Aide étrangère face au Covid-19: «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique»

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De la production massive de masques au Maroc à la recherche scientifique à Dakar, l’Afrique gère la crise du Covid-19 à sa manière. L’aide promise par la France et l’UE est-elle nécessaire ou une tentative d’ingérence? Décryptage de Brahim Fassi-Fihri, président de l’Institut Amadeus, un think tank marocain, au micro de Rachel Marsden.

L’Afrique a-t-elle vraiment besoin de plus d’intervention étrangère sous prétexte de l’aider à lutter contre le coronavirus? Il semble que pour la France et l’Europe, tout est prétexte à justifier une ingérence encore plus grande dans les affaires africaines.
 

C’est en effet au motif de la pandémie de Covid-19 qu’Emmanuel Macron a appelé à un moratoire sur la dette africaine. Lors d’une récente allocution, le Président de la République a déclaré: «Nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette». Mais à qui l’Afrique est-elle vraiment redevable? À la France? Macron est-il seulement en mesure de faire une telle promesse? La Commission européenne a également annoncé garantir 15 milliards d’euros d’aide et de prêts pour les pays les plus vulnérables, dont 90% sont situés en Afrique.
 
Jean-Yves Le Drian, French Minister for Europe and Foreign Affairs - Sputnik Afrique
Aide française à l’Afrique: élan de générosité ou arrière-pensée géopolitique?
Ce continent a-t-il vraiment besoin de ce type d’aide, dont la facture risque d’arriver plus tard sous une forme ou une autre? Brahim Fassi-Fihri, président fondateur de l’Institut Amadeus, un think tank marocain, décrit la réponse industrielle du Maroc à la crise sanitaire: 

«Le Maroc a très vite mis en place une stratégie de souveraineté industrielle de production de masques, à travers une mobilisation générale des industries et également de son artisanat. Très vite, le Maroc s’est mis à produire d’abord deux millions de masques par jour, puis trois millions, puis cinq millions, puis aujourd’hui sept millions de masques qui sont produits tous les jours au Maroc, avec l’ambition d’arriver à 10 millions de masques produits dès les prochaines semaines.
Il faut dire qu’à peu près depuis trois semaines, près de 100 millions de masques ont été produits et distribués aux Marocains, [le Maroc, pays, ndlr] où le port du masque à l’extérieur est rendu obligatoire depuis le 7 avril.» 

Fassi-Fihri évoque également d’autres initiatives en cours sur le continent africain pour lutter contre la maladie d’une manière souveraine: 

«L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique. Je pense qu’il y a des solutions africaines pertinentes qui méritent d’être davantage connues et reconnues. Par exemple, l’Institut Pasteur de Dakar, au Sénégal, est en train de lancer la production massive de tests de dépistage rapide, moins de 10 minutes, pour un prix autour d’un euro, ce qui serait extraordinaire.» 

L’expert réagit également aux propositions financières provenant d’Europe, notamment les 15 milliards d’euros débloqués par l’Union européenne pour l’Afrique dans le contexte de la lutte contre la pandémie, une somme qui ne représenterait selon lui «que 10% de ses besoins». Il commente aussi la proposition de moratoire d’Emmanuel Macron:

«La dette africaine est aujourd’hui estimée à environ 236 milliards de dollars, ce qui est important, notamment compte tenu des besoins actuels de l’Afrique, qui sont estimés à près de 200 milliards de dollars sur le plan sanitaire et sur le plan économique.
Il faut savoir que sur ces 236 milliards, 145 milliards sont redevables à la Chine. Donc cette dette est un enjeu important pour le continent africain. C’est pour ça que le moratoire du remboursement de la dette est essentiel en cette période de crise, parce que huit milliards de dollars de remboursement à échéance 2020 doivent être injectés par les économies et les États africains en matière de mise à niveau sanitaire et en matière de relance de leur économie, qui est aujourd’hui en crise.»
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