Le coronavirus masque une épidémie de rougeole au Cameroun

© AFP 2024 -Une étudiante portant un masque de protection contre le COVID-19, Yaoundé, Cameroun
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Alors que le Cameroun est durement éprouvé par le coronavirus, le pays doit combattre un nouvel adversaire: la rougeole. La maladie a déjà touché plus de 3.000 personnes pour 11 décès dans huit régions. Une résurgence inquiétante attribuée à la pandémie mondiale de Covid-19, qui a mis à mal les activités de surveillance et de vaccination.

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Le Cameroun, qui vient de franchir le cap des 10.000 cas testés positifs au Covid-19, fait également face à une nouvelle épidémie: la rougeole. Selon le dernier rapport du programme élargi de vaccination (PEV), le pays compte déjà plus de 3.000 cas notifiés, dont plus de 1.200 confirmés. Des cas enregistrés dans 78 districts de santé sur les 180 que compte le Cameroun. Huit régions que sont l’Adamaoua, le Centre, l’Est, l’Extrême-Nord, le Littoral, le Nord, l’Ouest et le Sud ont été cartographiées et 11 décès ont déjà été recensés. Si le sujet est au centre de l’actualité avec l’explosion des chiffres, la docteure Kévine Laure Nkaghere, médecin-chef du district de santé de Japoma, à Douala, souligne que l'épidémie de rougeole a démarré depuis le mois de février dans la ville. Et s’agissant des causes, plusieurs facteurs, à en croire la spécialiste, sont à mettre à l’actif de cette résurgence.

«Scientifiquement, il y a un cycle qui se renouvelle tous les deux ans, car le nombre d'enfants non vaccinés peut augmenter. Aussi, il y a eu une sorte de relâchement dans le calendrier vaccinal par les parents. Même si l'épidémie a été déclarée bien avant le coronavirus, il faut dire que les choses se sont aggravées depuis que la pandémie est là», déplore-t-elle au micro de Sputnik.

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Selon le PEV, cette hausse se justifie par le fait que les enfants ne sont pas suffisamment vaccinés. En effet, 50% des cas concernent des enfants de 9 à 59 mois, tandis que 74% des cas confirmés ne sont pas vaccinés. L’arrivée du Covid-19 a mis à mal les activités de surveillance et de vaccination. Le programme souligne aussi que les équipes de lutte disponibles sont plutôt engagées dans la riposte au Covid-19 et ne remontent pas les données au niveau requis. En outre, l'OMS a momentanément suspendu, depuis le 26 mars 2020, la vaccination contre toutes les autres maladies, telles que la fièvre jaune, la diphtérie ou la rougeole. L’Organisation considère que la distanciation physique nécessaire à l’endiguement du Covid-19 est incompatible avec la distribution des vaccins dans les villages. Au-delà de ces facteurs, la docteure Vanessa Kouatchouang, médecin épidémiologiste camerounaise, pointe un doigt accusateur sur le comportement de certains parents.

«La cause la plus incriminée de la rougeole, habituellement, c'est le rejet de la vaccination par les parents qui estiment que le vaccin n'est pas bon. D'autres ont peur d'être contaminés par le coronavirus dans les formations hospitalières. Ce sont tous ces comportements qui entraînent la résurgence de la rougeole parce que les enfants ne sont pas protégés», mentionne-t-elle à Sputnik.

La rougeole, maladie très contagieuse, reste une cause importante de décès chez les jeunes enfants dans le monde, en dépit de la disponibilité d'un vaccin efficace. La maladie, souligne la spécialiste, est 10 fois plus contagieuse que le Covid-19, et peut se répandre comme une traînée de poudre si on n’y prend pas garde.

«Les modes de propagation de la rougeole sont nombreux: contact physique, contact avec les surfaces et les objets partagés. Les postillons aussi peuvent être des voies de contamination», précise Vanessa Kouatchouang.

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Alors que le pays compte à ce jour près de 10.000 cas de coronavirus pour 276 décès, les autorités sanitaires doivent agir vite pour freiner la propagation de cette nouvelle épidémie de rougeole, au risque d’être confrontées concomitamment à la gestion de deux crises sanitaires. Pour cela, il faut, précise l’épidémiologiste, insister sur la prévention.

«Le traitement de la rougeole repose essentiellement sur les méthodes préventives. Toutefois, la vitamine A peut aider à soulager ses symptômes. Malheureusement, au Cameroun, depuis le déclenchement de la pandémie de coronavirus, peu sont ceux qui fréquentent encore les hôpitaux. Nous craignons une explosion des décès», alerte Vanessa Kouatchouang.

En effet, craignant d'être contaminés par le Covid-19, les malades désertent de plus en plus les hôpitaux au Cameroun. Selon la plateforme de collecte de données Data Cameroun, le taux de fréquentation a ainsi chuté de près de 50% dans les hôpitaux publics. De nombreux patients rencontrés avouent préférer se soigner en ayant recours à la médecine dite traditionnelle. Une situation qui laisse place au phénomène de l'automédication dans le pays et pourrait être à l’origine d’autres crises sanitaires.

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