La réouverture des frontières en Tunisie relancera-t-elle le tourisme?

© AFP 2024 FETHI BELAIDVillage Sidi Bou Saïd Vide, Tunisie
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La Tunisie vient d’annoncer officiellement la réouverture de ses frontières le 27 juin. Une décision qui fait suite à l’amélioration de la situation sanitaire dans le pays. Mais va-t-elle réellement permettre la relance du tourisme, qui est l’un des poumons de son économie? Analyse de Sputnik avec Moez Kacem, expert international du secteur.

Alors que l’on croyait que la reprise du secteur du tourisme en Tunisie était impensable à cause du coronavirus, de nouvelles données ont ressurgi pour donner une lueur d’espoir aux professionnels et à l’économie tunisienne en général.

En effet, l’état épidémiologique du pays est resté stationnaire, avec, au 6 juin, 1.087 cas de contamination, 982 rétablissements et 49 décès depuis le début de la crise. Un résultat plus qu’honorable si on le compare à celui d’autres pays dans le monde qui disposent de plus de moyens, s’enorgueillissent les Tunisiens et leurs autorités.

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Fort de ce résultat, le gouvernement a décidé d’ouvrir les frontières terrestres, maritimes et aériennes du pays afin de commencer à recevoir les touristes, mais aussi les Tunisiens résidant à l’étranger qui viennent passer les vacances dans leur pays natal.

Cette décision fait suite à un ensemble de mesures de préparation à la relance de la machine touristique, dont l’élaboration d’un guide de procédures sanitaires, qui devrait être adopté par tous les intervenants du secteur au démarrage de la saison estivale. Ce guide vise à assurer la sécurité des touristes ainsi que du personnel des hôtels. Il a été inspiré par les directives de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) pour la réouverture du secteur, qu’elles viennent de publier.

Par ailleurs, des mesures sanitaires et préventives ont été prises à l’aéroport Tunis-Carthage, principale porte d’entrée aérienne de la Tunisie. Pour vérifier leur mise en place, les ministres du Transport et du Tourisme ont effectué le 2 juin une visite d’inspection.

Lors de cette visite, Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme, a déclaré à Radio Express FM: «Nous sommes prêts, à quelques retouches près, à ouvrir les frontières. Cela nous aiderait à reprendre notre activité et à donner un message de confiance à nos partenaires. Aujourd’hui, avec le protocole sanitaire, n’importe quel touriste pourrait venir en Tunisie, sans aucune crainte pour sa sécurité.»

En attendant l’ouverture des frontières, seuls les vols de rapatriement de Tunisiens à l’étranger sont admis sur le tarmac de Tunis-Carthage. Ces citoyens tunisiens bloqués à l’étranger, souvent des semaines durant, sont astreints à sept jours de quarantaine obligatoire.

Après quoi, ils recouvrent leur liberté, tout en continuant à faire l’objet, chez eux et pendant une autre semaine, d’un suivi sanitaire strict. Aucun détail n’a toutefois été révélé sur les modalités d’accueil des touristes après le 27 juin.

Le pays reste tributaire de la décision de l’UE

La décision de rouvrir les frontières et les mesures qui l’ont précédée ont été accueillies positivement par certains observateurs, qui sont pourtant loin de croire que cela va résoudre tous les problèmes du secteur du tourisme.

Moez Kacem, expert international en tourisme, estime dans un entretien avec Sputnik que «la Tunisie est prête à ouvrir ses frontières grâce aux mesures déjà prises et cela représente un atout majeur. Sauf que la reprise du secteur n’est pas seulement tributaire de notre pays, mais aussi des pays partenaires et de nos marchés internationaux de tourisme. Il faut attendre de voir si eux aussi vont rouvrir leurs frontières ou pas».

L’expert cite l’Union européenne (UE), dont les frontières aériennes restent fermées au moins jusqu’au 15 juin.Il va falloir attendre sa décision officielle et celle des pays membres concernant leur éventuelle réouverture. Christophe Castaner, le ministre français de l’Intérieur, a déclaré le 7 mai dernier que les frontières de son pays avec les pays non européens «resteront fermées jusqu’à nouvel ordre».

