Évoquant le cas d'Adama Traoré et les récents développements de l'affaire pour Valeurs actuelles, Philippe Bilger estime que «le gouvernement a pris l’habitude d’être souvent faible avec les forts et trop sévère avec les faibles».
«J’étais prêt à tout, dans la mesure ou je présumais le pire. En réalité, nous faisons face à une seconde "affaire Leonarda", même si la situation semble plus grave aujourd’hui. Lorsque l’on compare le dialogue ridicule entre l’ex-Président et la jeune Kosovare à ce qui se passe aujourd’hui avec la famille Traoré, cette scène que l’on a tant reprochée à François Hollande apparaît comme un exemple de gentillesse républicaine…», analyse le magistrat honoraire, président de l’Institut de la parole et chroniqueur à Sud Radio.
L'affaire Léonarda «dépassée»
«Alors que l’on demande, à juste titre, une distanciation de l’État à l’égard de la chose judiciaire, on tolère un comportement inique de la famille Traoré. Je considère que l’on a atteint le pire avec l’affaire Adama», assène M.Bilger.
Invitation de Nicole Belloubet
À la différence des proches de Léonarda qui ont accepté une aide de l’État, la famille Traoré a refusé tout soutien et l'invitation du cabinet de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Le magistrat détaille deux scénarios possibles derrière cette proposition réfutée: «soit le Président de la République a demandé à la garde des Sceaux de recevoir la famille Traoré, soit cette idée obscène a germé dans la tête de Nicole Belloubet», qualifiant la première possibilité de «honte» et la seconde de «scandale».
«Le pouvoir d’aujourd’hui se montre extrêmement faible dans son rapport avec ceux qui l’offensent. C’est tout de même unique de voir une famille décliner une invitation de la garde des Sceaux, sous prétexte qu’elle refuse d’enfreindre les règles de l’État de Droit... Nous avons atteint un degré de mépris supplémentaire à l’égard de notre démocratie», constate-t-il.
«On a dépassé toutes les limites, nous sommes profondément humiliés. Avec cette affaire, je considère que notre démocratie est complètement ridiculisée sur le plan judiciaire», résume M.Bilger.
Les forces de l'ordre «abandonnées»
D'après le magistrat, «les forces de l’ordre sont abandonnées à chaque fois qu’elles sont condamnées à aller vers une forme d’extrémisme parce qu’on leur oppose une résistance scandaleuse. Dans les quartiers sensibles, il est évident que la police peut être tentée de ne pas faire ce qu’il faut parce qu’elle craint une issue dangereuse. Elle sait qu’elle ne sera pas soutenue par les autorités politiques. Hélas le pouvoir ne soutient jamais sa police lorsqu’il faut montrer du courage, mais seulement lorsque c’est facile».
En cela, M.Bilger voit la solution dans «la certitude [de la police] que le pouvoir politique la défende», qui pourrait garantir «la tranquillité publique» largement demandée.
«J'attends un pouvoir qui mette en œuvre une philosophie relevant d’un humanisme efficace», conclut le magistrat.