En Tunisie: un drôle d’Aïd el-Fitr dicté par la crise sanitaire

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Cette année, la Tunisie a célébré un Aïd el-Fitr différent à cause de la crise sanitaire. Les prières ont été interdites, ainsi que les déplacements entre gouvernorats pour les visites familiales. Bref, un Aïd triste qui n’avait aucune allure de fête!

Après un ramadan inhabituel, sans sorties et prières nocturnes, pour cause de confinement et de couvre-feu, voilà un Aïd el-Fitr insolite, mettant les Tunisiens encore une fois devant la réalité de la crise sanitaire qui continue à bouleverser leurs modes de vie. Et bien que la crise semble s’estomper avec un bilan pas très lourd (1.051 cas, 48 décès et 917 rétablissements), si l’on compare à d’autres pays, les autorités ont maintenu un niveau de vigilance élevé et ont pris des mesures strictes.

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Le ministère de l’Intérieur a proscrit les déplacements entre gouvernorats, même pour les personnes ayant des autorisations. Il y a eu aussi un prolongement de l’interdiction de l’ouverture des mosquées, des cafés et des restaurants jusqu’au 4 juin, comme prévu dans le plan de déconfinement progressif. Celui-ci a commencé le 4 mai, sur trois phases, et la deuxième phase débutait le jour même de l’Aïd, le 24 mai. Tout annonçait donc une célébration de cette fête, si importante pour les Tunisiens après un mois de jeûne, dans une ambiance particulière.

Le moment clé de cette journée est la prière collective qui se fait normalement dans les mosquées. Le mufti de la République (haute autorité religieuse) avait décrété, quelques jours auparavant, une fatwa permettant de la faire d’une façon «individuelle ou collective», mais «chez soi». Un fait inédit!

Zina, 69 ans, retraitée, a dû donc s’acquitter de cette recommandation religieuse à la maison avec son frère, «comme l’avait bien précisé le mufti».

«C’est une situation un peu bizarre, mais que faire? Pourvu que nous restions en bonne santé et que nous évitions la contamination!»

Pour alléger la frustration de millions de Tunisiens n’ayant pu faire la prière de l’Aïd à la mosquée, la Télévision tunisienne a diffusé en direct le rituel de cette prière, pratiqué avec très peu de gens, dans le respect des exigences de la distanciation sociale.

Deuxième fait inhabituel dans cet Aïd: les rues désertes de Tunis et certaines grandes villes. Cette fête est normalement l’occasion de sortir de chez soi afin de rendre visite aux membres de la famille, ou encore emmener les enfants dans les manèges et les parcs avec leurs nouveaux habits de l’Aïd pour se divertir. Rien de tout cela n’a eu lieu. Les rues de la capitale sont restées désertes, même la mythique avenue Habib Bourguiba ou la place du Port de France à l’entrée de la Médina de Tunis (vieille ville), seuls quelques pigeons paradaient. Du jamais-vu pour une journée d’Aïd!

Avec l’interdiction des déplacements entre gouvernorats, beaucoup de Tunisiens et de Tunisiennes ont dû célébrer cette fête seuls, loin de leur famille.

Sana Mejri, journaliste, a écrit dans un post sur Facebook: «C’est le premier Aïd que je passe loin de ma famille, le premier Aïd, où je ne mange pas la "Mloukhia" (plat typique cuisiné pendant l’Aïd, et où j’ai le temps de répondre aux vœux.»

 

 «L’Aïd de cette année est différent. Je n’ai pas pu aller au cimetière me recueillir sur la tombe de ma mère, comme d’habitude. J’ai évité de trop m’approcher de mes enfants afin de bannir tout risque de contamination. Bref, cette fête a perdu complètement son goût», a déclaré de son côté Tarek Garouachi, cadre au ministère de l’Éducation.

Il regrette que beaucoup de Tunisiens n’aient pas respecté les procédures de prévention du coronavirus, comme lui. «Certains ont pris le risque de se déplacer d’un gouvernorat à un autre pour visiter leurs familles, malgré l’interdiction. Je me demande où sont les autorités?», s’interroge-t-il.

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D’ailleurs, plusieurs Tunisiens ont posté leurs photos sur Facebook auprès de leurs proches dans leur ville ou village d’origine. Une manière d’afficher leur fierté d’avoir défié un interdit!

D’autres ont choisi de braver une autre interdiction, celle d’aller à la mer et de se baigner. La déclaration du ministre de la Santé, Abdellatfi Mekki le 17 mai, prohibant la baignade à la plage jusqu’à nouvel ordre, a suscité la polémique auprès des Tunisiens, à l’approche de l’été. Il a fallu l’intervention du ministre du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, le lendemain pour expliquer qu’il n’y avait aucun risque de contamination par le virus à travers la baignade en mer ou en piscine et que son collègue voulait plutôt parler des attroupements sur les plages.

Dans tous les cas, les Tunisiens n’ont pas tous tenu compte des déclarations des officiels et certains ont profité des vacances de l’Aïd pour aller se rafraîchir en mer. C’est ce qu’affirme l’artiste Mohamed Chalbi, dans un post sur Facebook.

Ainsi, passé l’Aïd et le ramadan, qui se sont déroulés cette année dans des conditions exceptionnelles, les Tunisiens attendent avec impatience l’ouverture le 4 juin des cafés, des restaurants et des mosquées afin de pouvoir reprendre finalement une vie presque «normale». Cependant, les autorités ont mis en garde la population de la possibilité de revenir au confinement total en cas de régression de la situation sanitaire du pays.

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