«À la fois, on réduit les libertés, et à la fois le gouvernement prétend trier le bon média du mauvais média: il y en a qui font de la désinformation et de l’intox. Quand on regarde bien les choses, pour eux, l’intox commence dès que l’on émet un avis un petit peu critique et que l’on débat.»
Didier Maïsto, président de Sud Radio, se réjouit ainsi de la suppression le 5 mai dernier, sur le site du gouvernement, du service controversé «Désinfox coronavirus», une rubrique qui recensait des articles de «fact-checking» sur le Covid-19 provenant des médias Franceinfo, Libération, 20 Minutes, Le Monde et l'Agence France-Presse. Dénoncée comme liberticide, l’initiative avait soulevé un tollé auprès de la plupart des rédactions françaises, le SNJ (syndicat national des journalistes) ayant même saisi en référé le Conseil d’État.
À l’occasion de la récente publication de son livre Passager clandestin (Ed. Au Diable Vauvert), Sputnik a interrogé le journaliste sur la crise sanitaire, les responsabilités de l’exécutif et la revalorisation des Gilets jaunes «au front» face au Covid-19.
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«On ne peut pas dire qu’on ait bien géré cette crise»
Ne s’embarrassant pas d’euphémismes, Didier Maïsto n’y va pas par quatre chemins pour qualifier la communication du gouvernement depuis l’arrivée de l’épidémie.
«On a été tout au long du processus, quand le coronavirus s’est déclaré, dans un mensonge d’État permanent dont un des porteurs a été Jérôme Salomon.»
Alors que la France compte 25.809 victimes du coronavirus au 7 mai, celle-ci se prépare à un déconfinement progressif dès le 11 mai. Pour le journaliste, «on ne peut pas dire qu’on ait bien géré cette crise», celui-ci remarquant que les pays ayant appliqué une politique de confinement des plus draconiennes comme l’Italie, l’Espagne ou la France «sont en tête par million d’habitants pour les personnes contaminées et le nombre de morts».
«Je suis un peu mal à l’aise face aux applaudissements à 20h»
Il s’inspire ainsi de la thèse développée dans Le Figaro par Jérôme Fourquet, de l’IFOP, qui met en exergue la coïncidence sociologique entre ceux qui continuent à travailler, «aides-soignants, infirmiers et infirmières, caissières, éboueurs, TPE, artisans et routiers», et le mouvement des Gilets jaunes. Malgré le confinement, ceux-ci ont fait en sorte que le pays «continue de fonctionner pour les besoins essentiels».
«J’ai expliqué qu’un jour, les Gilets jaunes, à la faveur d’une crise, seraient les héros de la nation. Je ne pensais pas que cela arriverait aussi vite. On les a appelés ‘’les premiers de tranchée’’. Il y a un peu d’hypocrisie quand même, je suis un peu mal à l’aise face aux applaudissements à 20h, tout le monde s’exonère à bon compte. C’est comme après un attentat, on dépose des bougies et on écrit des livres en disant que ‘’vous n’aurez pas ma haine’’.»
Fait plutôt rare parmi les patrons de presse, Didier Maïsto est de nombreuses fois allé sur le terrain, marcher aux côtés des Gilets jaunes pour expliquer au mieux leur combat. Devenu proche notamment de Jérôme Rodrigues, invitant en studio Maxime Nicolle et Priscillia Ludosky, il a permis à Sud Radio de devenir un des médias les plus en vogue auprès du mouvement de contestation.
Il débute d’ailleurs son livre en partageant un texte écrit d’une traite le 14 décembre 2018, intitulé «Je suis vulgaire comme un Gilet jaune», où il clame sa passion pour le mouvement.
«J’ai voulu être le témoin rigoureux et permanent de ce qui se passait au sein du mouvement et de la répression d’État, tout à fait inédite depuis la guerre d’Algérie, dont auront été victimes ces gens et leur famille, des arrestations arbitraires, du zèle des parquets et des magistrats.»
Il ne tente même pas de cacher ses opinions politiques, ne rougissant pas devant le qualificatif de «souverainiste» et se souvenant du discours «magnifique» de Philippe Séguin à la tribune de l’Assemblée nationale en 1992, «qui expliquait ce que nous obtiendrions en votant pour Maastricht. Il aura eu raison du début à la fin».
«L’Europe n’existe pas. L’Europe c’est une union de peuples, c’est une civilisation»
Les velléités du monde d’après, les tentatives de se réinventer de la part d’Emmanuel Macron, il n’y croit guère.
«Il faut prendre ça avec un peu de recul. M. Sarkozy, après la crise de 2008, avait eu une tirade sur le capitalisme, on s’en souvient tous. Ça avait duré trois semaines et c’était reparti de plus belle (…) J’ai entendu le Président de la République, il y a une quinzaine de jours, parler de souveraineté européenne. L’Europe n’existe pas. L’Europe c’est une union de peuples, c’est une civilisation, c’est une culture.»
«Tout simplement, quand on fait du débat, quand on aborde tous les sujets, on essaie d’avoir du recul, de la hauteur de vue sans lancer justement des admonestations et des oukases, la seule réponse des médias mainstream. On l’a vu avec cette page Internet du gouvernement: il y a les bons médias et il y a les mauvais médias.»