«Il faut que tout change pour que rien ne change»… À trois ministères près, Emmanuel Macron a parfaitement mis en œuvre la célèbre réplique du film Le Guépard, de Luchino Visconti. En effet, si le nouveau gouvernement présente quelques nouvelles têtes à de nouveaux postes, la ligne politique incarnée par ces nominations ne semble pas avoir bougé d’un iota.
La reconquête de la droite, enjeu du remaniement?
En effet, le Président affichait à l’occasion de ce remaniement la nécessité «d’imprimer une marque en direction d’un nouveau cap». Mais au vu de la composition du gouvernement Castex, l’étonnement prédomine: «à quoi sert-il? Pourquoi tant de tapage et de bruit autour de ce remaniement?» s’interroge au micro de Sputnik France, Frédéric Saint Clair, politologue, auteur de plusieurs ouvrages concernant la vie politique française, dont La droite face à l’islam (Éd. Salvador 2018).
«Si ce n’est pour des raisons de politique politicienne, pourquoi avoir limogé Édouard Philippe? S’il y avait un vrai tournant avec un Premier ministre de gauche, avec une fibre écologiste, là on aurait compris qu’on se trouve dans l’acte deux», fait remarquer d’emblée Frédéric Saint Clair.
Aucune réinvention, donc? «Des gens rentrent et sortent sans qu’on ne comprenne trop pourquoi», explique-t-il. Le seul calcul politique lisible, selon Frédéric Saint Clair, serait le grappillage de voix à droite, dans la logique perçue depuis l’élection de 2017: «Il y a depuis la première année du quinquennat Macron, un glissement marqué à droite, juge le politologue, même si c’est une droite libérale, modérée. En mettant Jean Castex, un proche de Xavier Bertrand, à la place d’Édouard Philippe, Macron fait un pas de plus vers LR.»
Les nouveaux venus surprennent… mais ne rassurent pas
Pire selon l’essayiste politique, «Emmanuel Macron est moins bien armé pour 2022 avec ce gouvernement qu’avec le précédent.» Car même si les remplacements de Nicole Belloubet et Christophe Castaner pourraient rassurer l’électorat de droite, rien ne garantit que leurs remplaçants lui garantiraient la reconquête de ce dernier.
«À l’intérieur, on parlait d’une figure de la police, on parlait de Frédéric Pechnard, proche de Sarkozy, et au final on a Gérald Darmanin, qui vient des comptes publics et qui n’a aucune connaissance de la fonction. Que vont en penser les forces de l’ordre qui sont épuisées?» se demande le politologue.
Même son de cloche concernant la nomination d’Éric Dupond-Moretti «la grande gueule très médiatique» au ministère de la Justice. Difficile de voir où le célèbre avocat, compte tenu de ses engagements politiques, s’inscrira en rupture sur un sujet comme les libérations anticipées à l’initiative de la précédente Garde des Sceaux, qui avaient amené à des récidives. Selon Frédéric Saint Clair, cette nomination peut être un réel caillou dans la chaussure du gouvernement, car «il y a des polémiques potentielles qui se préparent et qui peuvent être majeures»:
«Notre justice a-t-elle besoin de pagaille supplémentaire au niveau des juges? Il y a un réel risque de fronde, de création de factions au niveau de l’institution judiciaire, si Dupond-Moretti ne s’amende pas et qu’il continue à jouer la personnalité théâtrale et médiatique.»
Ce gouvernement a donc tout à prouver, compte tenu de la situation ultra délicate dans laquelle se trouve la France. Tant au niveau économique que sanitaire, sécuritaire ou social, les dossiers dont ont hérité les nouveaux ministres vont les mettre à rude épreuve.