Le chiffre est gigantesque et sera précisé dans les prochains jours: seul le chiffre de 2.000 milliards de dollars a été avancé. Ils seront bientôt injectés dans l’économie américaine, selon l’accord «historique» auquel sont parvenus au Sénat les camps Démocrate et Républicain. Un plan de relance qui devra encore être adopté par l’hémicycle puis par la Chambre des Représentants, avant d’être finalement promulgué par Donald Trump.
«Ce n’est pas parce que vous créez de l’argent que vous créez de la valeur»
2.000 milliards de dollars ont ainsi été débloqués aux États-Unis, 1.100 milliards en Allemagne, 300 milliards de garanties bancaires pour les prêts aux entreprises en France. La planche à billets s’est donc remise à tourner. Dans nos colonnes, l’économiste Dany Lang a salué ces mesures de relance: «quand j’entends Emmanuel Macron depuis quelques jours, j’ai l’impression qu’il découvre Keynes», fustigeant toutefois les coupes budgétaires «depuis des années», notamment sur la santé. Interrogé par Sputnik, l’économiste et financier Charles Gave, président de l’Institut des Libertés, n’est franchement pas ravi par ces mesures américaines:
«C’est un emplâtre sur une jambe de bois. Ce plan va empêcher un certain nombre de sociétés de faire faillite et c’est très bien, mais ça va laisser 2.000 milliards de dollars de dette qu’il faudra bien rembourser un jour et qui détruiront autant de sociétés dans le futur.»
Ces gigantesques sommes d’argent seront ainsi injectées dans le circuit économique en même temps que la production et l’activité économique sont fortement ralenties du fait de la crise du coronavirus et du confinement généralisé. Le propriétaire du fonds d’investissement Gavekal appelle à ne pas confondre papier-monnaie avec création de valeur: «ce n’est pas parce que vous créez de l’argent que vous créez de la valeur». Poursuivant son développement, Charles Gave dénonce un système qui n’aurait plus «rien à voir avec une économie de marché». Comme tout bon libéral classique, il assume un penchant de darwinisme social afin de justifier la non-intervention de l’État:
«La Banque centrale américaine est en train de nationaliser les marchés financiers pour éviter que ça baisse. Je croyais qu’il y avait un système qui s’appelait la découverte des prix, qui permettait que les mauvais soient éliminés, que les bons soient récompensés. Là, on garde les mauvais et on élimine les bons qui auraient pu faire de bonnes affaires si ça avait baissé.»
«Mais où passe notre fric?»
Qu’aurait-il alors fallu faire? Sur le ton de la plaisanterie, le financier parle de «mettre en prison les banquiers centraux». Sans donner de mesures très concrètes dans l’urgence, Charles Gave se montre sévère quant à la politique économique des pays occidentaux depuis quinze à vingt ans. Sa cible préférée étant les taux d’intérêt très bas pratiqués par les Banques centrales. Il se rappelle avoir écrit une note intitulée «the high cost of free money», datant de février 2011, toujours disponible en ligne.
«Vous permettez aux gens qui ont des actifs d’emprunter pour acheter d’autres actifs au lieu d’en bâtir de nouveaux. Donc le prix des actifs monte, les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent et la dette monte. D’un côté, il y a les démagogues, de l’autre, il y a une crise financière inévitable dans laquelle on est rentré maintenant.»
Pourquoi les impôts français ne suffisent-ils pas à régler la situation dramatique que vivent les hôpitaux? En tant que président de l’Institut des libertés, think tank libéral, Charles Gave se pose cette problématique très actuelle. Alors que la France est classée par l’OCDE comme étant le pays le plus taxé des pays riches, comment se fait-il que l’État ne puisse pas gérer convenablement la crise sanitaire engendrée par l’épidémie du coronavirus?»
«Au Danemark, où ils ont des impôts équivalents aux nôtres, ils n’ont eu aucun problème pour tester les gens. Ils l’ont fait tout de suite. En Corée du Sud, ils l’ont fait instantanément. Aujourd’hui, en Allemagne, je crois qu’il y a 100.000 personnes qui sont testées chaque jour et en France, c’est 5.000. Qu’est-ce qu’ils font de notre fric? Où va le pognon?»
Une situation qui n’est pas propre au secteur de la santé, mais qui peut être généralisée à tous les secteurs, selon l’économiste: «vous allez dans les commissariats, c’est la misère, vous allez dans les écoles, c’est la misère, vous allez dans la diplomatie, il n’y a plus un rond, ils vendent les maisons des ambassadeurs, il n’y a plus un rond dans la Défense.» Rappelons quelques chiffres concernant les recettes fiscales de 2019 en France, 188 milliards d’euros de TVA, 88 milliards d’euros d’impôts sur le revenu ou encore 69 milliards provenant de l’impôt sur les sociétés. Ainsi Charles Gave pose une question pertinente:
«La première chose que doivent demander les citoyens français, c’est un audit des dépenses de l’État: mais où passe notre fric?»