«Une grande partie du prolétariat français souffre. Le problème n’est donc pas la France mais l’oligarchie française et l’oligarchie africaine qui marchent en concubinage incestueux. Il faut qu’on dise les choses telles qu’elles sont et personne ne pourra me pousser à dire autre chose», a déclaré Kémi Séba lors de son passage à Paris, en transit pour retourner au Bénin, ce lundi 3 mars dans le studio de Sputnik France.
«Pendant de nombreuses années, la question de la Françafrique est restée cantonnée à l’élite, mais grâce à la mobilisation de la jeunesse africaine que mon ONG a réussi à faire descendre dans la rue, un tabou a sauté en Afrique. Si on me persécute, si on m’expulse, c’est bien parce que je dérange l’élite qui profite de ce système et que je refuse d’être corrompu, à l’instar de tous les autres», a clamé l’activiste franco-béninois au micro de Sputnik France.
Le holdup de l’ECO
«Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont sciemment piraté le projet de monnaie commune en Afrique de l’Ouest qui existait depuis les années 1980», accuse-t-il.
Sur les débats actuels concernant l’avènement de l’ECO, la future monnaie de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui devait voir le jour en 2020, mais a finalement été reporté sine die, il estime que «le Nigeria, la principale puissance économique de la zone, est dans son rôle».
«Le Nigeria n’a pas d’agenda caché (vis-à-vis de l’ECO, ndlr). Je m’y rends souvent et suis toujours très bien accueilli. Je peux vous garantir que ses dirigeants, comme beaucoup d’autres en Afrique, en ont marre de l’arrogance de l’oligarchie française et du suivisme de nos Présidents dans la zone franc», martèle-t-il.
L’abolition des frontières
Clamant que son panafricanisme relève de l’urgence qu’il y a à sortir l’Afrique francophone de la tutelle de son ancienne puissance coloniale, il demande une meilleure reconnaissance de l’économiste camerounais Joseph Tchundjang-Pouémi. Celui-ci a fait œuvre de pionnier, selon lui, dans la dénonciation du franc CFA. Il appelle également de ses vœux toutes les bonnes volontés parmi les générations actuelles de penseurs africains pour faire avancer le continent en continuant de «conscientiser» les peuples.
«Le panafricanisme, c’est comme un hôpital. Nous, nous jouons le rôle d’urgentistes avec notre ONG, mais il faut aussi des généralistes, des psychiatres, des radiologues, etc. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues à condition qu’elles aillent dans le sens d’une plus grande autonomisation de la jeunesse africaine», explique-t-il.
Interrogé sur son passé, Kémi Séba n’a d'ailleurs voulu renier ni la tribu Ka, ni son amitié avec Dieudonné qui lui avait valu d’être accusé d’extrémisme, voire d’antisémitisme dans sa jeunesse. «Le Kémi Séba de 2020 n’existerait pas s’il n’y avait pas eu le Kémi Séba de 2006!», a-t-il rétorqué au micro de Sputnik France.
«Mon parcours est une très grande fierté. Même si on a voulu nous diaboliser des deux côtés. L’important c’est de faire prendre conscience des méfaits du capitalisme car il y a des oppresseurs noirs, comme il y a des oppresseurs blancs. Mais s’il n’y avait pas eu la tribu Ka, il y aurait beaucoup de gens qui ne me suivraient pas aujourd’hui», a-t-il conclu.