«La course est toujours en cours pour un test de 1.800 dollars.»
Dans une chronique pour le site Investing.com, Barani Krishnan, écrivain et journaliste spécialisé dans les marchés des matières premières, évoque la possibilité de voir le prix de l’once d’or dépasser le seuil des 1.800 dollars dans la semaine du 27 avril. Il s’agirait d’un montant inédit depuis de nombreuses années.
L’épidémie de coronavirus, désormais responsable de plus de 211.000 décès à travers le globe, a quasiment mis l’économie mondiale à l’arrêt. S’il est impossible de connaître avec précision l’ampleur de la déflagration à venir, elle sera quoi qu’il arrive terrible. Le 8 avril, la Banque de France publiait un bulletin annonçant un recul du produit intérieur brut (PIB) de 6% au premier trimestre 2020, la pire performance depuis 1945. Aux États-Unis, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont récemment évolué à des niveaux record. Et ces pays sont loin d’être des exceptions.
Bank of America a élevé ses prévisions du cours de l'or à 18 mois à 3000 $ l’once - plus de 50 % au-dessus du record historique à un peu ➖ de 2000$, dans un rapport intitulé :
— Étalon OR (@OrEtalon) April 21, 2020
«𝑳𝒂 𝑭𝒆𝒅 𝒏𝒆 𝒑𝒆𝒖𝒕 𝒑𝒂𝒔 𝒊𝒎𝒑𝒓𝒊𝒎𝒆𝒓 𝒅𝒆 𝒍’𝒐𝒓».https://t.co/aqrhJ9yLJ7
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Un tel contexte est propice à une accélération de la montée des cours de l’or. Le mois d’avril a vu le prix de l’once dépasser les 1.700 dollars après avoir atteint un prix record en sept ans. Bientôt 1.800? C’est ce que pense Philippe Herlin, docteur en économie du Conservatoire national des Arts et Métiers et chroniqueur pour Or.fr:
«Vous avez une multiplication des planches à billets actuellement à travers la planète et une telle politique de la part des Banques centrales va forcément participer à faire grimper les prix de l’or. L’or ne s’imprime pas. Il va de plus en plus jouer son rôle de valeur refuge face à ces injections de liquidité colossales.»
Afin d’amortir le choc provoqué par l’épidémie de coronavirus et son impact sur l’activité économique, de nombreuses Banques centrales ont décidé de dégainer des centaines, voire des milliers de milliards de dollars. C’est notamment le cas de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui injecte quotidiennement des montants colossaux dans les marchés ou de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui, le 19 mars dernier, a mis en place un programme de rachat d’actifs pour 750 milliards d’Euros, qui porte désormais l’aide de la BCE à plus de 1.000 milliards d’euros.
Le Napoléon, plus coté que jamais
Et l’action des Banques centrales est à ajouter à celles mises en place par les États. En France, plus de 100 milliards d’euros seront mis sur la table.
Un chiffre très inférieur aux 2.000 milliards de dollars proposés par Donald Trump afin de venir en aides aux salariés, hôpitaux et entreprises. En Allemagne, le Parlement est allé jusqu’à revenir sur les limitations prévues dans la Constitution afin de débloquer environ 1.100 milliards d’euros, là encore pour notamment soutenir salariés, entreprises et collectivités.
Pour Philippe Herlin, le fait que le prix de l’once évolue actuellement à plus de 1.570 euros, un niveau record, est bien le signe que les investisseurs ont intégré la dimension «valeur refuge» de l’or en ces temps de crise:
«Il ne faut pas regarder que le prix en dollars, mais aussi en euros. Et là, on s’aperçoit qu’il évolue actuellement à un prix record. Les États-Unis sont un peu en retard, car ils n’ont toujours pas battu le record de septembre 2011 à 1.921 dollars. Mais on y arrive.»
Il prend notamment l’exemple du Napoléon, placement en or préféré des Français: «Il n’avait jamais dépassé les 300 euros avant la mise en place du confinement en France et il évolue actuellement à plus de 328 euros.
La Russie cesse ses achats d’or
C’est bien le signe que le métal jaune joue son rôle de valeur refuge en temps de crise et je pense qu’il continuera à le faire.»
«Je considère qu’aujourd’hui, l’or n’est pas cher. On a tendance à sous-estimer son potentiel en temps de crise et ce que l’on vit actuellement est inédit, notamment de par l’action des Banques centrales et l’ampleur de leurs planches à billets. Je rappelle que le prix d’une once d’or en 2000 était inférieur à 400 dollars, pour dépasser les 1.900 dollars 11 ans plus tard. Selon moi, nous sommes partis pour une longue période de hausse du prix de l’or», poursuit-il.
Certains observateurs ne partagent pas l’avis de Philippe Herlin. C’est notamment le cas de Michael Norman, ancien négociant du Crédit suisse et fondateur de Mike Norman Economics. D’après ce dernier, une nouvelle sur le front économique est de nature à bouleverser la donne.
Si Moscou a récemment décidé de délivrer aux compagnies exportant de l'or des licences au lieu d'autorisations ponctuelles, l'information majeure est venue de la Banque centrale russe. Cette dernière, l’un des plus grands acheteurs d’or au monde avec 40 milliards de dollars en lingots accumulés ces cinq dernières années, a décidé de mettre un terme à ses achats. Une décision effective au 1er avril, d’après Bloomberg.
«Le retrait de la Russie sur l’or est une affaire importante», assure Michael Normal dans des propos rapportés par Investing.com.
La majorité des observateurs s’accordent à dire que la chute drastique des prix du pétrole a poussé Moscou à prendre une telle décision. Le 28 avril, le prix du Brent évoluait autour des 20 dollars, un chiffre… très faible.
«Alors que l’on peut affirmer que le pire effondrement de la demande de l’histoire du pétrole est davantage dû à la pandémie de coronavirus et aux hausses de production inopportunes de Riyad qu’à la sortie de la Russie du pacte OPEP+, le Kremlin s’est maintenant retiré de tout achat de lingots d’or– donnant ainsi aux investisseurs en or une chance de découvrir l’influence qu’il exerce ou non sur les prix du métal jaune», analyse Barani Krishnan pour Investing.com.
«Je pense vraiment que nous pourrions voir l’or descendre dans les 1.300$, peut-être à 1.370-1.380 $», explique Mike Norman, cité par Investing.com. Un avis loin d’être partagé par Philippe Herlin qui conseille toujours d’acheter de l’or:
«Je ne pense pas que ce soit un événement d’une importance capitale pour le marché. La Banque centrale russe est acheteuse ces dernières années, comme beaucoup de ses pareilles à travers la planète depuis la crise de 2.008, et il me semble que cet arrêt des achats n’est que temporaire. La Russie a simplement d’autres priorités que les achats d’or, notamment celui de soutenir le rouble, qui est mis en grande difficulté par la chute des prix du pétrole, source de revenus principale pour Moscou.»
Bank of America, célèbre firme basée aux États-Unis, semble de l’avis de Philippe Herlin. Elle a récemment relevé sa prévision à 18 mois pour l’or à… 3.000 dollars l’once. Un record.