«Nous ne laisserons pas des bandits mettre le Cameroun à feu et à sang», Grégoire Owona

© AP Photo / Edwin Kindzeka MokiCameroun
Cameroun - Sputnik Afrique
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De la violente crise séparatiste dans les régions anglophones du Cameroun à la question de la succession de Paul Biya, Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du parti au pouvoir et ministre du Travail et de la Sécurité sociale, revient pour Sputnik sur des sujets brûlants de l’actualité. Entretien.

Le Cameroun est actuellement le théâtre de crises multiformes dont la plus meurtrière est la guerre qui oppose l’armée aux séparatistes dans les régions anglophones. Alors que toutes les solutions explorées jusqu’ici pour un retour à la paix se sont avérées inefficaces, dans un entretien accordé à Sputnik, Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir) et ministre du Travail et de la Sécurité sociale, fait un diagnostic de la situation. Il revient également sur la question de la succession de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.

© Photo Grégoire OwonaGrégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC et ministre de Paul Biya
«Nous ne laisserons pas des bandits mettre le Cameroun à feu et à sang», Grégoire Owona - Sputnik Afrique
Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC et ministre de Paul Biya

Sputnik: Cela fait maintenant quatre ans que le Cameroun est confronté à une crise meurtrière dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Qu’est-ce qui, selon vous, empêche les choses, quatre ans plus tard, de revenir à la normale malgré toutes les mesures qui ont été prises?

Grégoire Owona: «Le Cameroun aurait préféré faire l’actualité sur une situation moins dramatique que celle qui sévit dans les deux régions anglophones du pays. Les populations civiles sont aujourd’hui les principales victimes de ce contexte imposé par des ennemis de la paix et de la stabilité. Plusieurs mesures d’envergure ont été prises par le chef de l’État [Paul Biya, Ndlr], mesures répondant aux préoccupations légitimes des organisations socioprofessionnelles qui s’étaient exprimées au début de la crise. Il s’avère tout simplement que les revendications de nos compatriotes de ces régions ont été récupérées et même prises en otage par des personnes malveillantes et dangereuses, motivées par des intérêts égoïstes qui sèment chaos et désolation. Quatre ans plus tard, on a apporté des solutions aux problèmes de nos concitoyens mais la situation reste préoccupante parce que pour faire la paix, il faut être à plusieurs et pour le moment, le gouvernement est le seul à avoir montré une réelle volonté politique de faire la paix, le seul à avoir posé des actions concrètes. Des personnes au profil que je vous donnais plus haut résistent encore et agissent lâchement contre les populations et la Nation, mais l’armée et le gouvernement s’emploient conformément au vœu du chef de l’État à restaurer définitivement la situation. Soulignons que l’armée est dans son rôle et fait preuve non seulement de professionnalisme, mais aussi de patriotisme et de loyalisme.»

Sputnik: Y a-t-il un problème de diagnostic de la situation?

Grégoire Owona: «Il ne s’est jamais posé un problème de diagnostic. Des revendications ont été portées par des corporations identifiées et le gouvernement, après avoir écouté tout le monde, a immédiatement pris le problème à bras-le-corps. Des revendications qui ont toutes trouvé des réponses depuis lors. Lorsque des gens s’expriment, vous leur répondez sur ce qu’ils demandent. Nous sommes une République avec ses règles dont les fondamentaux sont dans la Constitution, nous agissons dans ce cadre légal depuis le premier jour. En effet, l’évolution des événements a parfois laissé croire que des gens ont un agenda caché, je pense notamment à ceux qui s’expriment comme étant des leaders sécessionnistes radicaux qui tentent d’instrumentaliser la population, profitant de la moindre revendication, même légitime, pour prendre les armes et user de violence contre la République et ses enfants. Cette autre situation est désormais connue et nous ne laisserons pas des bandits mettre le Cameroun à feu et à sang. Ces leaders doivent revenir à la raison, ils doivent cesser de collecter l’argent pour acheter les armes. Ils doivent arrêter d’appeler à la haine.»

