Le gouvernement français est engagé dans une situation de «guerre économique et financière», selon Bruno Le Maire, interrogé ce 17 mars sur RTL. «Tous les moyens» à disposition seront utilisés «pour protéger les grandes entreprises françaises», a insisté le ministre de l’Économie et des Finances, y compris des opérations de prise de participations et même de «nationalisation si nécessaire», a-t-il ajouté. Des propos qui ont fait écho à la première allocution d’Emmanuel Macron au sujet du coronavirus le 12 mars, lorsque celui-ci a martelé, à trois reprises, sa volonté de soutenir l’économie française «quoi qu’il en coûte». Des mots très forts et d’importantes annonces.
Il y a une guerre contre le #coronavirus et aussi une guerre économique et financière. Elle doit mobiliser toutes nos forces. La France déploie:
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) March 17, 2020
▶ 45 Mds € d’aides directes
▶ 300 Mds€ de garanties de l’État aux prêts bancaires des entreprises, 1000 Mds au niveau 🇪🇺 #RTLMatin
L’exécutif a annoncé de nombreuses mesures afin d’aider petites et grandes entreprises. C’est le Président de la République qui l’a déclaré ce 16 mars, l’État sera à même de garantir un montant de 300 milliards d’euros sur les prêts bancaires des entreprises. 45 milliards d’euros seront débloqués en urgence afin de reporter les charges sociales et fiscales. Le chômage partiel coûtera à l’État 8,5 milliards d’euros sur deux mois, selon les propos de Bruno Le Maire. Une situation de crise sanitaire et des mesures qui plongeront la France en récession à hauteur de 1% en 2020, a annoncé le ministre. Et la dette publique dépassera la barre fatidique des 100% du PIB.
Emmanuel Macron «découvre Keynes»
Dany Lang, membre des Économistes atterrés, maître de conférence en économie à l’université Paris 13, habituellement peu flatteur sur la politique économique du gouvernement, se «réjouit des discours et du changement de politique temporaire du gouvernement». En ces temps de pandémie, la règle d’or budgétaire, les 3% de déficit par rapport au PIB, imposés par les traités européens ne sont ainsi plus de mise, pour glorifier l’État-Providence, remarque l’économiste: «Quand j’entends Emmanuel Macron depuis quelques jours, j’ai l’impression qu’il découvre Keynes.» Il fustige toutefois ce manque de cohérence en matière de dépenses publiques, notamment pour les hôpitaux qui, selon lui, a mené à cette situation:
«Dans quelques jours, on aura des soignants qui devront choisir entre un patient de 40 ans et un patient de 60 ans. […] Cette situation préoccupante ne tombe pas du ciel, elle est le résultat de politiques publiques menées depuis des années.»
«Comment vont-ils assurer le maintien des salaires? En particulier, pour un certain nombre de professions, les indépendants sont extrêmement nombreux, et parmi les indépendants, vous avez un certain nombre de gens qui sont en fait des salariés déguisés, en auto-entrepreneurs. Eux vont se retrouver dans une situation très compliquée.»
Si ces mesures pour endiguer la faillite de nombre d’entreprises peuvent être efficaces, Dany Lang appelle à un changement durable des politiques publiques.
«L’austérité tue»
Même si Emmanuel Macron a appelé le 12 mars à «interroger le modèle de développement», ce dernier ne mâche pas ses mots à l’égard de l’exécutif.
«Ne repartons pas comme en 40 avec ‘Mon Dieu, on va dépasser les 3%’. Il est très important de rappeler que l’austérité tue. Un certain nombre de morts en Italie, c’est le résultat direct de ces politiques d’austérité.»
«Une vraie politique industrielle»
Les marchés financiers souffrent, l’activité économique de nombre d’entreprises est à l’arrêt. Les décision prises par l’exécutif sont-elles comparables au New Deal, le plan exceptionnel de relance pris par le président américain, Franklin Roosevelt après la crise de 1929? Dany Lang n’est pas très optimiste.
«J’aimerais bien mais on n’en est pas là, hélas. Pourtant, on en aurait besoin urgemment pour faire face à l’urgence écologique, on aurait besoin d’augmenter les salaires, on aurait besoin d’une vraie politique industrielle qui tourne le dos aux esprits chagrins, à Bruxelles et aux traités. On aurait besoin de relocaliser ici nos activités, de réfléchir à des circuits courts.»
«On ne pouvait pas évidemment prévoir l’apparition d’un nouveau virus mais le krach aurait pu être causé par autre chose. Ça fait un moment qu’on dit qu’un krach va se produire à cause du niveau extrêmement préoccupant des dettes privées dans un certain nombre de pays. On l’annonce depuis mai 2018. Voilà, on y est.»