient pas ce qu’il racontait […] C’est un peu comme un artiste ou comme un clown. Il y a un moment où il faut savoir se retirer de la scène.»
«La seule chose qui lui importe, c’est lui, son ego, qu’on le voie en priorité avec ses chemises blanches et dans des endroits pas possibles», poursuit Robert Dulas, ce diplomate de l’ombre, accusé de «barbouzerie» par certains, qui a un contentieux personnel avec l’écrivain.
Conseiller officieux du leader libyen à l’époque, Robert Dulas a pris part à Secopex, une société militaire privée, créée par Pierre Marziali, ex-militaire du 3e RPIMA de Carcassonne. Pourtant ils seraient devenus gênants aux yeux des services français et de l’Élysée. Marziali en a payé le prix fort, il a été exécuté en mai 2011 par des membres de la «katiba (ou brigade) du 17 février». Canal Plus y consacra d’ailleurs un Special Investigation «Pierre Marziali: Une affaire d’État?».