Le pouvoir de Yaoundé prépare-t-il une «succession de gré à gré» à la tête du Cameroun?

© AFP 2024 STEPHANE DE SAKUTINMaurice Kamto, leader de l'opposition camerounaise
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Le 1er juin, dans une déclaration au vitriol, l’opposant Maurice Kamto a alerté sur une passation de pouvoir de «gré à gré» en préparation dans le clan de Paul Biya. L’opposant camerounais annonce l’imminence de la manœuvre et met en garde le pouvoir de Yaoundé. Une déclaration qui relance le débat autour de la succession à la tête du pays.

La question de la succession à la tête du Cameroun, avec l’hypothèse d’une passation de pouvoir dans le clan de Paul Biya, est de plus en plus au centre de l’actualité au Cameroun. Alors que le pays est durement affecté par la pandémie de coronavirus, le sujet s’invite encore au cœur des débats.

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En effet, dans une allocution diffusée sur les réseaux sociaux, le lundi 1er juin, Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et principal challenger de Paul Biya, attire l’«attention sur les manœuvres visant à organiser la succession de gré à gré à la tête» du pays.

«Je puis vous dire aujourd’hui que les choses se précisent. Les artisans du gré à gré sont plus que jamais à l’œuvre. Par ce biais, ils veulent accélérer le cours de l’histoire à leurs fins, au mépris de toutes les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et des souffrances du peuple camerounais, je voulais dire de vos souffrances», a-t-il déclaré.

L’opposant qui revendique toujours sa «victoire volée» à la Présidentielle d’octobre 2018, dans laquelle il a été classé deuxième selon les résultats officiels, met en garde le pouvoir de Yaoundé contre cette manœuvre, qu’il affirme être en gestation.

«Qu’il soit clair pour tous: nous n’accepterons jamais aucune forme de succession de gré à gré à la tête de l’État», a martelé Maurice Kamto, qui a saisi l’occasion pour mobiliser ses partisans à se dresser «contre toute manipulation, même constitutionnelle, tendant à l’accession à la fonction suprême par des moyens autres qu’électifs», a-t-il clamé.

L’hypothèse d’un gré à gré est-elle envisageable au Cameroun ?

À 87 ans, le Président camerounais, au pouvoir depuis 1982, tient le gouvernail d’un pays déchiré par de violentes crises, dont la plus meurtrière est le conflit séparatiste dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

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En plus de cette situation conflictuelle, la bataille pour la succession au sommet de l’État qui agite le landerneau politique dresse les Camerounais les uns contre les autres. Beaucoup d’observateurs et d’acteurs politiques, comme Maurice Kamto, craignent une transmission du pouvoir de gré à gré dans le clan du Président Paul Biya.

Une hypothèse qui pour Frank Essi, secrétaire général du Cameroon people’s party (CPP), parti d’opposition, n’est pas à écarter. Selon l’homme politique, cette manœuvre est bien réelle et dure depuis «au moins 15 ans».

«L'enjeu principal au sein du parti au pouvoir, c'est d'une part, des manœuvres pour conserver le pouvoir après Biya, d'autre part, le positionnement pour la succession de Biya», dit-il à Sputnik, avant de souligner que le plus inquiétant cependant, «c'est l'absence d'un front fort en face pour faire échec à une transition qui profiterait au RDPC, en violation des exigences démocratiques.»

Dans le camp du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), le parti au pouvoir, la thèse d’une passation de pouvoir de gré à gré a déjà été longuement dénoncée. Dans une récente interview accordée à Sputnik, Grégoire Owona, ministre du Travail et secrétaire général adjoint du RDPC, précisait à ce sujet que «le pouvoir n’est pas un marché public pour qu’on parle de gré à gré».

«Parler de succession en démocratie est une escroquerie sémantique, car on ne succède pas en démocratie», a-t-il déclaré, précisant que «le Cameroun est une démocratie qui a des institutions légitimes qui fonctionnent dans le respect de la Constitution et les mécanismes sont prévus pour accéder à la magistrature suprême.»

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Interrogé par Sputnik sur la question, le Pr Alphonse Bernard Amougo MBarga, politologue et enseignant de sciences politiques à l’Université de Douala, estime qu’il est précipité et même incorrect de conclure à une alternance épousant la logique de gré à gré.

Il préfère s’appuyer sur les lois en vigueur, notamment «la Constitution du Cameroun [article 6 de la Constitution du 18 janvier 1996, ndlr] et aussi les articles 116 et suivants de la loi portant Code électoral déterminant les règles de la vacance du pouvoir à la présidence de la République»:

«La première de ces règles est l'élection consécutive à la fin de mandat du Président en exercice. La deuxième règle est la présidence par intérim assurée par le président du sénat en cas de vacance du Président en exercice soit par décès, démission ou autre incapacité constatée par le Conseil constitutionnel», détaille le spécialiste du droit à Sputnik.

La passation de pouvoir de gré à gré, Maurice Kamto l’a très souvent évoquée dans ses déclarations, si bien que l’on peut s’interroger sur les raisons d’une telle insistance. De l’avis de l’expert en sciences politiques, «à défaut de donner un contenu pertinent et substantiel à son concept de gré à gré, Maurice Kamto et ses partisans du MRC font du buzz politique.»

«Leur gré à gré est vide de sens. Cette sortie vise à combler leur absence sur l'échiquier politique national. Il faut trouver un moyen de meubler le temps jusqu'en 2025. Même en cas d'élection présidentielle anticipée, le MRC est hors course conformément aux dispositions du Code électoral que je viens d'évoquer. Les institutions républicaines ont construit et défini les règles de la dévolution du pouvoir», tranche-t-il.

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Alors que le sujet refait surface et bat son plein, dans son allocution, Maurice Kamto prévient que l’organisation de nouvelles élections populaires au Cameroun ne saurait être envisageable sans que soient remplis deux préalables majeurs: «la résolution du conflit armé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et la réforme consensuelle du système électoral».

Des préalables partagés par le CPP. Le parti évoque l’urgence d’une «transition politique comme solution pertinente» aux crises que traverse le pays.

«Et cette transition comporte la démission et le départ du régime actuel. C’est un préalable nécessaire pour nous permettre de sortir des griffes d’un système corrompu en lesquelles camerounais n’ont plus confiance», déclare Frank Essi, le secrétaire général de ce parti, à Sputnik.

Si toutes les hypothèses avancées jusqu’ici sont dans le champ du possible, la bataille s’annonce rude face à la machine du parti au pouvoir. Alors que le pays est déjà sérieusement divisé et son unité mise à rude épreuve, beaucoup craignent une bataille pour le fauteuil présidentiel, qui pourrait être source d’un nouveau conflit.

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