LR et RN, alliés en Avignon, ennemis à Marseille suivant des «consignes d’un autre âge», selon Thierry Mariani

© Sputnik . Kirill Kallinikov / Accéder à la base multimédiaThierry Mariani
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Une digue est discrètement tombée. LR et le RN ont soutenu malgré eux le même candidat sans étiquette, empêchant le Grand Avignon de passer à gauche. Un cas de figure inverse de celui de Marseille, où LR avait préféré perdre la ville plutôt que de s’allier au parti lepéniste. La situation s’assombrit pour LR, selon l’eurodéputé Thierry Mariani.

Le Grand Avignon restera à droite. À 39 voix contre 29, le maire Divers droite de Vedène, Joël Guin, l’a emporté dès le premier tour face à Cécile Helle, la maire socialiste d’Avignon et ex-députée du Vaucluse, qui briguait pour la deuxième fois la présidence de la communauté d’agglomération. Pour autant, si ce scrutin local a attiré l’attention de médias nationaux, c’est parce que le maire de Vedène a pu l’emporter à deux voix près (la majorité absolue étant fixée à 37 voix), grâce au soutien des mairies Rassemblement national (RN) siégeant au Conseil communautaire, qui n’avaient pas présenté de candidature.

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C’est un gros morceau. Peuplé comme un arrondissement parisien, mais couvrant une zone trois fois plus vaste que la capitale, le Grand Avignon est à cheval sur deux départements et deux régions. Parmi les seize communes que regroupe cette communauté d’agglomération, deux mairies sont dirigées par des maires RN ou affiliés. En l’occurrence, Le Pontet (17.000 habitants) conservé par le RN, ainsi que Morières-lès-Avignon (8.000 habitants), remportée cette année par un candidat soutenu par le RN dans un duel contre la gauche après le retrait du maire sortant, Joël Granier, arrivé en 3e position.

Un accord que LR aurait aimé voir «passer sous les radars»

C’est un accord gagnant-gagnant qui a permis à la droite de conserver la communauté d’agglomération du Grand Avignon et au maire du Pontet, Joris Hébrard, d’en obtenir la deuxième vice-présidence. «On a vu des élus locaux, de terrain, se mettre d’accord, loin de ces consignes [des partis, ndlr.]. Ils ont trouvé un accord», commente au micro de Sputnik l’eurodéputé RN Thierry Mariani, ex-ministre sarkozyste.

«C’est vrai que l’exemple d’Avignon mérite d’être signalé parce qu’on voit que, respectant encore des consignes d’un autre âge, la direction des Républicains aimerait bien que cet accord local passe sous les radars…»

Pour autant, il n’existe pas de consensus à la direction du RN pour voir dans cette alliance un modèle à décliner à l’échelle nationale: certains refusent de s’enfermer dans l’union des droites, tandis que d’autres, à l’exemple de l’équipe de Louis Aliot, récemment élu à Perpignan, ont opté pour le rassemblement à droite. Ce qui explique peut-être la discrétion du parti à ce sujet.

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«Si je ne vous en avais pas parlé, vous ne l’auriez même pas vu», déclarait Thierry Mariani auprès de France Inter, qui s’est penché sur cette élection. L’ancien député du Vaucluse y dénonçait notamment «l’hypocrisie» de ses anciens partenaires politiques. En effet, Les Républicains ont maintenu au second tour des Municipales leurs listes à Carpentras et à Avignon afin de faire perdre celles du Rassemblement national.

Mais lors du vote intercommunal, ces derniers n’ont pas présenté de liste afin de soutenir Joël Guin, le maire sans étiquette de Vedène. Comme le soulignaient France bleue la veille du scrutin, alors que celui-ci se défendait d’avoir demandé le soutien du RN, Christian Jacob, président des Républicains, se disait «très attentif à ce qu’il n’y ait pas d’union des droites LR-RN».

