Les élèves de terminale marocains se sont rendu, vendredi 3 juillet 2020, le pas pressé et la boule au ventre, dans les salles d’examen. Ce jour-là, les épreuves du baccalauréat ont commencé pour les littéraires et se sont terminées le 8 juillet pour toutes les filières. Les autorités ont décidé de maintenir le bac 2020 en présentiel dans l’ensemble du territoire, même si tous les établissements scolaires du pays sont fermés depuis le 16 mars dernier à cause de la pandémie.
«Toutes les conditions sont réunies pour garantir le bon déroulement des examens», a certifié le ministre de l'Éducation nationale marocain Saaid Amzazi pour rassurer les candidats.
Afin de minimiser les risques de contamination, le département qu’il dirige a mis en place une batterie de mesures préventives contre le Covid-19.
Le ministre de l'Éducation nationale a effectué une visite à des lieux d’examens à Rabat et à Salé, lundi 6 juillet.
Avant d’entrer dans son établissement d’examen, chaque candidat s’est vu relever sa température. Il devait aussi porter un masque et une visière, désinfecter ses mains et rester éloigné de ses camarades –l’une des règles d’or étant la distanciation physique. Il ne pouvait pas y avoir plus de dix candidats par salle de cours ordinaire. Afin de respecter cette condition, les autorités ont mobilisé 1.910 classes, 145 amphithéâtres et 100 salles omnisports où les tables étaient installées à un mètre et demi de distance l’une de l’autre.
Dans la peau d’un aspirant bachelier
La psychosociologue Karima Rihani estime que cette édition du bac 2020 est la plus compliquée de l’histoire.
«Dans l’atmosphère inédite de pandémie, les candidats vivent une véritable épreuve du feu. Ils sont confrontés à la fois au stress des examens et à la peur du virus», note-t-elle en réponse à Sputnik.
Rim, 18 ans, confirme. Elle passe son baccalauréat cette année en Sciences économiques et de gestion. Contactée par Sputnik, la jeune fille se dit exténuée par le stress. «Les cours à distance et l’isolement social dont on a tous souffert pendant l’année scolaire étaient déjà une véritable épreuve en soi. Lorsque l’annonce du maintien des examens est tombée, elle m’a déboussolée. Je ne me sentais pas prête et surtout pas en temps de coronavirus. Je suis asthmatique, c’est donc assez difficile pour moi de respirer normalement quand je suis perturbée. Le jour de l’examen, j’ai dû enlever le masque au milieu de l’épreuve pour reprendre mon souffle», raconte-t-elle.
Pour la psychosociologue, ce sentiment de stress extrême est tout à fait compréhensible. Au-delà des conditions actuelles, ce qui pourrait l’expliquer, selon elle, c’est surtout ce qu’il s’était passé pendant les trois mois précédant les examens:
«Il y a eu une accumulation de ressentis négatifs chez les étudiants. Ils ont été perturbés par la fermeture de leur lycée. Puis avec l’enseignement à distance, qui a été très difficile pour eux, ils ont éprouvé un sentiment d’abandon. La plupart des lycéens trouvaient que les cours en ligne n’étaient pas aussi engageants ni aussi riches que les cours ordinaires. Ils se sont donc sentis délaissés par leurs professeurs. À cela s’est ajoutée l’impression d’étouffement. Lorsqu’ils se préparaient pour les épreuves, ils étaient cloîtrés chez eux, surveillés par leurs parents. Ils ne pouvaient même pas sortir avec leurs amis pour respirer un peu», détaille Karima Rihani.
Bouchra, 20 ans, soulève un autre problème. Elle vient de passer sa dernière épreuve samedi 4 juillet, en Lettres, sciences humaines et enseignement originel. «Pendant tout mon cursus, j’ai pris l’habitude de réviser en groupe avant chaque examen. Cette année, avec le Covid-19 et le confinement, j’ai dû me préparer toute seule chez moi, c’était un vrai challenge... Avec mes parents qui faisaient du télétravail, mon petit frère qui suivait lui aussi ses cours en ligne, c’était très dur à gérer», raconte-t-elle.
Passant en revue les témoignages recueillis par Sputnik, Karima Rihani souligne: «Si on a un environnement rassurant, qui essaie d’apaiser nos craintes, ce n’est pas comme si on était entouré de personnes qui tiennent un discours anxiogène et qui mettent en garde à chaque fois des risques de l’échec ou de la contamination par exemple.»
Les jeunes témoins sont plutôt dans cette dernière configuration.
Des syndicalistes surpris
Abdelghani Erraki est secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT). Sa centrale syndicale avait adressé, début mai, des propositions écrites concernant le bac 2020 au département de Saaid Amzazi. Le syndicaliste se dit satisfait des conditions dans lesquelles se sont déroulés les examens. «C’est l’une des rares fois où le ministère nous a écoutés», ironise-t-il. Pour lui, le maintien des épreuves du baccalauréat était «le meilleur scénario possible, autant pour les étudiants que pour les enseignants». Même s’il admet que cette année était spéciale, vu le contexte inédit de la pandémie.
«Mais le principe d’égalité des chances est totalement respecté puisque tous les étudiants sont soumis aux mêmes conditions et aux mêmes contraintes», conclut-il.
Même son de cloche du côté de la Fédération nationale des associations de parents d'élèves au Maroc (Fnapem).
Tenace virus de la triche
Malgré la surveillance renforcée et la distanciation, des tricheurs ont malgré tout tenté de tromper la vigilance de leurs surveillants. Dès les deux premiers jours d’examens, pas moins de 1.107 fraudeurs ont été démasqués. L’aventure des tricheurs surpris en flagrant délit s’est arrêtée net. Pour tous les autres, ils doivent prendre leur mal en patience en attendant les résultats qui seront annoncés le 15 juillet. Une session de rattrapage est prévue du 22 au 24 juillet, toutes branches confondues.
L’année dernière, le taux de réussite au Maroc, après rattrapage, était de 78%. Les candidats au bac 2020 feront-ils mieux que leurs prédécesseurs?