Les historiens rappellent qu’au printemps 1945, les communistes sont en train de devenir, tout simplement, le premier parti de France. Alors que la guerre n’est pas encore officiellement terminée, les élections municipales font exploser la représentation territoriale du Parti Communiste Français (PCF). On peut déceler plusieurs raisons à cette poussée, dans la «banlieue rouge» comme dans les terres plus rurales, qui a été favorisée par l’implication massive des communistes dans la Résistance après le 22 juin 1941. L’effet émotionnel des victoires de l’Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale n’est pas le moindre facteur de ce succès, confirme à Sputnik Annie Lacroix-Riz, historienne et professeur d’Histoire contemporaine.
«Les victoires et les défaites de l’Union soviétique avaient une énorme importance pour le mouvement communiste et le mouvement radical ouvrier en France ou ailleurs en Europe», affirme Annie Lacroix-Riz.
«Il est clair que l’Union soviétique a joué un rôle considérable dans la transformation du mouvement ouvrier de l’entre-deux-guerres», certifie Annie Lacroix-Riz.
Mais, insiste l’historienne, «les mouvements ouvriers se sont renforcés en France, non exclusivement parce que les Soviets les ont aidés», mais parce que «la conjoncture a été très dure» pour eux. Le parti communiste s’est «considérablement» renforcé en France en 1934-37, dès lors que ses cadres et militants ont été en mesure «d’animer une agitation sociale à laquelle ils ont beaucoup contribué», avec leurs 72 députés communistes au sein de l’Assemblée nationale de mai 1936 à avril 1938.
Un éveil patriotique au sein du Parti communiste français
«C’est avec tout ce passé que l’on pourrait comprendre le courage extraordinaire des communistes dans la Résistance et de sa partie active –les Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Aucun d’eux ne fait de distinguo entre son pays et l’URSS», développe Annie Lacroix-Riz.
D’après l’historienne, de nombreux militants à l’époque proclamaient qu’ils «mourraient pour leur Patrie française» et (!) pour l’Union soviétique. Dans un pays comme la France, à partir de 1940-41 et «surtout de 1943, avec l’instauration du Service du travail de obligatoire» (STO), quand la Résistance «s’est massifiée», se développe un «attachement profond» au patriotisme.
«Cet écho [de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, ndlr] est beaucoup plus général que celui qui retentit uniquement au sein du PCF», souligne Annie Lacroix-Riz.
L’historienne insiste sur le «calendrier» de la prise de conscience de l’Occident dans l’analyse de la situation sur le front de l’Est.
«Avec la victoire de 1945, le prestige de l’URSS rejaillit sur le PCF»
Elle cite ainsi une lettre du général Doyen à Pétain, qui dit à mi-juillet 1941 que «si cette Blitzkrieg dure encore un peu, l’Allemagne est morte». Pour l’historienne, les dés sont jetés «à partir de l’attaque contre l’Union soviétique et de sa féroce résistance, notée par nos chefs militaires dès juillet 1941.»
«Tout le monde croit que le tournant [de la guerre, ndlr], c’est Stalingrad. Non, le tournant, c’est l’effondrement de la Blitzkrieg dans les trois semaines qui suivent l’assaut. Je démontre par des documents absolument irréfutables que notre haut état-major a compris que cette incroyable résistance soviétique allait valoir une défaite à l’Allemagne», précise Annie Lacroix-Riz.
«Avec la victoire de 1945, le prestige de l’URSS rejaillit sur le PCF, lequel lui-même a diverses raisons d’avoir acquis du prestige. La Résistance active s’est confondue avec les groupes FTP, qu’ils soient français ou provenant de populations réprimées, des militants italiens, juifs polonais», raconte Annie Lacroix-Riz.
«Le mouvement communiste français a été lié à la poussée progressiste, en cohérence avec l’existence de la classe combattante ouvrière soviétique. Tout cela a connu un véritable effondrement pendant les dernières décennies», conclut amèrement Annie Lacroix-Riz.