Un nouveau format
Les centres de recherche de la plupart des pays ont décrété des restrictions sévères ayant réduit au minimum le personnel actif. Pratiquement toutes les plus grandes universités du monde travaillent à distance.
La communauté scientifique s'adapte bien plus activement qu'habituellement aux moyens de communication et d'accès à distance utilisés depuis longtemps. La plupart des questions relatives au travail sont réglées en ligne sans grandes difficultés, indiquent les chercheurs.
«En organisant le travail des laboratoire à distance j'ai constaté que certains collègues avaient du mal à agir en dehors du collectif. Il existe de nombreux détails à mettre au point, mais je pense que dès à présent nous sommes moralement et techniquement prêts à travailler dans ce régime pendant une période pouvant aller jusqu'à 6 mois», a déclaré Igor Abrikossov, professeur de l'université nationale de recherche et de technologie MISiS et de l'université de Linköping.
En s'adaptant aux nouvelles conditions, les chercheurs compensent dans la mesure du possible l'inconfort du confinement. Par exemple, les centres de recherche européens créent des salles spéciales pour les réunions à distance, où il est possible de communiquer en ligne de manière informelle avec les collègues autour d'un café, à l'instar des pause-café classiques qui n'auront plus lieu pendant un certain temps.
Le CERN en pause
L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) avait pris de sérieuses mesures de distanciation sociale bien avant l'annonce de la quarantaine en Suisse et en France, entre lesquelles le centre se trouve. Clubs, ateliers et espaces publics ont été fermés, et le système de covoiturage d'entreprise a été bloqué - le personnel a opté pour le vélo.
La grande majorité des chercheurs travaillait avec le CERN à distance avant la pandémie, c'est pourquoi la quarantaine n'a pas entraîné un arrêt total du travail. Le centre continue d'assurer aux collaborateurs à travers le monde un accès permanent aussi bien aux pétabytes de données expérimentales qu'aux logiciels pour leur analyse.
Actuellement sur le territoire du CERN ne restent que quelques spécialistes assurant le fonctionnement des principaux services et installations: la plupart des collaborateurs ont dû regagner leur pays. Certains chercheurs, par exemple quelques citoyens chinois, ont décidé ne pas rentrer et se sont installés à proximité du centre.
«Le détecteur TRT, sur lequel je travaille, est mis en veille. Pour l'instant nous travaillons uniquement sur le stand d'essai, nous le contrôlons à distance. Mais en cas d'incident, en tant qu'expert d'urgence du détecteur, sur autorisation spéciale je pourrais traverser la frontière actuellement fermée pour prendre des mesures personnellement», a déclaré Daniil Ponomarenko, chercheur de l'université nationale de recherche nucléaire MEPhI et collaborateur du CERN.
La prochaine séance d'expérience sur le Grand collisionneur de hadrons, Run 3, était prévue au printemps prochain mais les chercheurs sont persuadés qu'elle sera reportée. De toute évidence, les nouvelles informations sur le choc de particules ne parviendront pas en 2021-2022, mais plus tard.
Selon les estimations des chercheurs, actuellement la pandémie a déjà entraîné un retard d'environ six mois dans les plans du centre. Les chercheurs espèrent que les restrictions ne dureront pas plus de deux mois, mais leur délai exact reste inconnu pour l'instant.
«Nous nous adapterons»
Dans de nombreux pays, le virus a déjà entraîné la suspension d'usines de production importantes pour la science. La quarantaine en Chine a provoqué de problèmes palpables avec les fournitures d'électronique, ce qui a entraîné la mise en veille de plusieurs centres de production scientifique en Europe, affectant la MegaScience dans l'ensemble.
De plus, certains centres de recherche se sont avérés être bien adaptés au travail en quarantaine. L'automatisation des processus permet d'agir avec un minimum de personnel, comme c'est le cas notamment à Hambourg sur le synchrotron DESY et sur le laser européen à rayons X XFEL, construits avec la participation de la Russie.
«Récemment nous avons réalisé notre première expérience entièrement à distance - une expérience excellente et productive. Depuis Grenoble je contrôlais directement, avec des collègues de Kaliningrad, les travaux sur le synchrotron à Hambourg», a déclaré le professeur Anatoli Sneguirev, responsable du laboratoire d'optique à rayons X et de science physique des matériaux de l'université fédérale baltique.
Les scientifiques pensent que si le virus n'était pas vaincu rapidement, et que les mesures de quarantaine étaient prolongées de plus de six mois, cela provoquerait une immense demande de technologies susceptibles de compenser les difficultés dans la communication et le travail des laboratoires. Selon certains chercheurs, une accélération considérable du développement de la robotique, de la liaison de qualité et de méthodes de visualisation holographique est envisageable.
Les représentants de la science fondamentale s'accordent à dire que les problèmes apportés par la pandémie doivent être perçus comme une occasion de voir différemment, de manière concentrée et sans agitation inhérente à la science aujourd'hui, l'ensemble des problèmes théoriques et appliqués de notre époque.