Dans ce commissariat de Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines, un agent s’est mis à tousser. Puis à montrer des signes de détresse respiratoire. Il a alors été assis à l’extérieur sur une chaise, puis mis sous oxygène dès l’arrivée du SAMU. Alors qu’il était conduit à l’hôpital de Poissy, une partie du commissariat était désinfecté. Nul ne sait si l’agent sera testé au coronavirus.
Paradoxe radical: le matin même, le ministre Christophe Castaner affirmait sur Europe 1 vouloir «passer un message de confiance» et assurait que les policiers n’étaient pas «en risque». «Nous ne sommes pas dans la situation des personnels de santé qui sont confrontés directement à des malades», a-t-il ajouté. Selon le ministre, les «gestes barrières» suffiraient. Si besoin, les agents pourraient toujours, en dernier recours, se saisir d’un masque «s’ils se trouvent confrontés à un malade». Des propos qui semblent déconnectés des éléments connus sur le virus, à savoir que 80 % des porteurs seraient asymptomatiques.
Hier, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on apprenait que certains policiers se voyaient ordonner par radio de «retirer les masques de protection». Une instruction ubuesque qui a mis le feu aux poudres dans les rangs de la Police.
Chaque jour des cas de #COVID2019 chez les policiers, mais l’administration leur intime l’ordre de retirer les 3 pauvres masques qu’ils ont. Esthétisme politique et pauvreté matérielle ! Les FDO vont devenir des bombes virologiques pour la population ! #ScandaleSanitaire pic.twitter.com/hJR0PjZTxI
— Linda Kebbab (@LindaKebbab) March 18, 2020
Les premières 48 heures de confinement, de surcroît ordonnées à la dernière minute, n’ont été que très imparfaitement respectées à travers le territoire. Pour les forces de l’ordre chargées de leur bonne application, c’est le tonneau des Danaïdes, tant le coronavirus a créé une cascade de nouveaux délits: l’irrespect du confinement, bien sûr, ou encore la verbalisation pour vente de masques, les marchés à Barbès à Paris qui restent ouverts, et bien entendu des échauffourées dans les centres commerciaux. Dans les 24 premières heures du confinement, 70.000 contrôles ont été effectués, selon le ministère de l’Intérieur, et 4.095 amendes dressées, par 100.000 policiers et gendarmes déployés sur tout le territoire.
Lâcheté et contradictions au sommet de la hiérarchie policière
Mais en deçà des chiffres qui refléteraient une machine bien huilée, la police semble désemparée. Les cas de malades semblent de plus en plus nombreux dans les commissariats à travers la France, et les ordres ne sont pas clairs, et mêmes contradictoires d’un service à l’autre, selon Linda Kebbab, déléguée du syndicat CGP FO. La policière pointe du doigt la «désorganisation» au sein de l’institution, du fait de ce «fléau», qui n’aurait pas dû prendre tout le monde de court :
«Notre État qui se targue d’être si bien organisé, démontre dans cette crise sanitaire qu’il n’est pas à la hauteur. Ils ont enchaîné les bourdes, les non-prises en considération de la dangerosité du virus, et ils continuent : ils n’ont pas le courage de dire que nous n’avons pas assez de masques.»
Une lâcheté et des contradictions qui ulcèrent notre interlocutrice: «on demande aux forces de l’ordre de conserver les apparences.» En clair: ne pas susciter de panique au sein de la population. «L’État n’est pas en mesure de protéger ses agents pour mener la guerre,» ajoute-t-elle, lapidaire.
Le droit de retrait pour désamorcer des bombes virologiques ?
Alors, les syndicats de police frappent du poing sur la table et veulent imposer leur droit de retrait: «pas de masque, pas de contrôles!», disent-ils. Ainsi refuseraient-ils d’exercer la mission qui exposerait les agents à un «danger imminent». «Sinon, les policiers deviendront de véritables bombes virologiques», alerte Linda Kebbab, compte tenu de leur rôle en première ligne dans les rues. «Des CRS ont déjà exercé hier leur droit de retrait», dit-elle avant d’espérer: «ça peut faire tache d’huile.» En effet, ce droit de retrait s'est exercé hier 18 mars dans les départements du Rhône, de l'Ain et de l'Isère.
Le bras de fer est donc enclenché. Christophe Castaner a indiqué que ce retrait n’était possible «que si le fonctionnaire est exposé à un danger grave et imminent ou un équipement défectueux et que l’employeur ne prend aucune mesure pour y remédier». Un scénario qui n’aurait pas lieu d’être selon le ministre: «ils ne peuvent s’en prévaloir, puisque leur mission est par nature dangereuse, ils le savent», a-t-il avancé.