Entre fonctionnaires véreux et corrompus, hommes d’affaires cupides, intermédiaires sans scrupules, des têtes pourraient bientôt tomber dans les multiples dossiers de scandales fonciers que les autorités sénégalaises seraient en train d’instruire. Me Malick Sall, ministre de la Justice, en a donné l’assurance ferme et irrévocable après les nombreuses allégations de bradage des terres relevant du domaine public de l’État. Le Président Macky Sall s’en était même ému lors d’un récent Conseil des ministres en mettant trois de ses ministres face à leurs responsabilités.
«S’il s’avère que des crimes ou délits ont été commis, il y aura nécessairement des poursuites. Si les enquêtes qui sont en cours permettent à l’État d’agir, l’État agira et prendra ses responsabilités. [Mais, ndlr] des poursuites peuvent même être initiées par les parties civiles, par les personnes physiques et pas forcément par l’État», a affirmé le garde des Sceaux le 14 juin sur Iradio.
Me Malick Sall, ministre de la Justice, sur iRadio
C’était l’affaire du phare des Mamelles qui a le plus contribué, sans doute, à tirer la sonnette d’alarme. Fin mai, des chasseurs de terres, sans égard pour son statut de patrimoine national, ont tenté d’élever aux pieds de cet héritage colonial datant de 1864 les fondations de ce qui devait être une grosse infrastructure hôtelière ou résidentielle, avant que les autorités n’interviennent in extremis. Le schéma est invariable, concernant l’accaparement de ces terres du littoral, dont beaucoup ne sont pourtant pas cessibles: un système de «magouilles» permettant d’avoir accès à des titres fonciers et des permis de construire. Pour le reste, il y a la politique du fait accompli.
Abdoulaye Wade vs Macky Sall: la course au pire?
Finalement, ils ont fait pire que les Wade avec nos terres Par Madiambal Diagne https://t.co/c3uREcpQH8
— Ma revue de presse (@rp221com) June 8, 2020
«C’est gens, aux esprits malsains, rendront compte de tout ce qu’ils ont fait du littoral et cela sans intervention, ni négociation. Il est trop facile de s’enrichir de cette manière abusive sur le dos du Sénégalais sans pour autant que des sanctions soient prises», s’énerve le député Ousmane Sonko, arrivé troisième à l’élection présidentielle de février 2019.
De l’indignation, on passe à l’exaspération quand le quotidien L’Info annonce dans sa parution du 11 juin que le directeur national des Domaines et cadre du parti au pouvoir, Mame Boye Diao, a offert un terrain de 5.000 mètres carrés à un ministre du gouvernement. Pour trois des principales organisations nationales de défense des droits humains (LSDH, RADDHO et Amnesty International Sénégal), la situation devient intenable.
«L’adoption sans délais d’une loi consacrée à la gestion et à la protection du littoral que les acteurs ne cessent de demander depuis 2014 [s’impose, ndlr]. [En attendant, ndlr], un audit de tous les bâtiments implantés sur le littoral du Sénégal, en commençant par la région de Dakar, [est nécessaire, ndlr]», écrivent les trois organisations dans un communiqué conjoint.
L’exaspération est généralisée
Quand la malhonnêteté est poussée à son paroxysme. Le bradage du littoral a commencé avec le déclassement de la bande de filaos entre #Malika et #Guediawaye, une prérogative dt @Macky_Sall est le seul détenteur ds notre pays. #Sauvonsnosterres https://t.co/DckoyR8r3w
— Abou BA (@Ba_Aboulaye) June 13, 2020
«Les gens n’ont pas oublié que la constitution proposée par le chef de l’État et adoptée par référendum en 2016 a consacré la souveraineté des populations sur les ressources naturelles et foncières», rappelle à Sputnik Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits humains.
Pour couper court à tout, en particulier à des débordements imprévisibles entre promoteurs immobiliers convaincus de la justesse de leurs droits et populations soucieuses de préserver leur environnement immédiat, le Président Sall a signé le 10 juin un décret qui introduit les préfets et sous-préfets dans le processus de délivrance des autorisations de construire, alors que ce pouvoir était quasiment exercé par les maires de commune en relation avec les services du ministère de l’Urbanisme.
À moins que ce décret soit aussi un FAUX donc le président @Macky_Sall a préféré choisir le Parti de ses amis au lieu de la Patrie et défier les sénégalais en mettant hors jeu des élus. Je sui vraiment encore une fois très déçu ☹️☹️et en colère😡😡#kebetu #Senegal ! pic.twitter.com/uvCIYdEPqD
— Karara (@vieuxaidara) June 13, 2020
Cependant, s’interrogent des observateurs, ces représentants de l’État qui font partie du commandement territorial et dont la carrière dépend de leur hiérarchie directe qu’est le pouvoir exécutif, sont-ils les mieux indiqués pour apporter des solutions aux soubresauts fonciers? La politique de décentralisation censée donner plus de pouvoirs aux élus locaux n’en prend-elle pas un coup?