Sputnik: Le grand dialogue national a débouché sur l’octroi d’un statut spécial aux régions anglophones, ce qui devait calmer les tensions. Mais on a l’impression que sur le terrain, les violences sont montées d’un cran au regard des événements de ces dernières semaines. Était-ce finalement un grand dialogue pour rien? 

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Grégoire Owona: «Le grand dialogue national a été demandé par toutes les composantes de la Nation et elles y ont participé à travers leurs représentants. Même les amis du Cameroun ont encouragés et ont soutenu cette initiative dont les conclusions ont été saluées par tous. Des solutions ont été proposées pendant cet événement inédit et elles sont implémentées sereinement et opportunément par le Président Paul Biya qui a, pendant les assises et même immédiatement après la clôture, posé des actes majeurs. Les attaques auxquelles nous assistons, actes de défiance manifestes et surtout tragiques et douloureux pour nos populations, sont en train d’avoir en retour la réaction de nos forces de sécurité et de défense. Évidemment, le chef de l’État souhaite que la sortie de crise se fasse dans la paix, son appel à déposer les armes est constant, mais nul doute qu’à un moment donné, l’État utilisera sa force légitime pour faire régner la loi, sécuriser totalement ces régions et donc permettre l’implémentation effective et totale des résolutions du grand dialogue national. Nous n’en sommes pas encore là. Le Président de la République continue d’inviter tous ces jeunes à déposer les armes et à sortir de la brousse pour réintégrer la société camerounaise.»

Sputnik: Au vu de l’inefficacité des mesures apportées jusqu’ici, ne faut-il pas finalement aller à la fédération?

Grégoire Owona: «Permettez-moi de vous donner une photographie de la réalité: les enfants ont progressivement repris le chemin des classes, la circulation des hommes et des biens s’améliore malgré les risques, la vie revient peu à peu à la normale. La situation reste préoccupante mais par rapport à il y a quatre ans, elle s’est améliorée, c’est un fait. Nous sommes donc en mesure de constater l’efficacité progressive de certaines mesures. Ainsi, la fédération ne peut pas être présentée comme la panacée, surtout lorsque l’unanimité s’est pratiquement dégagée lors du grand dialogue national pour la création d’un statut spécial. Le Nigeria voisin, pays frère, connaît des velléités sécessionnistes depuis une quarantaine d’années. C’est pourtant une fédération. La Fédération de Russie, grande amie du Cameroun, s’est vu imposer une guerre de sécession par la Tchétchénie. Qu’est-ce que la guerre de sécession a donné en son temps aux États-Unis ? La forme de l’État n’a jamais été le problème et n’a jamais été une solution nulle part. En démocratie il y a des instances républicaines pour poser des problèmes et donc pour trouver des solutions pour un meilleur vivre-ensemble. Aucun État au monde ne peut tolérer une insurrection armée se justifiant d’une volonté manifeste de le partitionner. Pourquoi le Cameroun l’accepterait-il?»

Sputnik: Dans une récente déclaration médiatique, le ministre de l’Administration territoriale, Atanga Nji accusait certaines ONG de faire de faux rapports sur le terrain soit pour salir l’image du Cameroun soit pour justifier les budgets qu’elles recevraient. Les ONG ont-elles un intérêt à ce que le Cameroun vole en éclats?