«Il est nécessaire aussi d’attendre la décision des pays de l’Europe de l’Est, comme la Tchéquie ou la Pologne, qui représentent nos marchés traditionnels, pour voir s’ils ouvriront leurs frontières d’une manière bilatérale ou attendront la décision officielle de l’Union européenne», indique Moez Kacem.

Faut-il alors compter, pour la relance du secteur, sur le tourisme de voisinage avec l’Algérie et la Libye, sachant que de leur côté, les deux pays n’ont pas encore décidé d’ouvrir leurs frontières et n’ont pas jusque-là maîtrisé la pandémie?

«Si l’Algérie arrive à vaincre le virus d’ici mi-juin, on pourrait alors s’attendre à l’arrivée des touristes à partir de mi-juillet, de même pour la Libye», affirme l’expert.

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Reste le marché intérieur, et là aussi, il va falloir prendre en considération tous les changements du calendrier estival, avec la prolongation des périodes des cours et des examens pour les élèves des classes terminales et des étudiants jusqu’à fin juillet. En plus, avec les nouvelles mesures sanitaires, les hôtels ne pourront pas recevoir plus que 50% de leur capacité.

Tous ces facteurs auront certainement une incidence sur les recettes du secteur du tourisme, qui ont déjà durement accusé le coup des mesures de confinement. D’après la Banque centrale, les recettes touristiques ont baissé, au 10 mai, de 27% par rapport à la même période en 2019. Elles se situent autour d’un milliard de dinars (environ 312 millions d’euros).

«Il est difficile pour le moment d’avancer des pronostics concernant la reprise du secteur, mais si nous arrivons à avoir trois millions de touristes d’ici la fin de l’année, cela sera un bon résultat», espère Moez Kacem au micro de Sputnik.

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Un chiffre qui représenterait pourtant à peine le tiers des résultats obtenus en 2019, avec 9,4 millions de touristes. Mais le contexte est inédit et il est clair que la Tunisie devrait tirer profit de son avancée dans la lutte contre le coronavirus et de sa réussite à ouvrir rapidement ses frontières.

Le 31 mai, le magazine américain Forbes l’a classée parmi les sept destinations post-Covid les plus sûres pour les touristes dans le monde, à côté de l’Éthiopie, la Birmanie, l’Iran, la Géorgie, les Philippines et la Slovénie.

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Cette reconnaissance pourrait servir comme argument de promotion de la destination Tunisie. «Mais il va falloir faire tout un effort de communication à travers les représentations de l’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) à l’étranger et la diplomatie économique», précise Moez Kacem. D’ailleurs, le ministre du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, vient de publier une vidéo de promotion, baptisée «Ready and Safe», dans laquelle il présente le nouveau label tunisien pour assurer la sécurité des touristes, tout en les invitant à visiter la Tunisie.

Toutefois, la reprise progressive du secteur du tourisme ne devrait pas faire oublier la situation difficile des professionnels, malgré les mesures annoncées le 20 mai par le ministre du Tourisme au profit du secteur. Des mesures qui comprenaient la mise en place d’une ligne de crédit d’exploitation de 500 millions de dinars (environ 156 millions d’euros) et une ligne de financement de 300 millions de dinars (environ 93,7 millions d’euros). Elles font suite à une batterie de mesures qu’avait annoncée le chef du gouvernement, le 21 mars pour sauver la branche.

La Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien a organisé le 4 juin un sit-in de protestation, durant lequel elle a rappelé la situation catastrophique que vivent de nombreuses entreprises du secteur, dont les agences de voyages, qui sont à l’arrêt complet d’activité depuis le début de la crise en mars. Son président, Houssem Ben Azzouz, a réclamé au micro de radio Mosaïque FM «le report de toutes les échéances de crédit et des charges fiscales et sociales, d’autant plus que le secteur ne reprendra pas son activité normale avant une année.»

Rappelons que le secteur du tourisme emploie plus de 400.000 personnes en Tunisie. Il a fourni en 2019, environ 5 milliards de dinars de recettes (1,56 milliard d’euros).

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