Pour la sécurité alimentaire, «il faut tester les agriculteurs maintenant!»

© Photo Pixabay / PexelsMaraîchers. Asperges primeurs
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En pleine pandémie, les fermiers français sont au pied du mur face à l’interdiction des marchés de plein air, suivie d’un appel ministériel aux volontaires pour récolter la production des fruits et légumes français. Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, revient sur les défis que pose le coronavirus au monde agricole.

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«Tous dans les champs!» Cet appel ministériel est censé pallier la pénurie de main-d’œuvre agricole liée à la crise sanitaire due au coronavirus. L’arrêt des marchés était déjà un coup dur pour une filière agricole confrontée à de nombreux défis. S’y ajoute maintenant l’urgence de sauver les maraîchers, qui risquent de perdre leur récolte en plein champ. Pour Bernard Lannes, président de la Coordination rurale France, il n’y a pas de temps à perdre:

«À court terme, la France a assez d’alimentation et peut produire suffisamment de fruits et légumes pour se nourrir. S’il le faut, elle peut, assure Bernard Lannes. Sauf que jusqu’à maintenant, on a joué sur des échanges intereuropéens et internationaux pour aller toujours chercher le moins-disant très loin.»

Un exemple tout frais: l’agneau Label Rouge dans les Hautes-Alpes n’est pas écoulé, «parce qu’on a importé massivement de l’agneau de Nouvelle-Zélande et les éleveurs français ont leurs agneaux sur les bras».

Pas de pénurie, mais «il nous faut 200.000 personnes» dans les champs

Les consignes données aux éleveurs rappellent la nécessité de «d’abord écouler les stocks». Pour M. Lannes, il suffit de «donner à l’agriculture un signal fort pour augmenter la production», les agriculteurs suivront, «parce qu’on est sur des productions courtes». Mais la première urgence concerne les maraîchers: les légumes sont dans les champs, il est temps de les ramasser.

«Il nous faut à court terme 200.000 personnes, clame Bertrand Lannes. Les frontières étant fermées et les mouvements de population n’étant pas autorisés, il va falloir faire appel à de la main-d’œuvre locale. Il ne s’agit pas de métiers compliqués, mais il va falloir s’y résoudre, sinon on va casser notre chaîne de production de légumes frais.»

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On découvre que «ces emplois étaient occupés depuis longtemps» soit par des Maghrébins, Algériens ou Tunisiens, soit par des ressortissants de pays d’Europe centrale et orientale (PECO), la main-d’œuvre intraeuropéenne: Roumanie, Bulgarie, Pologne, etc.

Loin des fauteuils en velours rouge, le discours est pragmatique:

«On a perdu la moitié des agriculteurs avec la mondialisation à outrance, où les consommateurs et les distributeurs recherchaient des produits alimentaires aux quatre coins du monde, tandis que notre Coordination rurale parle depuis des années de l’exception agricole nationale et de notre sécurité alimentaire, la base de nos besoins», martèle le président de la Coordination rurale France.

Attirant l’attention sur la priorité à donner à l’emploi local, la Coordination rurale a également demandé «des tests pour les agriculteurs impactés, de même que pour tous ceux qui iront travailler, pour ne pas créer de problèmes sanitaires en se déplaçant

Pour la sécurité de tous, «il faut tester les agriculteurs maintenant»

Si personne ne conteste la nécessité de protéger en priorité le personnel de santé, «en première ligne», ce postulat trouve un développement de bon sens dans les propos du président du syndicat agricole:

«Le deuxième maillon le plus important, c’est l’alimentation, c’est nous, l’agriculture, appuie Bernard Lannes. On demande que les producteurs et la main-d’œuvre soient testés. Tester à la sortie du confinement, pour nous, ça sera déjà trop tard. Donc, il faut tester maintenant!»

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Pour la Coordination rurale, il y a urgence: «si on ne ramasse pas la production locale française, elle sera perdue.» Comme on ne peut plus compter sur les autres pays, «les chaînes d’approvisionnement étant complexifiés, il est important de les remettre en route les chaînes françaises». Face aux annonces du ministre de l’Agriculture et pour les «200.000 emplois à pourvoir immédiatement», les fermiers veulent jouer la carte de la sécurité.

«On veut rassurer et on dit: si vous voulez envoyer des soldats-volontaires qui vont travailler pour la France dans les champs, il faut les protéger, comme ceux qui travaillent dans les hôpitaux», souligne Bernard Lannes.

Tout comme les ministres, les fermiers «attendent des gens qui par civisme, vont accepter d’aller travailler pour nourrir le pays» et qui «seront payés, bien entendu». Mais dans la bouche du leader syndical agricole, le fait de «déterminer la qualité de notre alimentation» sort du cadre purement sanitaire et impacte la «sécurité du pays»:

«Toute nation digne de ce nom doit contrôler l’alimentation, l’énergie et l’eau, précise Bernard Lannes. Ça fait un peuple en bonne santé qui, en cas d’infection ou pandémie, fait face et maîtrise sa santé. Ce virus montre que les effets comptable ne marchent pas tout le temps.»

Actuellement, pour le leader du syndicat agricole, «l’impact direct sur l’agriculture se sent surtout sur le maraîchage et les producteurs de légumes», qui écoulent leur marchandise via deux types de distribution.

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Premièrement, ceux qui travaillent avec des groupements et passent par les plateformes Grandes et moyennes surfaces (GMS). Et il y a ceux que l’on appelle «les petits producteurs», présents physiquement sur les marchés, ceux-là mêmes que le gouvernement a demandé de fermer, tout en laissant une entière liberté aux maires de les rouvrir.

«On aura des maires courageux et ceux qui prendront peur, explique Bernard Lannes. Résultat: on va avoir un effet peau de léopard, avec des décisions d’ouvrir les marchés ou pas. Ça va créer un décalage et compliquer le travail des producteurs, qui sont habitués à travailler dans ces marchés dans toute la France.»

Le système existant est bien rodé: dans les petits marchés, on paye le droit de place: «n’importe qui ne peut pas venir n’importe comment à ces emplacements». Ainsi, pour ceux qui font les récoltes de plein champ et manquent déjà de main-d’œuvre, s’ajouteront des difficultés de distribution, «d’autant plus que l’on travaille sur des produits frais, la viande, les légumes, les fruits, les fromages».

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