L’Algérie est suspendue à la grâce divine. Ce dimanche 28 juin, lors du Conseil des ministres, le Président Abdelmadjid Tebboune a donné des instructions aux membres de son gouvernement visant à renforcer la lutte contre le coronavirus.En outre, le chef de l’État algérien «a ordonné le maintien de la fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes jusqu’à ce que Dieu nous libère de ce fléau», précise le communiqué de la présidence.
Les Algériens qui souhaitent voyager et ceux qui attendent depuis plus de trois mois de rentrer au pays devront encore patienter. Il faut dire que le territoire connaît une nette augmentation de la contagion ces deux dernières semaines. Les statistiques officielles depuis le début de la pandémie font état de 13.571 patients testés positifs et de 905 décès.
Des invocations
En cette fin de mois de juin, les autorités sanitaires se disent préoccupées par l’augmentation du nombre de patients souffrant de détresse respiratoire. À tel point que les services de réanimation de nombreux hôpitaux du pays ne peuvent plus faire face à l’afflux de malades. C’est le cas notamment à Oran (450 km à l’ouest d’Alger) où les services de réanimation des établissements de santé de la ville sont arrivés à saturation. Mardi 30 juin, la situation générale est devenue si inquiétante qu’elle a fait réagir le Premier ministre:
«Je demande aux Algériens de faires des douâa (invocations) afin que Dieu mette un terme à ce fléau», a déclaré Abdelaziz Djerad lors d’une visite de travail dans la région de Tindouf.
La veille, le Premier ministre avait annoncé la reconduction du couvre-feu dans 29 wilayas (départements) jusqu’au 13 juillet. Il avait également instruit les autorités locales «de procéder au confinement partiel ou total ciblé d’une ou de plusieurs localités, communes ou quartiers connaissant des foyers ou des clusters de contamination» lorsque la situation sanitaire l’exigeait.
En fait, le maintien de la fermeture des frontières est certainement la plus importante des décisions prises par le gouvernement algérien en ce début de saison estivale. Une mesure qui va avoir des conséquences économiques considérables. La Tunisie fait déjà figure de victime collatérale. Ce pays voisin reçoit chaque année près de 3 millions de touristes algériens, notamment durant l’été. «C’est un chiffre qui pèse en matière d’entrées touristiques. Il est important, voire capital, que les Algériens puissent venir en Tunisie», explique à Sputnik Moez Kacem, universitaire tunisien et expert en tourisme.
«La Tunisie a classé les pays en trois catégories : vert, orange et rouge, selon le niveau de contagion de la pandémie. Le gouvernement tunisien a cependant fait deux exceptions pour l’Algérie et la Libye, qui seront régies par des conventions bilatérales. Bien sûr, nous suivons de très près la situation sanitaire de nos voisins, notamment de l’Algérie. Il faut que les conditions sanitaires soient favorables pour que la Tunisie puisse accueillir les touristes dans de bonnes conditions.»
«Mais tout ceci aura un sens que lorsque l’État algérien ouvrira ses frontières, ce qui n’est pas le cas actuellement», précise le spécialiste tunisien.
L’été de la «ghouma»
Selon Moez Kacem, la Tunisie «a besoin du marché algérien pour atténuer l’impact de la crise économique, mais cela ne pourra pas se faire dans n’importe quelles conditions». La logique voudrait que la clientèle qui ne peut accéder aux plages et aux loisirs tunisiens soit récupérée par le secteur touristique algérien.
«L’Algérie n’a pas les capacités pour accueillir son tourisme interne. Il n’y que 50.000 lits en bord de mer pour une demande estimée annuellement à 2 millions de touristes. Et cet été, la demande sera encore plus importante. Les quelques hôtels situés sur la côte sont complets durant toute la période estivale malgré le départ de millions d’Algériens vers la Tunisie, mais aussi vers la France, l’Espagne, le Maroc, la Turquie et l’Égypte. Nos hôteliers n’ont jamais chômé. Je ne parle même pas des conditions d’hébergement qui sont en dessous des normes pour des prix dépassant largement ceux de la Tunisie, où le service est très convenable», note Saïd Boukhlifa.
Pour que le tourisme interne puisse profiter de la situation, il aurait fallu, au préalable, développer ce secteur. «Par manque de conviction et de compétence politique, les autorités ont préféré tout miser sur les hydrocarbures durant les deux dernières décennies», déplore-t-il.
L’expert rappelle également que le gouvernement algérien n’a toujours pas permis aux hôteliers de rouvrir leurs établissements. Selon lui, le maintien de cette interdiction couplée à la fermeture des frontières risque d’anéantir un «secteur frappé par la crise et le chômage».