«Bouchon sur 1 km…». Pour bon nombre d’usagers de l’autoroute Dakar-Aéroport international Blaise Diagne, «l’arnaque» commence là. Ils auraient aimé que ce message qui s’affiche sur le panneau lumineux à l’entrée de la voie soit visible bien plus tôt, afin que l’usager ait le choix d’emprunter ou non le tronçon. Construite par l’entreprise française de droit sénégalais Eiffage, la nouvelle autoroute concédée SENAC cristallise des rancœurs.
[ 09 JUIN 2020 | 17:07 ] ALERTE TRAFIC🚗
— Autoroute de l'Avenir (@autorouteavenir) June 9, 2020
Bouchon de + de 02km de #KEUR MASSAR et #Thiaroye , sens #DAKAR-#AIBD, dû à un accident .
Vous serez informés du retour à la normale.#SécuritéRoutière #SenacSa #alertetraficADDA #Senegal @DKaeroport pic.twitter.com/RroSEinkyX
«Nos exigences portent principalement sur le contrat originel qui nous semble inéquitable et désavantageux à double titre: pour l’État du Sénégal, principal bailleur de fonds, et pour les milliers d’usagers qui paient un coût excessivement cher pour son utilisation», explique à Sputnik l’ex-parlementaire Cheikh Oumar Sy.
Sy est le président du Collectif citoyen des usagers de l’autoroute à péage (CCUAP) à la pointe des revendications auprès de SENAC et de l’État.
«L’État désavantagé, les Sénégalais aussi»
«Dans sa forme, ce contrat ressemble à un PPP mais en réalité, il n’en est pas un. Sous le régime de l’ex-Président Abdoulaye Wade, notre pays avait investi plus de 85% des ressources qui ont permis le démarrage des travaux», souligne Cheikh Oumar Sy, non sans remettre en cause la légalité même du contrat signé entre l’État et SENAC.
Suite à la fermeture de l'autoroute de l'avenir ce 2 avril 2019 de 8h45 à 11h, tous les bus de Dakar Dem Dikk passent par le péage passeront par la nationale à partir de 7h30.#Senegal #4avril #kebetu pic.twitter.com/oH5xFAv7Zv
— Dakar Dem Dikk (@dakardemdikk1) April 2, 2019
Consultant sénior et expert en économie du développement, l’ingénieur Mbaye Sylla Khouma est encore plus radical contre le modèle PPP accepté par l’État sénégalais face à l’entreprise française.
Il faut soit casser soit renégocier le contrat de concession à Eiffage. Dakar-Thiaroye pour 1000 FCFA de péage c'est indécent pour une autoroute dont l'État a assuré 83% du financement. Ceux qui ont participé aux négociations du côté État seront un jour entendus par un Juge 😕
— Mbaye Sylla Khouma (@Mbayxuma) January 12, 2020
«Un PPP innovant et gagnant-gagnant»
Le débat entre experts n’est pas prêt de prendre fin. L’ingénieur polytechnicien Dominique Ndong, ex-coordonnateur des grands projets à l’APIX, ne tarit pas d’éloges sur un partenariat «innovant et pertinent».
«Le montage du projet d’autoroute à péage en PPP introduit une innovation majeure dans la politique des infrastructures au Sénégal. Il ouvre de nouvelles perspectives de gestion efficace des projets en laissant une large part aux compétences du privé, permettant ainsi à l’État de se concentrer sur les missions qu’il maîtrise le mieux», fait valoir dans le magazine Réussir Business celui qui est considéré comme la cheville ouvrière de la première grande infrastructure autoroutière au Sénégal.
Un gouvernement mal à l’aise pour une renégociation
Autoroute à péage de Dakar sans aucune barrière de sécurité, les ânes se promènent comme dans la brousse... 🇸🇳 pic.twitter.com/x1ERQrdzup
— AMIDOU LY (@Amidoully) May 23, 2018
Les personnes ne sont pas les seuls usagers de l’autoroute de l’Avenir
Le bras de fer entre SENAC et le CCUAP se poursuit avec pour facilitateur un État qui est lui-même signataire du contrat décrié et dont les usagers attendent un vrai soutien. Mais aux yeux de Cheikh Oumar Sy, l’enjeu a pris une dimension «patriotique».
«Notre objectif est de pousser notre gouvernement vers la renégociation de ce que nous considérons comme un vol organisé et légalité de nos ressources fiscales. […] Le Président Macky Sall a donné des directives fermes pour la renégociation du contrat, mais il y a un malaise quant au leadership qui doit initier les pourparlers avec l’entreprise Eiffage-SENAC, et cette dernière en est consciente.»
Aujourd’hui, le collectif semble pris entre le refus d’Eiffage — qui n’a pas répondu à deux sollicitations de Sputnik — de renégocier le contrat et la difficulté pour le Président Macky Sall de remettre en cause son propre engagement dans cette affaire dont il a été le principal artisan considère Me Abdoulaye Wade, initiateur du projet.