«Certaines personnes, dans le fond, sont très admiratives des succès de la gouvernance chinoise. Ils envient l’efficacité de notre système politique et haïssent l’incapacité de leur propre pays à faire aussi bien!»
Ce tweet de l’ambassade de Chine à Paris a fait grand bruit au moment où Pékin a repris la main sur le discours médiatique autour de sa gestion du Covid-19. En premier lieu, elle a nié avoir volontairement revu à la baisse les morts liés au coronavirus, avec ce chiffre de 3.335 morts pour le moment. Ce 7 avril, les autorités chinoises ont même annoncé pour la première fois, ne déplorer aucun décès du Covid-19 au cours des dernières vingt-quatre heures. Ce qui a donné lieu à des critiques occidentales: Donald Trump a lui-même évoqué des «chiffres un peu sous-estimés et je suis gentil quand je dis ça». Partout venue au secours des pays touchés par le coronavirus, comme l’Italie, la Chine a été accusée par la diplomatie française de médiatiser excessivement son aide. La crise du coronavirus serait-elle devenue une crise géopolitique?
Selon Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne, spécialiste des questions chinoises et de Défense à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), la Chine a su contenir l’épidémie en prenant des mesures très strictes, mais «pas applicables partout». Dans le cadre de l’aide internationale, elle aide de nombreux États européens dépendants et qui ne «sont pas capables de protéger leur peuple» a expliqué l’expert à Sputnik.
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À propos du bilan de l’épidémie en Chine, Radio Free Asia, un média financé par le gouvernement américain, a lancé le chiffre de plus de 40.000 morts, en calculant le nombre d’urnes funéraires par crématorium à Wuhan. Jean-Vincent Brisset estime pourtant que les chiffres donnés par les autorités chinoises «correspondent à peu près à la réalité».
«Le problème, c’est la seconde vague»
Alors que le virus est sans nul doute né à Wuhan, l’attaché de l’Air à l’ambassade de France à Pékin pendant trois ans relève que la gestion sanitaire par la Chine a été des plus efficaces, en mettant en place des mesures extrêmement sévères en particulier des «prises de température pour tout le monde en permanence dès qu’il y avait un déplacement, dès que les gens sortaient ou rentraient quelque part et puis le port du masque obligatoire». Des décisions drastiques qui ont évité 700.000 cas supplémentaires, affirme une étude publiée dans la revue Science. Selon l’ancien militaire, «le problème, c’est la seconde vague» qui pourrait remettre en cause cette gestion chinoise, car il est impossible de contrôler la totalité des 1,4 milliard de Chinois. Le chercheur explique ainsi que la plupart d’entre eux sont «très strictement contrôlés», mais qu’il existe également «une population grise en Chine», qui n’est pas enregistrée.
«Il y a eu ce que l’on appelle les enfants noirs, c’est-à-dire les enfants qui étaient nés au-delà du premier enfant, quand il n’y avait le droit qu’à un seul enfant. Il y a aussi toute une sorte de gens qui sont des marginaux un peu partout en Chine, qui ne sont pas contrôlés et qui se déplacent de manière clandestine comme les migrants clandestins à l’intérieur de l’Europe. Ils sont des vecteurs de maladie.»
«La Chine joue la carte de la bienveillance»
Après deux mois plutôt silencieux, la diplomatie chinoise a adopté un ton offensif, rejetant toute responsabilité à propos de l’épidémie. Au contraire, selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, le coronavirus aurait été importé des États-Unis. Même suggestion de la part du compte Twitter de l’ambassade de Chine en France, qui évoque «la fermeture surprise en juillet dernier du plus grand centre de recherche américain d’armes biochimiques, la base de Fort Detrick, au Maryland». Peu après, des «pneumonies ou des cas similaires» seraient apparus. Des accusations qui répondaient notamment aux provocations de Donald Trump sur la qualification de «virus chinois». Une crise sanitaire mondiale qui se transformerait alors en une guerre de l’information? Jean-Vincent Brisset ne mâche pas ses mots pour décrire la stratégie de Pékin:
«La responsable de l’épidémie au niveau mondial, c’est la Chine, c’est ce que veut absolument faire oublier le pouvoir chinois. D’un autre côté, la Chine joue toutes ses cartes. Elle joue la carte de la bienveillance un peu partout dans le monde surtout vis-à-vis des plus faibles, pour pouvoir faire briller son image de nouveau, expliquer qu’elle a bien réagi, et effectivement vu le nombre de morts, elle a bien réagi.»
Deuxième aspect en termes de communication, c’est la médiatisation de l’aide apportée par la Chine qui a mis en rogne certains dirigeants, au premier chef, Emmanuel Macron, qui a dénoncé le 28 mars dans la presse italienne le deux-poids deux-mesures: «On parle beaucoup de l’aide chinoise ou russe, mais pourquoi ne dit-on pas que la France et l’Allemagne ont envoyé deux millions de masques et des dizaines de milliers de combinaisons médicales en Italie?» Accusant la Chine et la Russie, la secrétaire d’État aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin, s’est fendue elle aussi d’une déclaration-choc, estimant que «c’est parfois plus simple de faire de la propagande, des belles images et parfois d’instrumentaliser ce qui se passe». Des propos dénoncés comme «cyniques» par la diplomatie chinoise, qui a mis en place «La Route de la soie de la santé».
«La France a très mal protégé son propre peuple»
Depuis le 1er mars, les autorités chinoises ont notamment annoncé avoir exporté 3,86 milliards de masques et 16.000 respirateurs vers plus d’une cinquantaine de pays. Le chercheur de l’IRIS affirme que l’aide chinoise payante ne fait que pointer une dépendance et une faiblesse européenne:
«Elle aide le monde en échange de quelques milliards de dollars, mais la Chine aide effectivement le monde, parce qu’on lui a donné la possibilité de proposition d’exclusivité sur un certain nombre de fabrications. S’il n’y a pas de stocks de masques dans les pays européens, c’est parce qu’on a décidé que s’il y avait un problème, la Chine pourrait fournir. Donc effectivement, il y a une faute extrêmement lourde des dirigeants européens.»