En Tunisie, le tourisme étranglé par la pandémie de coronavirus

© AFP 2024 FETHI BELAIDLa promenade du lac de Tunis désertée par les touristes, le 18 mars 2020.
La promenade du lac de Tunis désertée par les touristes, le 18 mars 2020. - Sputnik Afrique
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«C’est la crise la plus dure qu’ait jamais vécue le tourisme en Tunisie». C’est ainsi que le ministre du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, a résumé la situation alarmante du secteur à cause du coronavirus: des annulations de réservations en masse, un arrêt complet des transports aérien et maritime et des professionnels qui crient au désastre.

Jusque-là, il n’y pas d’estimation précise de l’ampleur des dégâts pour l’ensemble du secteur du tourisme, vital pour l’économie tunisienne, mais l’on sait qu’il est important. Le transport aérien a vu une baisse de ses recettes de 85%. Tous les vols ont été annulés après la fermeture des frontières maritimes et aériennes. Et plusieurs hôtels sont sur le point de fermer leurs portes.

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«Dans deux ou trois jours, les établissements seront vides. Cela signifie: pas de clients et donc pas de recettes», constate avec amertume Khaled Fakhfakh, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), dans une déclaration à Sputnik. Selon Moez Kacem, expert international en tourisme, interrogé par Sputnik:

«Les marchés européens, qui représentaient 64,2% de l’ensemble des nuitées et 29,6% des arrivées en 2019, vont être parmi les segments les plus touchés par cette crise sanitaire. Cependant, il ne faut pas oublier les 30.000 Chinois qui ne viendront pas cette année après tout ce qui s’est passé chez eux.»

Les professionnels s’alarment depuis le début de la crise et n’arrêtent pas de solliciter les autorités de trouver des solutions. L’épidémie est survenue dans une période de basse saison, mais si elle prolonge jusqu’au mois de mai, voire juin, la saison sera perdue.

Préserver les emplois

«Notre premier souci est de préserver les emplois», précise Khaled Fakhfakh. Mais ce n’est pas évident. Si les hôteliers ont de quoi payer les salaires de leurs employés pour la fin du mois de mars, il est fort possible qu’ils n’y parviennent pas le mois prochain. C’est ce qu’affirme à Sputnik Saadia Ben Amor, directrice générale d’un hôtel à Tunis qui dit avoir les moyens de payer ses 110 salariés pour ce mois-ci, mais pas pour celui d’avril.

«J’essaie de comprimer les frais en réduisant l’équipe qui travaille au strict minimum, mais l’hôtel est presque vide et nous n’avons pas de recettes. Si l’État ne prend pas de mesures pour aider les hôteliers et l’ensemble du secteur, il nous sera impossible de maintenir notre personnel pour les mois à venir», constate-t-elle.

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Une situation désastreuse pour le secteur du tourisme qui emploie plus de 400.000 personnes, dont une bonne partie risque de se trouver en chômage technique, voire à la rue.

Les choses ne se passent pas mieux du côté des agences de voyage dont l’activité s’est arrêtée complètement, selon les déclarations de Jabeur Ben Attouch, directeur de la Fédération tunisienne des agences de voyages et de tourisme (FTAV).

«Les agences de voyage ont avancé de l’argent aux tours opérateurs internationaux, aux fournisseurs et aux partenaires aériens, et elles ne peuvent pas faire de recouvrement actuellement vu la situation, ce qui les laisse sans revenus», a-t-il déclaré à Sputnik.

Les agences ont déjà perdu plus de 7 millions de dinars (2,2 millions d’euros) à cause de l’annulation des 42 vols de la Omra (petit pèlerinage à la Mecque) vers l’Arabie saoudite et elles ne sont pas au bout de leurs pertes, estimées à 20 millions de dinars (6,3 millions d’euros) jusqu’à présent, d’après Jabeur Ben Ben Attouch.

Des mesures d’urgence à prendre

Face à cette situation, les organisations professionnelles FTAV et FTH se sont mobilisées pour solliciter l’autorité de tutelle et le chef de gouvernement d’alléger les charges des professionnels du secteur.

Une requête à laquelle Elyes Fakhfakh, chef du gouvernement, a répondu samedi 21 mars, dans un discours aux Tunisiens. Il y a annoncé une batterie de mesures à caractère économique à destination des entreprises, notamment des PME, qui constituent la majorité du tissu entrepreneurial en Tunisie.

Fakhfakh a en effet ordonné le report du paiement des impôts et des charges sociales pour une période de trois mois et du paiement des crédits pour six mois, ainsi que le rééchelonnement des dettes fiscales et douanières sur sept ans.

Par ailleurs, et dans le souci d’aider les entreprises à reprendre leurs activités, le chef du gouvernement a mis en place un fonds doté de 700 millions de dinars (environ 222 millions d’euros) afin de financer la reprise de l’activité et une ligne de crédit de 500 millions de dinars (environ 159 millions d’euros) pour de nouveaux crédits destinés à la restructuration. L’objectif, selon ses déclarations, est de «préparer les entreprises économiques à reprendre un rythme de production normal après la sortie de crise.»

Malgré la crise, le ministre du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, veut rester optimiste. «Si cette crise finit au mois de mai, il est possible de se rattraper sur l’arrière-saison (septembre, octobre et novembre)», a-t-il déclaré à la radio Mosaïque Fm. Il affirme croire à la découverte d’un vaccin au coronavirus d’ici là.

Deux scénarios envisageables pour la Tunisie

Moez Kacem précise que «même s’il y avait une reprise dans l’arrière-saison, elle ne peut pas compenser les pertes de la haute saison. Elle pourrait néanmoins apporter une bulle d’oxygène pour les acteurs du tourisme qui va leur permettre de survivre et de couvrir une partie des charges fixes».

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D’ailleurs, l’expert table sur deux scénarios possibles pour le secteur du tourisme en Tunisie.

Première hypothèse: si l’épidémie est éradiquée d’ici à mi-avril, une reprise progressive est à envisager concernant les réservations pour le mois de juin. Dans ce cas, il estime que les pertes pourraient atteindre 2.000 millions de dinars (637 millions d’euros) sur l’année, avec une chute de 40% dans le nombre de nuitées répartie comme suit: Européens -50%, maghrébins -30%, Tunisiens résidant à l’étranger (TRE)-20% et résidents -10%.

Seconde hypothèse: si on vient à bout de l’épidémie au mois de juillet, alors le volume des pertes pourrait dépasser les 3.000 millions de dinars (955 millions d’euros) sur l’année, avec une baisse moyenne de 60% des nuitées. Une telle régression peut être composée ainsi: Européens -70%, maghrébins -50%, TRE -50% et résidents -10%, selon Moez Kacem.

De toutes les manières, «il ne faut pas parler en termes de chiffres et de performance en 2020, considère-t-il. C’est une année de sauvetage, voire de survie pour le secteur du tourisme et c’est valable pour tous les pays dans le monde.»

Rappelons qu’au 23 mars, la Tunisie a enregistré 89 cas de contamination au coronavirus et trois décès.

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