«Je ne crois pas à la disparition du cash. En revanche, les tentatives pour en limiter l’usage vont se multiplier.»
Philippe Béchade, président des Éconoclastes, sent bien que la crise sanitaire que vit actuellement la planète met en danger le cash, sans toutefois croire à sa disparition. Ce n’est pas encore le cas, même si certains magasins en Europe commencent à prendre leurs précautions. Avec plus de 75.000 morts, dont environ 54.000 en Europe, la pandémie de coronavirus met le monde face à une catastrophe sanitaire d’une ampleur colossale. De quoi forcer à la prudence.
Une partie de la population exclue?
Comme le relèvent nos confrères du quotidien suisse Le Temps, dans la banlieue de Zurich, une pharmacie a tout simplement interdit les paiements en cash. Et cette initiative est loin d’être isolée. En France aussi, les billets de banque n’ont pas la côte, comme le rappelle le journal La Croix:
«Chez certains commerçants, y compris dans de petits magasins, on voit fleurir des affiches pour privilégier les paiements par carte bancaire, voire interdire les achats en espèces. D’eux-mêmes, des consommateurs préfèrent payer par carte, si possible sans contact, pour n’avoir pas à toucher le terminal de paiement.»
Début mars, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelait à privilégier les paiements par carte «sans contact». Reste que de l’aveu même de l’organisme, la durée de survie du virus sur un billet de banque n’est pas exactement connue. D’après la porte-parole de l’OMS, elle ne dépasserait pas 120 minutes. Même son de cloche du côté de la Banque de France:
«Jusqu’à présent, il n’existe aucune preuve que des virus tels que le coronavirus aient été propagés par les billets de banque.»
Dans le climat anxiogène actuel, même un faible risque entraîne donc des mesures drastiques de la part de certains commerçants. Quitte à entrer dans l’illégalité. Sauf dans de très rares cas, en France, un commerçant n’est pas en droit de refuser un billet ou une pièce en euros.
Le #coronavirus porte un sérieux coup à l'amour des Allemands pour le #cash : les paiements par carte sans contact s'envolent en mars. #paiement https://t.co/BGZ22bGtin
— Ninon Renaud (@NinonRenaud) March 26, 2020
D’autant que les conséquences d’un arrêt de l’utilisation du cash seraient énormes, comme le rappelle Philippe Béchade. D’après le président des Éconoclastes, les banques seraient les grandes gagnantes d’un monde sans cash:
«Toute transaction électronique donne lieu à des commissions. Chacune d’entre elles fournit un petit quelque chose aux banques. La fin du cash est le rêve des banquiers.»
Et de poursuivre: «Les banques pourront contrôler exactement ce que leurs clients consomment et à quelle fréquence. Imaginez le cas où un client discute de l’obtention d’un prêt avec son banquer et que ce dernier a accès à des informations qui montrent que ce même client a récemment rendu visite à un oncologue, est passé par un centre de scanner et est allé plusieurs fois à la pharmacie acheter des produits très chers. De là à faire le rapprochement avec un traitement cancéreux, il n’y a qu’un pas, qui va suffire à faire sauter le prêt.»
D’autant plus que plusieurs associations alertent sur l’exclusion d’une partie de la population que provoquerait un monde sans cash. En France, l’interfédération PJM (protection juridique des majeurs), qui regroupe la Fédération des associations tutélaires (FNAT), l’Union des associations familiales (UNAF) et l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (UNAPEI) a publié un communiqué diffusé le 30 mars, dans lequel elle estimait que «les nécessaires mesures de lutte contre la propagation du virus ne doivent pas faire oublier que 5% de nos concitoyens n’ont pas de carte de paiement ni de carte de retrait. Ils ne peuvent régler leurs achats qu’en espèces et ont besoin d’avoir accès à un guichet pour retirer de l’argent.»
Philippe Béchade relève un autre danger d’une disparition possible du cash: celui de la toute-puissance des banques:
«Sans cash, il n’existe plus d’autre option que d’avoir ses liquidités sous forme d’inscription numérique, que l’on peut vous confisquer du jour au lendemain d’un clic de souris.»
Le président des Éconoclastes insiste sur le danger d’un certain totalitarisme des institutions financières en cas de disparition du cash:
«La vie privée me paraît fondamentale. Sans possibilité de payer en cash, les banques auront énormément d’informations sur vous. On pourra savoir que vous êtes un amateur de whisky si vous vous rendez en acheter chez le caviste. Et que va-t-on faire de cette information? Les banquiers pourront très bien se dire que cette habitude de consommation est susceptible d’entraîner des problèmes de santé. Celui qui mange des légumes bio aura son prêt, au contraire de l’hédoniste?