«La solidarité européenne est un mirage. L’Union européenne ne crée pas d’argent, ce qu’elle a, ce sont soit les contributions des États membres, soit ce qu’elle parvient à emprunter sur les marchés. Comment peut-elle donc venir en aide à quiconque?» s’interroge Vincent Brousseau au micro de Sputnik.
Ancien économiste à la Banque centrale européenne et actuel responsable national de l’UPR en charge des questions monétaires, Vincent Brousseau ne croit pas que l’UE puisse sauver l’Europe.
C’est pourtant la mission que s’est fixée la réunion d’urgence du Conseil de l’Europe qui s’est tenue ce 23 avril en visioconférence. Déjà très fragilisés à l’entrée de la crise du coronavirus, les Européens essayent, malgré toutes leurs divergences, d’afficher une solidarité européenne concrète pour sortir de cette crise économique engendrée par l’épidémie et ses conséquences.
Si ce Conseil de l’Europe a accouché d’une feuille de route incluant un mécanisme de solidarité européen, comme souvent avec l’Union européenne, le diable se cache dans les détails:
«Personne ne conteste le besoin d’une réponse commune, mais des désaccords demeurent sur les mécanismes à mettre en place», explique Emmanuel Macron, ajoutant qu’il «y a des États dont la psychologique profonde et les contraintes politiques justifient des positions très dures.»
En effet, cette réunion a permis de se mettre d’accord sur l’idée d’un fonds de solidarité européen pour permettre aux économies de la zone de se relancer. Néanmoins, tout reste à négocier au niveau technique: à quelle hauteur doit s’élever ce fonds? Comment le financer?
Toujours plus de dette?
Selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le nouveau fonds doit s’intégrer dans le prochain cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire le budget de l’Union européenne (UE) pour la période 2021-2027, qui pourrait servir de garantie pour lever des capitaux sur les marchés. Une solution désapprouvée par Emmanuel Macron, qui suggère d’utiliser ce fonds pour des subventions, et non des prêts.
«Si [la solution], c’est que l’Europe s’endette pour faire des prêts à des pays, la réponse ne sera pas à la hauteur, car ces prêts s’ajouteront aux dettes que ces États ont déjà! Ils auront simplement un prêt de plus, pas avec le marché, mais avec le reste de l’Europe», s’inquiète Emmanuel Macron dans un point presse à l’issue de ce Conseil de l’Europe.
L’Italie et l’Espagne, les deux pays les plus touchés par le Covid-19 en Europe, souhaitent un fond s’élevant à 1.500 milliards d’euros qui ne passe pas par un mécanisme de prêts. La France aurait pour sa part avancé le montant de 1.000 milliards d’euros pour ce fonds de solidarité. Une idée à laquelle les pays du nord de l’Europe restent hostiles.
Une solidarité européenne inatteignable?
Vincent Brousseau, responsable national de l’UPR, le parti qui prône le Frexit, partage pour une fois l’avis du Président de la République: ajouter de la dette à la dette ne réglera pas le problème.
«Il n’y a pas de solidarité possible avant qu’elle ne soit volontairement acceptée par les acteurs les plus riches au sein de l’Union. Il faudrait par exemple que l’Allemagne constate que la situation est catastrophique et qu’il faut donc qu’elle donne 100 milliards d’euros à l’Italie. Ça, ça serait de la solidarité», précise-t-il au micro de Sputnik.
Pour le moment, les mécanismes qui existent pour aider les États membres se déclinent en deux volets: soit l’UE permet aux États de dépasser les restrictions qu’elle avait elle-même imposées, soit elle emprunte pour un pays membre, mais ce dernier devra lui rendre après.
De ce fait, «les difficultés auxquelles l’Europe apporte des solutions sont créées par l’UE elle-même», explique Vincent Brousseau.
Pour lui, si un pays du sud de l’Europe a des difficultés à emprunter en euros sur les marchés, c’est parce que sa capacité à rembourser en euros n’est pas claire, ces pays n’ayant pas de politique monétaire propre.
L’énigme de la solidarité européenne reste donc ce qu’elle est: une énigme. Problème, l’heure tourne et la patience à l’égard de Bruxelles se perd un peu plus chaque jour, notamment en Italie. Si ces divergences persistaient entre des États stables économiquement et des pays pauvres et surendettés, c’est l’existence même de l’Union européenne qui serait en jeu, s’inquiétait il y a peu Bruno Le Maire:
«Une zone monétaire commune ne pourra pas supporter des écarts économiques croissants entre ses membres. […] Il y a l’enjeu immédiat de soutenir notre activité économique et il y a un deuxième enjeu de moyen terme, absolument vital, c’est renforcer la zone euro, renforcer l’Union européenne, qui explosera si les États membres divergent trop dans leur redressement économique», s’inquiétait le 6 avril le ministre de l’Économie et des Finances.