«Souveraineté», «patriotisme économique», le gouvernement mise sur le made in France. Pour de bon?

© AFP 2024 YOAN VALATEmmanuel Macron
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L’épidémie de coronavirus met à mal la politique de l’État français qui consistait à vendre une partie de ses entreprises stratégiques à l’étranger. Après les pénuries de masques de protection, le gouvernement souhaite désormais reprendre son indépendance dans les secteurs de «première nécessité». Le made in France, grand gagnant de cette crise?

«S’affranchir de la dépendance» aux autres pays et «ne plus subir», c’est le nouveau projet d’Emmanuel Macron. Après avoir vendu plusieurs fleurons de l’industrie française comme Alstom, Technip ou encore laissé Sanofi délocaliser sa production de paracétamol, notamment en Chine, l’épidémie de Covid-19 rappelle cruellement les limites de cette stratégie. Désormais, le chef de l’État appelle à un sursaut de «souveraineté» pour ne plus être à la merci des importations dans les secteurs de «première nécessité».

Un constat partagé… et dénoncé par Arnaud Montebourg dans les colonnes de Libération. Selon lui, si Emmanuel Macron change maintenant de paradigme, il porte une part non négligeable de responsabilité dans la situation actuelle, notamment lorsqu’il était ministre de l’Économie de François Hollande. «Il a malheureusement abandonné les 34 plans industriels de reconquête de notre souveraineté technologique, et il y a en avait un important dans le secteur des équipements de santé, dont aujourd’hui nous aurions bien besoin», regrette l’ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique.

«Une politique industrielle qui est allée à vau-l’eau»

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Interrogée par Sputnik, Amandine Hesse, présidente de la Fédération indépendante du Made in France (FIMIF), estime que «la pénurie de masques de protection est l’illustration du fait que l’on a eu une politique industrielle qui est allée à vau-l’eau.» Selon elle, il est crucial de mettre en place une vraie politique de relance qui mette à l’honneur les entreprises françaises.

«Aujourd’hui, on manque cruellement de moyen de production pour assurer les opérations nécessaires à une survie en temps de crise […] C’est quand même ce qui est réalisé localement, par des solidarités individuelles ou plurielles, qui fait que l’on est capable de s’en sortir.»

En témoigne le nombre d’entreprises qui ont participé à l’effort national. Le groupe LVMH s’est lancé dans la production de gel hydroalcoolique et a offert 10 millions de masques. D’autres ont multiplié les dons. Décathlon a suspendu par exemple la vente aux particuliers de ses masques de plongée Easybreath pour mettre son stock à disposition des établissements de santé. D’autres entreprises ont aidé localement. C’est le cas notamment du groupe Altesse, fabricant des manchettes «Les Georgettes»– régulièrement portées par Brigitte Macron–, qui a donné plus de 4.000 masques aux gendarmes et personnels hospitaliers.

Les entreprises mettent l’accent sur la solidarité

Au micro de Sputnik, Thomas Huriez, créateur de la marque de jeans 1083, dont l’usine est située dans la Drôme, raconte comment du jour au lendemain, son entreprise est passée de la production de pantalons à celle de masque de protection.

«On a été contacté par des professionnels de santé et des médecins locaux qui nous ont dit être en manque de masque. Dans une note, le CHU de Grenoble les a invités à fabriquer leurs propres masques, sauf que ces médecins, pharmaciens, radiologues et ambulanciers n’avaient pas forcément de machines à coudre ni de temps. Ils nous ont donc demandé de les aider. C’est ce que l’on a fait immédiatement.»

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Désormais, plusieurs centaines de masques sortent chaque jour des lignes de production de 1083 et sont donnés localement. «Il y a une superbe chaîne de solidarité qui s’est mise en place, puisque des magasins nous donnent du tissu. On coupe et coud. Une cinquantaine de couturières bénévoles nous aident à augmenter les capacités de production. Enfin, une dizaine de volontaires nous aident à les distribuer», se félicite Thomas Huriez.

«Cette crise montre à tous la valeur de nos savoir-faire et quelque part, met en exergue l’importance d’être souverain pour répondre à nos besoins primaires. C’est essentiel. Il faudrait arrêter de penser la consommation publique, professionnelle ou personnelle que de manière financière et court-termiste afin de l’appréhender de manière plus globale», explique le créateur de 1083.

Amandine Hesse, de la FIMIF, rappelle qu’un «mouvement de réindustrialisation» s’amorçait déjà avant la pandémie de Covid-19, notamment à cause de l’envolée des prix du pétrole. Or avec l’économie chinoise qui s’est arrêtée de longs mois et entraînera forcément un manque de biens manufacturés importés, l’idée de réimplanter une partie des usines en France fait son chemin chez certains dirigeants.

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Le gouvernement, par la voix de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, lance des appels au «patriotisme économique», les entreprises réfléchissent à un retour dans l’Hexagone. Le made in France peut-il réussir à tirer son épingle du jeu auprès des Français, une fois cette crise passée? Amandine Hesse l’appelle en tout cas de ses vœux. Et pour cause, «en achetant Français, on soutient aussi notre modèle économique. Dans le sens où nos entreprises contribuent en payant les salaires, mais également les cotisations sociales», détaille la présidente de la FIMIF.

«Je pense que les consommateurs se rappelleront des entreprises françaises qui étaient là lorsque cela allait mal. Il peut y avoir un vrai changement. Malheureusement, ça se fait dans la douleur, mais il y a des choses bien qui peuvent en sortir», conclut Amandine Hesse.
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