Les Tunisiens qui ont dû passer l’Aïd chez eux, privés de visites familiales, vu l’interdiction de déplacements entre gouvernorats pour cause du covid-19, ont été scandalisés, en apprenant qu’un membre de gouvernement s’est affranchi, vraisemblablement, de cette obligation. Il s’agit du ministre de l’Energie et des Mines, Mongi Marzouk qui a publié le 30 mai un post Facebook dans lequel il a annoncé qu’il s’est déplacé en France pour visiter sa famille durant les vacances de l’Aïd, avec l’espoir de revenir quelques jours plus tard, mais son vol de retour a été annulé, ce qui l’a empêché de rentrer en Tunisie. Il a par ailleurs indiqué qu’il "continue de faire son travail à distance" et qu’il est "en contact permanent avec les cadres de son ministère pour suivre ses dossiers".
Le ministre aurait profité d’un des vols de rapatriement des Tunisiens à l’étranger pour se rendre en France.
Aussitôt le post publié, une vague d’indignation s’est déclenchée sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes ont vu dans l’attitude du ministre un «acte d’irresponsabilité politique», alors que les Tunisiens étaient contraints de respecter les consignes du confinement. Certains étaient même privés de voir des membres de leurs familles bloquées à l’étranger, depuis des mois à cause de la fermeture des frontières.
Les #tunisiens n'avaient pas le droit de rendre visite à leurs proches, mais le ministre Mongi Marzouk s'est permis d'aller voir sa famille en France. Un autre scandale qui s'ajoute à ceux d'Anour Maarouf, et de Salah Ben Youssef #Tunisie
— ⚫ JIupintu 🇹🇳🇨🇦 ⚪ (@Sobou1897) May 30, 2020
* Anouar Maarouf, c’est le ministre du Transport et Salah Ben Youssef, ministre de l’Industrie
Ma mère est bloquée aux États-Unis depuis plus de deux mois. Impossible d’obtenir une info fiable concernant un vol de rapatriement. Pendant ce temps, Mongi Marzouk fait fi de toute consigne, se rend à Paris, et sera sans doute rapatrié dans les prochains jours. Génial.
— Oussama Bel Aïba (@Ouss_BelAiba) June 1, 2020
Ce qu’a fait le ministre de l’energie Mongi marzouk est irresponsable , voyager en France alors que le citoyen n’a pas le droit de faire un déplacement interne ! Et alors qu’on a 36 mille problème au bassin minier ! Ça mérite le limogeage franchement ! #Tunisie #TnGov
— helmi attia (@helmiattia) May 30, 2020
Devant la vague d’indignation sur la toile, les réactions officielles n’ont pas tardé, afin de calmer les esprits.
La porte-parole du gouvernement, Asma Shiri, a précisé, lors de son intervention sur radio Mosaïque le 31 mai, que Mongi Marzouk «n’a pas pu regagner le pays à cause de la suspension des vols aériens et qu’il est en train de poursuivre son travail à distance», tout en annonçant «qu’il apportera des éclaircissements sur l’affaire, dès sur retour de la France».
Des déclarations qui n’ont fait qu’enfoncer encore le clou et attiser davantage les appels à la démission du ministre, mettant ainsi en cause le choix par Fakhfakh des personnes composant son cabinet. En effet, plusieurs internautes ont appelé ce dernier à limoger Mongi Marzouk.
Une partie stupide de mon cerveau attend qu’Elyes Fakhfakh limoge Mongi Marzouk ou que ce dernier présente sa démission.
— Mehdi M (@Bratchni) June 1, 2020
Malheureusement cette affaire sera oubliée dans quelques jours.
Dans un pays qui se respecte et respecte son peuple, Mongi Marzouk devrait recevoir son limogeage par Rapid' Poste.#Mayna
— Aïda Safi (@Aida_SAFI_) May 30, 2020
Adnane Belhajamor, analyste politique, s’indigne du comportement du ministre de l’Energie:
«D'abord quel exemple il donne à la population en passant outre la consigne du gouvernement à propos de la non circulation au-delà des limites de son gouvernorat pour des raisons personnelles. Secundo, quel sens de la responsabilité et quelle perspicacité lorsque l'on se déplace à l'étranger sans certitude de pouvoir être de retour à son pays et à son poste à la fin d'un congé de l'aïd qui dure trois jours. Ce monsieur devrait illico presto présenter sa démission au chef du gouvernement», souligne-t-il à Sputnik.
Certains préfèreront mettre l’accent sur une situation personnelle, d’un « commis de l’Etat » qui jusque-là aurait fait un sans faute. « Aucun passe-droit n’a été octroyé », insiste, par exemple, dans un statut facebook, un ancien haut fonctionnaire qui portait les couleurs du parti Ennahda.
Le cabinet de Fakhfakh mis en cause
L’affaire du ministre de l’Energie vient encore assombrir ce tableau. Et elle prend de l’ampleur d’autant plus que Mongi Marzouk était pressenti en octobre 2019, juste après les élections législatives et présidentielles, comme un des candidats potentiels pour être chef du gouvernement. L’homme est aussi réputé d’être proche du parti islamiste, Ennahda puisqu’il a fait partie des deux gouvernements de la troïka, de 2011 à 2014, où il était ministre de Technologies de l’Information et des Communications. Il a été aussi proposé comme ministre de l’Energie dans le gouvernement de Habib Jemili (chef de gouvernement désigné par Ennahda), mais qui n’a pas eu le vote de confiance finalement par le parlement.
Quelle que soit l’issue de cette affaire, elle a rappelé aux Tunisiens la récente affaire de Dominic Cummings, conseiller du premier ministre britannique, Boris Johnson qui a enfreint les règles du confinement, en allant chez ses parents à 400 km de Londres.