Dans un court communiqué, dans lequel elle souligne le dur contexte provoqué par la crise du Covid-19 pour l’industrie aéronautique, la firme toulousaine annonce s’être entendue avec les gouvernements français et espagnol afin d’«amender» les RLI (Repayable Launch Investment), des avances remboursables, concernant en l’occurrence le financement de son gros porteur A350. En somme, il s’agit d’augmenter les taux d’intérêt et donc les remboursements d’Airbus aux États membres, des subventions dénoncées comme étant indues par les Américains.
«Avec cette dernière décision, Airbus se considère en totale conformité avec toutes les décisions de l’OMC», estime le groupe aéronautique.
Dans la foulée, Bruno Le Maire a appelé les Américains à lever «sans délai» les tarifs douaniers imposés aux produits européens. Pour le ministre français de l’Économie, les autorités américaines «n’ont plus aucune justification à maintenir leurs sanctions commerciales contre l’Europe.» Même son de cloche du côté de Bruxelles, où la Commission européenne a appelé à une levée des sanctions tarifaires sur les appareils d’Airbus.
Derrière Boeing, les services secrets US
Pour rappel, en 2004, après une année 2003 marquée par la montée d’Airbus sur la première marche du podium des meilleurs vendeurs mondiaux d’avions civils, Boeing avait déposé plainte auprès de l’organisation internationale, prétextant que son rival européen avait rompu les termes d’un accord bilatéral signé entre Américains et Européens en 1992, en touchant des aides financières. Des subventions qui auraient permis au groupe Airbus de tenir un rythme qu’il n’aurait autrement, selon Boeing, jamais pu tenir.
Dans la foulée de la plainte de son concurrent, Airbus avait en retour accusé Boeing de profiter de crédits d’impôt du gouvernement américain. L’Union européenne avait emboîté le pas à son champion industriel et accusé l’avionneur de Chicago d’une autre violation de l’accord, à travers des investissements de compagnies aériennes japonaises.
Donald Trump, lui, sait mener la guerre économique
Si depuis, le conflit commercial ne s’est jamais réellement apaisé, Donald Trump lui a donné en octobre 2019 un tournant visiblement décisif. Dans la continuité d’un jugement de l’instance d’appel de l’OMC rendu le 15 mai 2018 et qui donnait partiellement raison à Boeing, le Président américain ordonnait la mise en place de tarifs douaniers punitifs sur l’équivalent de 7,5 milliards (6,8 milliards d’euros) de biens européens importés.
Avions de ligne assemblés à Toulouse et à Hambourg, whisky écossais, divers vins et spiritueux français et italiens, huile d’olive espagnole, fromages néerlandais ou encore engins de chantier et machines-outils allemandes ainsi que les textiles britanniques: l’ampleur de ce régime de sanctions commerciales avalisé par l’OMC –reconductible chaque année– était du jamais vu.
Un feu vert aux sanctions anti-européennes que Donald Trump, qui menace régulièrement de claquer la porte de l’OMC, avait salué comme une «belle victoire».
Au-delà des conséquences pour Airbus de cette décision, qui théoriquement devrait financièrement impacter le constructeur européen, reste à savoir si cela sera suffisant aux yeux des États-Unis. En effet, cela revient pour Airbus –et derrière l’entreprise, les États européens qui la soutiennent– à reconnaître leur faute dans cette affaire.
Or, jusqu’à présent, la bonne volonté des entreprises européennes vis-à-vis des autorités américaines n’a pas été payante. En témoigne le cas d’Alstom ou encore des grandes banques européennes, lourdement condamnées par la justice américaine dans la crise des Subprimes.
N’existe-t-il pas également un risque que ce message soit perçu comme un signal de faiblesse de l’autre côté de l’Atlantique, au moment où Airbus a encore récemment été la cible du redouté Department of Justice (DoJ)? Emboîtant le pas au Parquet national financier (PNF) et au Serious Fraud Office (SFO) britannique, le parquet américain avait lancé en 2018 une procédure judiciaire pour des irrégularités sur certaines transactions. Le groupe a écopé d’une amende de 3,6 milliards d’euros le 31 janvier dernier.