En Afrique, à l’heure du Covid-19, la fracture numérique accroît les inégalités à l’école

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Alors que les élèves africains font progressivement leur retour en classe en vue des examens, la fracture numérique risque d’accroître encore plus les inégalités. Moustapha Guirassy, ancien ministre sénégalais, explique à Sputnik pourquoi, grâce aux nouvelles technologies et à des contenus adaptés, le privé s’en sort mieux que le public.

Moustapha Guirassy ne veut pas entendre parler d’une année blanche. Féru de nouvelles technologies, il se bat pour que les étudiants sénégalais puissent être évalués en ligne, du fait de la pandémie de Covid-19.

Aujourd’hui à la tête d’un institut de management privé, qu’il a fondé en 1996, cet ancien ministre de la Communication, des Télécommunications et des Tics (technologies de l’information et de la communication) du Sénégal est PDG du groupe Institut Africain de Management (IAM).

À partir de Dakar et de Tambacounda (sud-est du Sénégal), l’IAM a essaimé au Burkina Faso et au Mali, puis s’est délocalisé au Gabon, au Bénin et en Mauritanie. En parallèle, il a créé des partenariats avec les écoles et les universités parmi les plus prestigieuses sur les continents européen, américain et asiatique.

Des évaluations en ligne, le défi est de taille. La pandémie a déscolarisé 280 millions d’élèves en Afrique, qui s’ajoutent aux «200 millions d’enfants qui étaient déjà hors circuit scolaire et qu’il faut réintégrer au plus vite», précise Moustapha Guirassy au micro de Sputnik. Les conditions pédagogiques sont donc complexes, de même que le contexte sanitaire: il a lui-même subi l’épreuve du Covid-19 après avoir été contaminé au début mars.

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Au Sénégal, un grand nombre d’étudiants ont quitté Dakar pour retourner dans leur famille, parfois dans des villages reculés. Selon Moustapha Guirassy, loin des amphis, les étudiants sénégalais ont ainsi eu du mal à trouver sur les plateformes en ligne existantes des enseignements de qualité leur permettant de progresser dans le programme de l’année.

L’Afrique subsaharienne sous-équipée

Selon les chiffres compilés par l’Unesco, le nombre d’élèves africains qui ont été confrontés à des obstacles à l’apprentissage en ligne pendant la pandémie est près du double par rapport au reste du monde. En Afrique subsaharienne, 89% des élèves (216 millions) n’ont pas d’ordinateur à domicile, contre 50% dans le reste du monde et 82% d’entre eux (199 millions) n’ont pas accès à Internet à domicile, contre 43% dans le reste du monde.

De surcroît, malgré un développement fulgurant du téléphone portable, 26 millions d’élèves en Afrique subsaharienne (soit 11%) ne sont pas desservis par les réseaux de téléphonie mobile, contre 56 millions d’élèves dans le reste du monde qui ne peuvent pas utiliser de téléphone portable pour accéder aux informations dont ils ont besoin pour leurs études.

Le besoin d’une économie de la connaissance

De facto, la fracture numérique, déjà très accentuée entre les villes et les campagnes africaines, s’est encore accentuée avec la pandémie:

«En Afrique, la transformation digitale ne s’est pas bien faite. Il y a eu des juxtapositions d’outils informatiques, voire des achats importants d’ordinateurs, mais rares ont été les investissements stratégiques permettant d’avoir un impact réel. Cela se ressent fortement dans le secteur public qui a pourtant dépensé beaucoup d’argent pour s’équiper», dénonce le PDG du groupe IAM au micro de Sputnik France.

À la tête de son institut, Moustapha Guirassy a tenté de combler cette fracture. Depuis 2014, l’IAM s’est doté d’outils d’enseignement en ligne. Selon lui, le secteur privé, «du fait de sa souplesse, de sa rapidité et, surtout, de sa flexibilité», aurait mieux tiré son épingle du jeu que le secteur public.

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À l’heure du Covid-19, les conséquences de cet avant-gardisme pédagogique sont frappantes:

«Du coup, les établissements d’enseignement privé sont prêts à faire leurs évaluations en ligne. Ce à quoi s’oppose le secteur public qui, lui, exige la présence des étudiants. En ces temps exceptionnels, il faut des mesures exceptionnelles. C’est pourquoi nous militons pour que les examens de fin d’année puissent avoir lieu en ligne, sans exiger la présence des candidats», insiste l’ancien ministre.

Quant à la situation de l’enseignement supérieur en Afrique et au Sénégal en particulier, dans le contexte de la crise sanitaire, il estime que le temps est venu pour les dirigeants africains de «penser global, tout en agissant local».

Ainsi préconise-t-il à la fois la réintroduction de cours de philosophie et des contenus qui prennent en compte des «thèmes cruciaux» pour le développement de l’Afrique, comme la santé, l’agriculture, la maîtrise de l’eau ou l’industrialisation. C’est là pour lui le défi d’une «économie de la connaissance».

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