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Grégoire Owona: «Certaines ONG effectivement disent des choses difficilement vérifiables et même invraisemblables sur le Cameroun. Cela est dommageable pour notre pays. La dernière actualité dont Human Rights Watch (HRW) a malheureusement été le centre relève de cette légèreté et de cette volonté manifeste de nuire. Comment comprendre qu’une personne postée au Kenya puisse vous informer avec exactitude sur une actualité militaire qui se passe au Cameroun? Avec une liste de défunts dans laquelle figure des personnes vivantes? Comment comprendre la constance des rapports à charge contre le Cameroun par certaines associations? Le Cameroun est-il un enfer? Si oui, que les ONG nous indiquent le paradis. Ces ONG servent des maîtres aux desseins funestes pour le Cameroun et à des fins d’accaparement de certaines richesses. Le peuple camerounais saura toujours apporter sa réponse, fier et jaloux de sa liberté, à ceux qui ont un intérêt à ce que le Cameroun vole en éclats, ainsi qu’à leur relais qui pourraient bien être certaines ONG. Le ministre Atanga Nji qui, dans le feu de l’action, a eu la réaction qu’il devait avoir, est dans son rôle. Tous ces acteurs sont très critiques, disent des choses à charge, uniquement à charge, mais personne ni les ONG ni cette presse ne propose de solutions. Ce n’est pas utile de se braquer sur les réactions des uns et des autres, le vrai problème, c’est la paix dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Jusqu’ici, seules les solutions proposées par le Président de la République ont du sens et nous souhaitons qu’on nous aide à les mettre en œuvre. Les petites querelles dans les médias, par ONG interposées, viennent nous distraire.»

Sputnik: Monsieur le ministre, les dernières élections locales au Cameroun ont été marquées par un faible taux de participation, selon des chiffres des observateurs. À quoi attribuez-vous le manque d’intérêt dont font montre les Camerounais vis-à-vis de la chose politique?

Grégoire Owona: «Le taux de participation n’est nulle part au monde le critère de classement aux élections. Au Cameroun, on a la liberté de vote. Les Camerounais s’intéressent à la chose politique. Vous n’avez qu’à vous remémorer la dernière campagne présidentielle. L’intérêt pour la chose politique est là, vu les partis politiques et le nombre d’adhérents, au regard des personnes qui se massent lors des meetings ou encore de l’engouement des Camerounais s’exprimer dans les médias sur la vie de la Nation. Il s’avère simplement que la sociologie et l’histoire électorale font des consultations locales le parent pauvre de la vie démocratique dans la plupart des pays et donc, au-delà du contexte du double scrutin auquel vous faites allusion, le défi demeure la mobilisation des électeurs le jour du vote. Avec un taux de participation de plus de 45%, nous sommes bien mieux que certaines grandes démocraties où les élections se jouent et se gagnent avec des taux de participation parfois inférieurs à 25%, et tout le monde dit amen!»

Sputnik: La question de la succession à la tête du pays est de plus en plus au centre de l’actualité au Cameroun. Comment le RDPC se prépare-t-il à vivre cette échéance?

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Grégoire Owona: «Parler de succession en démocratie est une escroquerie sémantique car on ne succède pas en démocratie. Au RDPC, nous avons un chef qui est aussi le Président de la République. Il vient d’être réélu par une grande majorité de Camerounais pour un septennat et il déroule son programme conformément au cap qu’il s’est fixé et aux objectifs fixés au gouvernement. L’alternance est donc une donnée normale dans la vie d’un État, elle est certaine et s’organise selon des règles connues de tous à l’avance. C’est aussi le cas au sein du RDPC qui élit ses dirigeants lors des assises dédiées. Ne rentrez pas dans de faux procès. Les règles de l’alternance sont simples et connues. Que ceux que ça intéresse s’y préparent conformément aux lois de la démocratie et non aux règles des régimes féodaux ou des royautés. La République, c’est la République et rien d’autre.»

Sputnik: Beaucoup d’observateurs et acteurs politiques craignent une passation de pouvoir de gré à gré dans le clan du Président Paul Biya. Comment entrevoyez-vous cela?

Grégoire Owona: «Le pouvoir n’est pas un marché public pour qu’on parle de gré à gré, et je ne fais pas de la politique fiction. Plus sérieusement: le Cameroun est une démocratie qui a des institutions légitimes qui fonctionnent dans le respect de la Constitution et les mécanismes sont prévus pour accéder à la magistrature suprême. Le Cameroun ne va pas réinventer la roue. Ce que je peux craindre tout en espérant que cela n’arrivera jamais, c’est qu’un Camerounais "fou de pouvoir" sorte avec les armes et les mercenaires pour prendre le pouvoir par la force, mais comme nous avons une armée loyale et professionnelle, je retrouve instantanément ma sérénité car les Camerounais sauront tous faire face.»

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