«Christian Jacob est quelqu’un de valeur, c’est quelqu’un de l’époque de Chirac, qui malheureusement n’a pas compris que l’époque de Chirac était révolue […] et qui continue à réciter son catéchisme des années 80», tacle Thierry Mariani

Lui-même avait claqué la porte des Républicains (LR) début 2019 pour rallier le RN, atterré par la frilosité de l’ex-parti de la majorité présidentielle à défendre ses convictions «de droite». L’ancien ministre dresse le parallèle entre les cas avignonnais et marseillais, les Républicains ayant préféré perdre la deuxième ville de France plutôt que d’accepter les voix du Rassemblement national, mené par Stéphane Ravier.

​Rassemblant près de 20% des suffrages à l’échelle de la ville, le chef de file du RN marseillais avait tendu la main à la droite dite «de gouvernement» afin d’éviter le basculement à gauche de la ville. Celui-ci venait pourtant d’être éliminé à quelques centaines de voix près du 7e secteur de la cité phocéenne, à l’issue d’un duel face au candidat LR David Galtier, soutenu par les candidats de la gauche, qui avaient retiré leurs listes.

«Catéchisme des années 80»

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Un tel accord aurait pu permettre à la droite de conserver la mairie dès le premier tour. Pourtant, les Républicains ont préféré rallier à leur candidat les voix de la sénatrice ex-PS Samia Ghali. «Chacun sait qu’elle est socialiste, soutient une immigration débridée et que tout son passé milite pour montrer qu’il n’y a rien de commun avec la droite», soupire Thierry Mariani. Samia Ghali, qui avait profité du retrait de la liste LR dans son secteur (8e), apportera finalement au second tour ses voix à l’écologiste Michèle Rubirola (EELV), offrant Marseille à l’«ultra-gauche» de l’Union des gauches (écologistes, Parti communiste et France insoumise).

«La droite a perdu Marseille, mais les consignes nationales ont été respectées pour Les Républicains, et c’est toujours la même phrase imbécile qu’on entend, “on a sauvé nos valeurs”. Je ne sais pas quelle valeurs ils ont, maintenant…»

La veille du troisième tour des Municipales à Marseille, annoncé particulièrement serré et rattrapé par des soupçons de fausses procurations, Martine Vassal, candidate des Républicains, protégée de Jean-Claude Gaudin, avait cédé sa place à Guy Teissier, député LR des Bouches-du-Rhône et conseiller municipal du 5e secteur. Pour autant, celle-ci avait exigé qu’il démissionne s’il venait à être élu grâce aux voix du Rassemblement national.

​Une mesure barrière qui exaspère Thierry Mariani. «Les Républicains sont devenus simplement un cartel de sortants qui ont pour seul objectif de protéger leur pré carré […] et qui se moquent complètement des intérêts de la France», se désole-t-il, fustigeant une droite «assignée à domicile par la gauche».

LR, «héritiers directs de l’ordre du Temple solaire»

Bien que le RN n’ait pas réalisé les résultats escomptés lors de ces Municipales, ce scrutin reste aux yeux de l’eurodéputé un «vrai succès», dans la mesure où il a prouvé que le front républicain «n'est plus qu'une vaste fumisterie» et surtout que les maires RN étaient à ses yeux capables de bien gérer des communes. Les élus du parti de Marine Le Pen ont été reconduits dans la majorité des villes de plus de 10.000 habitants qu’ils administraient, souligne-t-il. Pour Thierry Mariani, ceux qui agitent encore le drapeau des libertés et de la République en danger ne sont que de «tristes pitres qui ne représentent plus rien».

«En réalité, l’obstacle réside uniquement dans cette droite qui aujourd’hui se suicide et qui, en réalité, collabore sans aucun problème avec Emmanuel Macron et les anciens socialistes qui sont avec lui, mais par protectionnisme électoral refuse tout accord ou tout rapprochement avec le Rassemblement national. C’est une sorte de suicide organisé, je ne sais pas si vous vous souvenez de l’ordre du Temple solaire, aujourd’hui Les Républicains sont les héritiers directs de l’ordre du Temple solaire.»
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