En Corse, les autorités approuvent «qu’on aille vers des mesures drastiques» face au Covid-19

© Photo Cumunicazione di u Presidente di l’Assemblea di CorsicaJean-Guy Talamoni, Président de l'Assemblée de Corse
Jean-Guy Talamoni, Président de l'Assemblée de Corse - Sputnik Afrique
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Avec «un nombre de contaminés et de morts très préoccupant», les autorités locales corses s’organisent au mieux pour faire face au Covid-19, «dans un dialogue permanent avec l’État». Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, évoque pour Sputnik les élections municipales et les mesures urgentes à prendre face à la spécificité de l’île.

Face à l’épidémie de coronavirus, Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, tient à faire passer un «message essentiel»: «on travaille en cohérence avec les pouvoirs publics, y compris avec les services de l’État, sans notion de polémique». Ce qui ne l’empêche pas de souligner que désormais, «il faut mettre les bouchées doubles».

Dimanche 15 mars, on dénombrait 115 cas de contamination au Covid-19 en Corse (22 en Haute-Corse, 93 en Corse-du-Sud) et cinq morts. 

«Aujourd’hui, nous avons un nombre de contaminés et de morts très préoccupant, souligne Jean-Guy Talamoni. Je pense que les autorités corses –le président du conseil exécutif, moi-même et les autres élus– doivent peser de tout leur poids pour que l’on aille vers des mesures drastiques pour la Corse, qui est plus menacée que les autres régions européennes, mises à part certaines régions en Italie.»

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C’est précisément sa proximité avec l’Italie qui inquiète l’élu nationaliste, puisque «la Corse géographiquement est dans l’aire italienne». Les relations historiques et quotidiennes restent «extrêmement étroites» avec le pays transalpin.

«Nous ne pouvons pas et nous ne devrions pas être traités comme le reste du territoire, insiste Jean-Guy Talamoni. Malheureusement, Paris est assez rigide sur ce point. Nous avons plaidé pour avoir un traitement spécifique, qui n’est pas contesté formellement, mais n’est pas pris suffisamment en compte.»

Ce 16 mars, pour l’élu, la spécifié du traitement de l’île devrait se traduire par l’interruption des liaisons aériennes et maritimes avec l’Italie, une décision qui «paraissait évidente» au président de l’assemblée corse, et qui a été «demandée depuis dix, quinze jours».

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«Je n’ai pas du tout été suivi sur ce point-là, même par la plupart des élus de notre majorité, déplore Jean-Guy Talamoni, malgré le fait que certains élus de l’opposition m’ont soutenu, sans tenir compte de leur étiquette politique.»

«À l’heure matinale où nous parlons, ces liaisons avec l’Italie se poursuivent. Quand on pense qu’il y a juste huit jours, une agence de voyages organisait un week-end à Naples, on est dans l’irrationnel. Et les bateaux arrivent encore d’Italie avec des personnes à bord qui se mêlent à la population. C’est complètement irresponsable», s’agace M. Talamoni.

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Soulignant que les autorités corses «n’ont pas de compétence pour prendre ces mesures» et ne veulent pas «se substituer à l’État français, qui en a le pouvoir», le président de l’Assemblée compte sur «la force du message porté» en tant que «seul pouvoir en Corse issu du suffrage universel»:

«Seuls le confinement total et l’arrêt total des liaisons, non seulement avec l’Italie, mais également avec le continent (sauf pour raisons médicales, des gens qui sont soignés à Marseille, Nice ou à Paris) nous permettront de sortir de cette affaire avec le moins de problèmes possibles», assure Jean-Guy Talamoni.

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Le président nationaliste assure mettre tout œuvre pour «permettre de traverser cette crise de la manière la moins désastreuse possible» et «éviter le pire», mais il reste sceptique sur la perspective d’une «situation positive» corse du point de vue sanitaire.

«La question des élections est dérisoire dans la situation actuelle, souligne M. Talamoni. Personnellement, je pense qu’il serait surréaliste de tenir le deuxième tour.»

Comme un peu partout en France, le taux de participation au premier tour des municipales a été en forte baisse en Corse: à 17 heures le 15 mars, en Haute-Corse, le taux de participation s’élevait à 58,41%, contre 73,21% il y a six ans; en Corse-du-Sud, le taux de participation atteignait 47,59%, contre 72,71% en 2014.

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Et les oppositions ne sont pas les mêmes qu’ailleurs: ni le Rassemblement national ni La République en Marche ne sont fortement implantés dans l’île de Beauté. Malgré cette réalité politique, Jean-Guy Talamoni considère que tout ce qu’il y a de «spécial» en Corse est surtout lié à l’épidémie de coronavirus, sans toutefois se priver de faire une brève analyse des résultats du premier tour.

«Pour nous, il était important de voir la place des nationalistes dans cette situation électorale particulière, détaille ce membre du mouvement Corsica libera. Notre mouvement est parti en ordre dispersé pour ces élections municipales, ce qui n’était pas le cas pour les élections précédentes, en 2015 et 2017. à mon avis, c’est une erreur politique.»

D’une manière générale, les résultats du premier tour des élections n’ont pas été bons pour les nationalistes, à l’exception de quelques municipalités, comme Porto Veccio, où leur perspective «semble prometteuse» au vu de leur score de 44,39% et de la première place décrochée par Jean-Christophe Angelini (Parti de la nation corse). Ce fut aussi le cas dans des communes comme Biguglia, où Jean-Charles Giabiconi (Bigulia per tutti) a détrôné Sauveur Gandolfi-Scheit, maire de la commune depuis 44 ans. «Dans la plupart de grandes communes, ça s’est mal passé», déplore Jean-Guy Talamoni, en mettant en cause «la stratégie voulue par [Gilles Simeoni], le président du conseil exécutif, qui a affaibli la majorité territoriale».

Une demande de report tardive

Gilles Simeoni a effectivement appelé à reporter les élections municipales samedi soir, mais «à quelques heures du scrutin». Étant donné que cette demande était en contradiction avec la position de l’État, «il était impossible d’obtenir en quelques heures l’accord» des candidats d’une manière consensuelle, sachant que «seul l’accord des candidats aurait pu permettre le report du scrutin».

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«Nous avons clairement donné notre avis lorsque nous avons été consultés: nous avons accepté l’idée de reporter le scrutin», assure le président de l’Assemblée corse, qui «n’ai pas rendu public son avis», puisqu’il «favorise le travail en interne, afin que les pouvoirs publics parlent d’une seule voix».

«En ce qui me concerne, j’ai attiré l’attention du préfet bien en amont que l’organisation de ces élections me paraissait être une erreur grave, clame Jean-Guy Talamoni. Avec le deuxième tour, la situation se présente de la même manière, avec l’aggravation que l’on peut prévoir, compte tenu de la courbe des contaminations et des morts.»

La cellule de crise dont le président de l’Assemblée de Corse fait partie se réunit tous les matins à la Préfecture d’Ajaccio. «Le dialogue est permanent. De ce point-là, nous n’avons pas de reproches à faire à la Préfecture, les rapports sont assez fluides sur ce dossier,» conclut M. Talamoni, qui reste «dans un esprit constructif».

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