Peu en parlent, mais le bilan du Covid-19 en Belgique est particulièrement catastrophique. À la date du 14 avril, le royaume comptait 4.157 morts, bien moins que l’Italie, les États-Unis ou la France. Mais en comparant ces chiffres à la population totale, cela revient à 359 décès par million d’habitants. Seule l’Espagne est au-dessus (386 morts par million d’habitants), alors que son voisin allemand n’a que 36 décès par million d’habitants.
Le sociologue belge Geoffrey Pleyers, chercheur au Fonds national de la recherche scientifique (FNRS), a évoqué dans Le Soir une «tragédie» qui passe sous le radar des médias internationaux en raison de la petite taille du pays. Curieusement, au sein même du royaume, la situation ne semble pas si alarmante. Les experts rassurent en affirmant qu’il y a moins de nouvelles hospitalisations et que les services de soins intensifs ne sont pas débordés.
Dans le plat pays, si le taux d’occupation des lits en réanimation n’a jamais dépassé les 54%, le nombre de morts continue pourtant d’augmenter, alors même que la population vit en confinement total depuis la mi-mars. Selon le chercheur, c’est le comptage des décès qui explique partiellement cette tendance. Contrairement à la France ou à l’Italie, les morts non testées mais soupçonnées d’être liées au coronavirus sont comptabilisées.
L’hécatombe dans les maisons de retraite
Ce que les politiques, médecins et médias belges semblent avoir oublié, ce sont les nombreux décès parmi les aînés non hospitalisés et ajoutés tardivement dans les statistiques nationales. Il s’agit de ceux qui se sont éteints dans les maisons de retraite sans avoir été admis en réanimation. Certains cas auraient sans doute pu être sauvés, d’autant que les experts savaient depuis janvier que cette catégorie de la population était particulièrement fragile face au virus.
Geoffrey Pleyers a pointé le fait que tous les efforts ont été concentrés sur les hôpitaux, alors même que le personnel des maisons de retraite disposait de peu de matériel de protection. Et d’affirmer qu’à Bruxelles, ces travailleurs délaissés «sont quasiment tous positifs». Si des mesures ont été annoncées, comme le dépistage de tous les résidents des maisons de retraite, il faudra encore plusieurs semaines avant que la situation ne s’améliore.
Une réaction tardive, faute de gouvernement
L’exemple de l’Allemagne a montré qu’une gestion politique efficace change tout sur le bilan d’une telle épidémie. Or, dans le royaume, l’absence de gouvernement a sans doute eu un impact négatif sur la rapidité de la réponse à l’épidémie. En effet, ce n’est que le 17 mars que la Première ministre, Sophie Wilmès, a annoncé la formation d’un «gouvernement d’urgence» pour gérer la crise.
Autre problème, l’éclatement des compétences entre les pouvoirs fédéral, régional et communautaire. Dans un pays qui ne compte que 11 millions d’habitants, pas moins de neuf ministres se partagent le secteur de la santé, ce qui pose un problème de coordination évident.
Ainsi, malgré un système de sécurité sociale et un accès aux soins meilleur que dans de nombreux pays, la Belgique se retrouve dans le peloton de tête des plus touchés proportionnellement à la population. Une fois l’épidémie contrôlée, il faudra analyser les causes de ce drame qui se joue davantage au niveau social et politique que biologique.